Jeunes filles impudiques
Genre: Erotique , Comédie , Policier
Année: 1973
Pays d'origine: France
Réalisateur: Jean Rollin
Casting:
Joëlle Coeur, Gilda Arancio, Willy Braque, Marie-Hélène Règne, Pierre Julien, François Brincourt, Reine Thirion et Jean Rollin
Aka: Schoolgirl Hitchhikers
 

Deux copines, la brune Monique (Joëlle Coeur) et la blonde Jackie (Gilda Arancio), sont parties faire du camping sauvage. Tandis qu'elles se promènent dans les bois, elles voient une maison qui paraît abandonnée. Plutôt que de planter leur tente, Monique suggère à son amie d'aller visiter l'édifice. Une fois à l'intérieur, elles se rendent comptent que la villa est en bon état, trouvant même au premier étage une chambre aménagée les confortant dans l'idée d'y passer la nuit. Après quelques tendres ébats saphiques, les deux jeunes femmes s'endorment paisiblement. Elles ignorent que l'endroit sert de planque à des truands, et que des bijoux récemment dérobés ont été dissimulés dans un coffre-fort...

 

 

Jeunes filles impudiques, s'il reste un film anecdotique dans l'oeuvre de Jean Rollin, n'en est pas moins important à plus d'un titre. Tout d'abord, il s'agit de son premier long métrage érotique. Il en réalisera un second l'année suivante, "Tout le monde il en a deux", avant de passer au hardcore durant plusieurs années, en parallèle à sa carrière de cinéaste "classique".
C'est ensuite la rencontre avec deux personnes qui resteront dans les mémoires comme des acteurs incontournables dans l'oeuvre du réalisateur : Joëlle Coeur et Willy Braque. L'un comme l'autre offriront peu de temps après une composition remarquable dans "Les Démoniaques", éclipsant le reste du casting à l'exception de Louise Dhour.
Enfin, il s'agit là du premier film que Jean Rollin signa Michel Gentil, un pseudonyme qui n'en est pas vraiment un puisque le cinéaste s'appelait Jean-Michel Rollin le Gentil.
Jeunes filles impudiques a été conçu essentiellement à cause des revendications de Lionel Wallmann, qui était à l'époque le producteur de Rollin. Il venait de financer "Requiem pour un vampire", sorti en 1973. Lors du tournage, qui comprenait un passage dans lequel des serviteurs lubriques du vampire torturaient quelques malheureuses demoiselles dans un donjon, Wallmann avait demandé au metteur en scène d'ajouter encore plus de sadisme et d'érotisme. Il faut dire que le producteur était en charge de la vente du film à l'étranger, notamment les Etats-Unis qui étaient acheteurs de ce genre de produits, surtout depuis le succès colossal de Deep Throat. Mais Jean Rollin refusa tout net, il n'était pas question de changer quoi que ce soit à "Requiem...". Il accepta par contre de tourner un film érotique pour Wallmann, à condition que ce dernier le finance totalement. C'est ainsi que Jeunes filles impudiques vit le jour.

 

 

A sa vision, on se rend compte que Rollin s'est évertué à puiser dans ce qu'il aime pour ce film de commande. On retrouve en premier lieu l'incontournable duo d'héroïnes qui fit sa marque de fabrique, comme c'était déjà le cas dans "Requiem pour un vampire" avec Marie-Pierre Castel et Mireille Dargent, et comme ce sera encore le cas dans "Les Démoniaques", "Les paumées du petit matin" et "Les deux orphelines vampires", entre autres. Et puis, au fur et à mesure que l'action se déroule, on voit que l'ambiance privilégiée est celle du serial, avec des jeunes femmes en détresse, des truands et des combats "old school", un détective décontracté, mais surtout avec Béatrice, la méchante asiatique prenant beaucoup de plaisir à torturer Jackie. La scène où elle (Marie-Hélène Règne, vue dans "Les Chiennes" de Michel Lemoine) malmène les tétons de Gilda Arancio avec une pince, et où elle observe avec une joie non dissimulée son sbire (Fred, joué par l'impeccable Willy Braque) fouetter la malheureuse demeure l'un des points d'orgue du film. Et quand on lit dans "Moteur Coupez ! Mémoires d'un cinéaste singulier" toute l'admiration que Rollin avait pour "Le Masque d'or" ("The Mask of Fu Manchu", de Charles Brabin – 1932), écrivant notamment : "Toutes les apparitions de Mirna Loy en fille de Fu-Manchu sont chargées d'un érotisme sous-jacent... C'est elle qui réclame le droit de fouetter le jeune héros prisonnier...", on imagine sans mal que le personnage de Béatrice est inspiré de Fah Lo See, la fille de Fu-Manchu.

