Ichi the killer
Titre original: Koroshiya 1
Genre: Gore , Yakuza
Année: 2001
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Takashi Miike
Casting:
Tadanobu Asano, Nao Omori, Shinya Tsukamoto, Paulyn Sun, Susumu Terajima, Shun Sugata...
 

Je ne vais pas en faire des tonnes sur Takashi Miike, alien prolifique venu du Japon à la filmo en expansion constante (et que l'on peut apercevoir dans le médiocre "Hostel"). Que ceux qui ne connaissent pas son travail se renseignent ; vous ne le regretterez pas, et sachez que c'est lui qui a réalisé le très bon "Audition" ("Odishon") par exemple... Et "Gozu", et "Visitor Q"... A noter aussi la présence de Tadanobu Asano ("Electric Dragon 80 000 V") et celle de Shinya Tsukamoto (monsieur "Tetsuo").
Pour illustrer un petit peu la puissance et les talents de Miike sachez aussi que les producteurs de la série américaine "Masters of Horror" lui ont récemment commandé un épisode qu'ils se sont empressés... de censurer ! Ce qui en dit long sur leur caractère fumiste et les qualités subversives de l'auteur. Pour le voir il faudra attendre la sortie de l'intégrale en dvd ! Ben tiens !
L'histoire de départ d'Ichi the Killer tient en quelques mots : le boss d'une bande de yakusas disparaît avec une grosse somme d'argent... Pensant à un coup perpétré par une bande rivale les membres du gang vont assez vite se rendre compte que c'est en fait l'oeuvre d'un tueur très particulier... Ichi.

 

 

Equipé d'une combinaison noire où l'on peut lire un "1" dans le dos, Ichi est un tueur atypique : sa fureur s'accompagne de crises de larmes, traumatisé plus jeune par l'excitation sexuelle qu'il a éprouvé en assistant à l'agression puis au viol d'une femme qui réclamait son aide. A l'aide de sa combinaison munie de lames rétractables dans les talons de ses chaussures, Ichi, instrumentalisé par le personnage joué par Tsukamoto, va entreprendre une vendetta à sa façon...
Antithèse totale des films de Quentin Tarantino par exemple (fan de Miike), qui ne sait que mollement montrer des scènes de violence sans aucun support idéologique (même si j'ai bien aimé "Reservoir Dogs" et "Pulp Fiction"), le tout enrobé dans une esthétique rock'n'roll pour ados.
Dans "Ichi the Killer" on est bien plus, il me semble, dans une esthétique post-industrielle (le rapport au corps proche de celle présente dans "Tetsuo" ou "Rubber's Lover"), où tout et le pire de tout est non seulement montré, mais argumenté, conférant une sacrée épaisseur aux personnages. Dans ce maelström de violence on est aussi touché par les affres traversées par les protagonistes, par la complexité de leurs caractères, leur sensibilité, aussi "arrachée" soit-elle. Et croyez-moi, elle l'est !
Excellemment filmé et joué, "Ichi the Killer" fourmille de trouvailles narratives, sans doute inspirées par le manga d'origine, mais formellement c'est très, très brillant. L'image est belle, et Miike a trouvé le parfait dosage, n'en faisant jamais trop avec sa caméra. Le personnage d'Ichi paraît annexe pendant les 3/4 du film, son comportement est évoqué successivement lors de plusieurs scènes énigmatiques servant à le "cadrer".

 

 

Mais l'essentiel du film pendant cette partie consiste à suivre les péripéties de Kahikara (Tadanobu Asano), tueur principal du clan en mal de "chef". On retrouve là aussi le mythe du samouraï sans maître, le ronin, figure emblématique ô combien importante dans l'imaginaire nippon. Coûte que coûte Kahikara part en chasse de son maître, le seul à savoir bien lui faire mal, et en découvrant les oeuvres apocalyptiques perpétrées par Ichi (qu'il veut à tout prix affronter pour mieux se connaître encore) il finira par estimer celui-ci, enviant son talent ainsi que son style. Car il est beaucoup question d'esthétique de vie dans Ichi the Killer, ainsi que de la famille. Mais toutes les valeurs sont ici inversées : les femmes se font soit tabasser/torturer, soit ce sont elles qui torturent ! Les hommes, eux, ne se définissent que par les liens les unissant et les asservissant les uns aux autres (le clan) ; l'individualité se détermine par la quantité et la qualité des souffrances qu'elle est capable d'endurer. Ichi égorge ses "conquêtes" féminines ou leur sectionne les jambes pour leur montrer son affection. Kahikara, quant à lui, n'est motivé dans sa quête que par le souvenir et l'attente des tortures que seul son boss sait lui prodiguer correctement.
Mais Ichi the Killer étant une oeuvre éminemment visuelle il est difficile d'évoquer par des mots la maestria, l'énergie et la vitalité qui s'en dégagent. A noter que les SFX sont parfaits ; ça découpe, tranche, flingue à tout va (mais sans jamais prendre le spectateur pour un abruti). Et le film n'est jamais bordélique ou tape à l'oeil. J'ai lu pas mal de chroniques du film sur le net, certains y voient des références que je ne partage pas, d'autres se sont essayés à l'interprétation psychanalytique (pitié !) ; je les ai souvent trouvées vaines.

 

 

"Ichi the Killer" vous balance en pleine poire toute la puissance de ce que peut-être le cinéma quand il est à la hauteur de ce qu'il est : un art à part entière, ce que beaucoup de réalisateurs occidentaux ont oublié depuis longtemps. Et il me faut remonter à "Eraserhead" et/ou au très fort "Mulholland Drive" pour me souvenir d'avoir ressenti un tel mélange de plaisir et d'étrangeté. Un putain de chef d'oeuvre ! Honnêtement j'envie tous ceux d'entre vous qui ne l'ont pas vu et vont se le prendre en pleine tronche. Vous allez vous régaler... et pas mal halluciner aussi...

 

Note : 10/10

 

Veidt
 
A propos du film :
 
# Il existe une préquelle à "Ichi the killer" appelée "Ichi 1" dont on peut se passer ; peu de moyens et de talent, ça reste un film de "baston" anecdotique et plutôt médiocre. Il en existe aussi une version "animée" signée Hideo Yamamoto et Shinji Ishidaira (2004).
 
En rapport avec le film :
 
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