Requin harponne Scotland Yard, Le
Titre original: Das Gasthaus an der Themse
Genre: Krimi
Année: 1962
Pays d'origine: Allemagne (RFA)
Réalisateur: Alfred Vohrer
Casting:
Joachim Fuchsberger, Brigitte Grothum, Elisabeth Flickenschildt, Klaus Kinski, Eddi Arent, Jan Hendriks...
 

La nuit, un cadavre embroché par un harpon est découvert sur une péniche dérivant sur la Tamise. C'est la dernière victime du "Requin", un cambrioleur particulièrement sanglant et audacieux dont les vols sont toujours agrémentés d'assassinats, y compris de policiers. Un surnom dû à l'utilisation par ce criminel d'une tenue de plongeur sous-marin (la "grenouille" était déjà pris), lui permettant de camoufler son visage et surtout de s'enfuir par la Tamise en utilisant les égouts. L'identité du mort, petit malfrat spécialisé dans la contrebande d'alcool, amène l'inspecteur Wade de la brigade fluviale à s'intéresser à "La Mecque", un bar hôtel situé sur les bords de la Tamise. Ce rade, louche et malfamé, est tenu d'une main de fer par Madame Oaks, une vieille connaissance de Wade. Y travaille aussi Leila, sa nièce, une jeune orpheline qu'elle exploite et Willy, barman et videur. Si le bar est bondé tous les soirs, l'hôtel semble avoir pour unique client le mystérieux Gregor Gubanow, "importateur d'épices". Tout ce petit monde semble avoir beaucoup de chose à cacher, en tous cas à la police...

 

 

Douzième film officiellement recensé de la vague de Krimis, initiée en 1959 avec "La grenouille attaque Scotland Yard", qui déferlera sur les écrans allemands jusqu'en 1972 et verra (au moins dans ses titres français) la police londonienne subir les assauts de toute une ménagerie. Soit pas moins de 38 films adaptés du romancier de gare britannique Edgar Wallace, auxquels il faut ajouter la dizaine adaptée de son fils Bryan Edgar Wallace. Les puristes ne manqueront sans doute pas de défalquer à ce total les trois coproductions italiennes (dont le magnifique Mais qu'avez-vous fait à Solange ? et le plus anecdotique Sept orchidées tachées de sang de Lenzi qui serait donc l'ultime Krimi) qui appartiennent plus au Giallo, et la coproduction espagnole "The Devil Came from Akasava" signée Jess Franco (un genre à lui seul).
Celui-ci est le troisième réalisé par Alfred Vohrer (qui est considéré outre Rhin comme étant le maître du Krimi) après Les Mystères de Londres et La Porte aux sept serrures, et surtout il réunit le quatuor magique Vohrer, Fuchsberger, Arent, Kinski. Que demander de plus ? Du sang et de l'érotisme ? Pour cela, il faudra attendre le Giallo.

 

 

Comme toujours dans les Krimis, l'intrigue policière est passablement embrouillée, avec son histoire de criminel masqué et de jeune héritière flouée, les deux étant liés de façon assez artificielle. De toute façon, les romans d'Edgar Wallace reprenant un même canevas stéréotypé, il est sans doute préférable que, comme ici, la cohérence scénaristique s'efface au profit de l'ambiance, du suspense, et du dynamisme d'ensemble, préfigurant en quelque sorte le Giallo. De même, l'aspect Whodunit, concernant l'identité du criminel, qui constitue la base du scénario, n'aurait sans doute pas plu à Agatha Christie mais est diablement prenant, quasiment tout le casting masculin y passe dans tous les sens du terme.
Fun, rythmé, sympathique, habilement dosé en humour et en suspense, ce film tourné en à peine plus d'un mois est vraiment une réussite, prouvant le savoir faire en la matière d'Alfred Vohrer qui, s'il était manchot, n'était pas un manche pour la réalisation. D'ailleurs, le public allemand, qui se pressa dans les salles en 1962, ne s'y trompa pas, faisant de ce film le plus grand succès de tous les Krimis. Non, vraiment, s'il y a une chose à reprocher à ce métrage, c'est le surnom de son criminel, le banal et mal adapté "Requin", dont l'arme (un lance-harpon), évoquant l'aiguillon mortel de la Pastenague aurait dû lui valoir l'appellation de "la Raie", ce qui aurait permis au rédacteur de la présente notule de l'émailler de jeux de mots du meilleur goût.

 

 

Grand atout du film, son casting reprenant les plus grands noms du Krimi, rarement réunis tous ensemble. Le héros aux tempes grisonnantes, Joachim Fuchsberger, a ici un rôle moins unidimensionnel qu'à l'habitude, n'hésitant pas à menacer puis à séduire une frêle et innocente orpheline. La jeune demoiselle en détresse est interprétée par Brigitte Grothum, moins célèbre que ses cadettes Karin Dor, Karin Baal ou Uschi Glas, elle n'en a pas moins beaucoup de charme et forme avec Fuchsberger un couple particulièrement bien assorti. Sa silhouette juvénile et son visage mutin font que l'on ne remarque pas qu'elle a dix ans de plus que son rôle. Eddi Arent est l'indispensable élément comique du film, mais ici il ne joue pas l'agent gaffeur ou le second maladroit de l'enquêteur, mais un excentrique mêlé bien malgré lui aux exactions du "requin" (à moins qu'il ne soit le "requin" lui-même). Kinski, qui dispute à Arent (natif comme lui de Dantzig) le record des participations dans les Krimis, reprend son habituel rôle de personnage louche et ambigu.

Parmi les méchants, clairement identifiés comme tels, deux interprètes se détachent : Elisabeth Flickenschildt et Jan Hendriks. Flickenschildt, visage de gargouille, corps de Harpie, voix sépulcrale, irradie l'écran de sa laideur et de son charisme à chacune de ses apparitions. Celle qui fut dans les années 30 l'actrice préférée du Führer n'aurait sans doute pas été sélectionnée pour être reproductrice dans un Lebensborn. Jan Hendriks (de son vrai nom Heinz Hinz) possède un visage carnassier doté d'une très saillante cicatrice en Y sur la joue droite, particularité que Vohrer utilisera habilement en le filmant exclusivement de profil, en faisant une sorte de Janus : badin et enjoué vu du côté gauche (quand il est en présence de Flickenschildt), prédateur et inquiétant vu du côté droit (quand il se retrouve seul avec Brigitte Grothum). On notera aussi, clin d'oeil d'Alfred Vohrer à son infirmité, la présence d'une reproduction d'avant-bras dans le décor du bar miteux.

 

 

Un must du genre donc, et ce faisant, un must tout court.

Note : 8,5/10

Sigtuna

 

* Le Trailer (en VO) sur la PsychovisionTV :

 

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