 

 

Jeunes filles impudiques est donc un joyeux mélange de film érotique soft et de serial, dont le huis-clos quasi-permanent et le nombre restreint de protagonistes (sept en tout, plus un cameo de Jean Rollin lors du final) ajoutent à l'ensemble un air de théâtre de boulevard. L'intrigue en elle-même est aussi légère que farfelue, avec des allées et venues incessantes de la plupart des personnages dans la villa. Une scène particulièrement amusante voit Béatrice et Fred kidnapper Monique. Ils sortent de la maison, prennent leur voiture, et s'arrêtent cent mètres plus loin où se trouve leur lieu de destination (un pavillon chinois) ! De même, lorsque Monique constate que les truands ont fait prisonnier Jackie, et sont en train de la torturer, elle décide de se rendre dans la ville la plus proche (à pied) et de demander de l'aide à un détective ringard. Quoi de plus naturel...
Mais peu importe, après tout, le but étant d'abord de proposer un divertissement offrant les ingrédients nécessaires : de l'érotisme, un peu d'action, de suspense et de comédie. L'érotisme reste assez sage, finalement, mais superbement filmé par la caméra de Rollin, aidé de son complice Jean-Jacques Renon (que l'on retrouvera dans quelques films X du réalisateur, sous son pseudo d'Oscar Lapin). A noter que le script fut confié à Natalie Perrey, une autre fidèle du réalisateur, et que la musique est signée Pierre Raph, qui collaborera aussi avec Jean Rollin sur "Requiem pour un vampire", "La rose de fer" et "Les Démoniaques". Une musique enjouée, en l'occurrence, très jazzy, alternant les cuivres, les instruments à vent, à corde ou les percussions selon les circonstances (scènes d'amour, bagarres...).

 

 

Il va sans dire que Joëlle Coeur irradie de sa beauté tout au long du film. Sa carrière sera brève, de 1972 à 1976. L'avènement du X, et son refus de s'impliquer dans le hard, la conduiront à prendre sa retraite. En quatre années, elle aura tourné avec la plupart des réalisateurs français spécialisés dans l'érotisme : Max Pecas, José Benazeraf, Jean-Marie Pallardy, Michel Lemoine et Jean-François Davy. Mais c'est Rollin qui aura su le mieux utiliser, exploiter la sensualité de l'actrice. Pierre-Claude Garnier, quant à lui, aura offert à Joëlle Coeur (tout comme à Jean Luisi) un beau rôle dramatique dans "Pleins feux sur un voyeur".
Elle est le personnage "dominant" du couple qu'elle forme avec Gilda Arancio. Joëlle est celle qui prend toutes les décisions, va chercher de l'aide, parvient à se libérer... Elle est enfin la voix-off, la narratrice des événements. Gilda Arancio, plus réservée, plus "soumise", apporte le contrepoint idéal à Joëlle Coeur. Non seulement par son physique, sa couleur de cheveux, mais également par ses traits de caractère. Gilda Arancio, tout comme Joëlle Coeur, a eu une carrière essentiellement tournée vers l'érotisme, durant la décennie des seventies. On l'a vu chez Pecas, Jesus Franco, Benazeraf, Pallardy (Règlements de femmes à O.Q. Corral, L'arrière train sifflera trois fois) et dans quelques productions Eurociné. Contrairement à sa partenaire, elle n'hésitera pas à tâter du X en certaines occasions.

Enfin, Willy Braque, de son vrai nom Guy Peyraud, fit ses premières armes chez Benazeraf, dans Le concerto de la peur, puis "L'enfer dans la peau". Son visage un rien patibulaire le cantonnera le plus souvent dans des rôles de méchants. S'il garde son pantalon dans Jeunes filles impudiques, il tournera plus tard dans quelques pornos (notamment chez Jean-Louis Van Belle). Figure atypique du cinéma, il est aussi le réalisateur de deux courts métrages, ainsi que d'un long métrage (avec la complicité de Rollin) malheureusement demeuré inédit et peut-être à jamais perdu : "La secte du diable" (1973).
A l'image de sa chute, Jeunes filles impudiques est un film léger, sans prétention, mais annonciateur de l'autre facette de Jean Rollin, celle concernant sa filmographie X qu'il a malheureusement reniée durant les dernières années de sa vie, alors qu'il n'avait pas à en rougir.

 

 

Note : Dans "Moteur Coupez ! Mémoires d'un cinéaste singulier", Jean Rollin écrit :

Je me souviens que nous tournions, pour Jeunes filles impudiques, une scène d'amour sur le siège arrière d'une voiture. Les deux protagonistes étaient nus, et le sexe du garçon devait se cacher entre ses jambes. Mais voilà, la fille était jolie, elle se nommait Gilda A., et le garçon était en pleine forme. Où que nous mettions la caméra, nous filmions sa virilité qu'il ne pouvait dissimuler. Le temps passait. Alors, d'une petite voix charmante, la naïve et nature Gilda trouva la solution : "Il n'a qu'à la rentrer, on ne la verra plus..."

L'anecdote est sympathique. Cela dit, après visionnage de Jeunes filles impudiques dans sa version intégrale (dvd Another World Entertainment), il s'avère que la scène en question n'y figure pas. La seule fois où Gilda Arancio a une scène d'amour avec un homme dans le film, c'est avec Willy Braque, dans une pièce de la villa (et en compagnie de Joëlle Coeur). Cela signifierait alors que la scène en question fut coupée au montage.

 

Flint


En rapport avec le film :

# La fiche dvd Another World Entertainment de Schoolgirl Hitchhikers (Jeunes filles impudiques)

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