Homme du Minnesota, L'
Titre original: Minnesota Clay
Genre: Western spaghetti
Année: 1964
Pays d'origine: Italie / Espagne / France
Réalisateur: Sergio Corbucci
Casting:
Cameron Mitchell, Fernando Sancho, Ethel Rojo, Georges Rivière, Diana Martin...
Aka: Le Justicier du Minnesota
 

Minnesota Clay, tireur d'élite vieillissant atteint de cécité grandissante, s'échappe des travaux forcés où il a été emprisonné à tort. La veille de son exécution, après avoir sauvé un forçat de la noyade, il parvient à prendre en otage le médecin du camp, puis à s'enfuir. Son but n'est pas à proprement parler la vengeance, mais de retrouver son ancien comparse, Fox, le seul capable de prouver son innocence, celui-ci étant le véritable assassin. Lorsqu'il arrive dans la ville, il s'aperçoit que celle-ci est sous le joug de son ancien camarade et sa bande de renégats qui terrorisent les habitant pour leur extorquer leur argent. Il se range un temps du côté de la bande rivale, des Mexicains, dont le chef, Domingo Ortiz, aimerait bien éliminer Fox pour enfin prendre sa part. Clay accepte un contrat avec Ortiz et va ensuite osciller entre les deux camps, composant avec chacun pour arriver à ses propres fins...

 

 

L'une des particularités de Minnesota Clay est d'avoir été réalisé au même moment que "Pour une poignée de dollars". Sorti après le film de Leone, celui-ci ne rencontra pourtant pas le succès escompté. Il n'empêche qu'il reste également l'un des précurseurs d'un genre. Le résultat à l'écran est assez troublant puisque le postulat est quasiment le même dans les deux films, qui piochent chacun à leur manière dans le "Yojimbo" de Kurosawa : le "coupable" n'est autre qu'Adriano Bolzoni qui semble avoir livré un scénario assez similaire aux deux réalisateurs, chacun d'eux étant par ailleurs impliqué dans celui-ci. Bolzoni est un vieux briscard qui retrouve là un genre dans lequel il a débuté avec "Le retour de Pancho Villa". La suite de sa carrière passera, comme nombre de ses collègues, par le péplum ("Romulus et Remus", Le fils de Spartacus) et ses collaborations avec Corbucci se feront régulières (Ringo au pistolet d'or, El mercenario, Far West Story), tandis qu'on signalera en passant, son travail au côté de Lucio Fulci pour une comédie (Au diable les anges) puis un western tardif quant à lui très intéressant : Sella d'argento. L'homme est inégal et la qualité des films illustrant ses scénarios s'en ressentent : c'est le cas par exemple de ses incursions au sein du giallo, genre où il livrera du solide (Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé) mais aussi de l'inepte (L'assassino... è al telefono). Ici, on tranchera en disant qu'il reste dans la juste moyenne, lui-même ne tranchant pas suffisamment...

 

 

En effet, L'homme du Minnesota a comme qualités de posséder, dès 1964, les prémices et spécificités du western spaghetti : un héros dont le handicap pourra lui être fatal, le même héros molesté de façon sadique qui, du coup, perd une part supplémentaire de ses facultés (on pense à Django et au Grand silence, tous deux à venir), une attirance particulière pour les décors et les ambiances funèbres (ici, le cimetière où va se recueillir Cameron Mitchell), ainsi qu'une violence outrancière, sadique et surtout presque gratuite (le premier assaut du gang de Fox durant lequel les habitants se font molester, prendre au lasso, fouetter, au petit bonheur la chance).

Finalement, là où le tandem Bolzoni/Corbucci échoue par rapport au film de Leone, c'est dans son approche dénuée de cynisme et somme toute très morale. A l'instar du western hollywoodien, le héros y est juste et cherche, comme on l'a souvent vu, sa rédemption. Une impression accentuée par deux versions existantes du film, dont la plus distribuée, hélas, fut celle où l'on trouve cette improbable déclaration finale du médecin pris en otage en début de bobine : "Si l'on racontait aux gens ce que cet homme là a enduré toute sa vie, aucun d'eux ne voudrait le croire..." ce, tandis que dans le même temps, le bien l'emporte, deux amoureux transis regardent un avenir tout fait de promesses avec, en point de mire, la loi et l'ordre retrouvés et un humanisme pour le moins cucuteux.
Mais sans compter cela, c'est à un degré ironique que le second western du réalisateur, succédant à "Massacre au Grande Canyon" (coréalisé encore sous pseudonyme par Corbucci avec Albert Band), peut paraître un peu juste pour révolutionner un genre que Leone saura, au même moment, mieux malmener. En ôtant ces quatre minutes pas loin d'être aussi ridicules que la fin alternative du Grand Silence, on se retrouve devant une tragédie noire annonçant bien des choses à venir. C'est sur ces bases bien entendu qu'il vaut mieux juger Le Justicier du Minnesota.

 

 

Reste que ce dernier est un film charnière, entre un genre à venir et un autre agonisant et que, d'une autre manière encore, Corbucci livre ici un opus plus intéressant que son Ringo au pistolet d'or pourtant plus al dente. On pense davantage à ses "Cruels", qui évoluait lui aussi à la croisée des genres.
Une autre récurrence aussi dans l’oeuvre du metteur en scène et qu'on retrouve ici : celle de mettre en scène des minorités ethniques, un fait extrêmement rare dans ce genre : dans Johnny Oro, l'Indien y était réhabilité et remis à sa juste place ; dans Navajo Joe, il se fait quasiment fantomatique pour assouvir sa vengeance. Ici, c'est un représentant de la minorité noire, habituée au sacrifice, qui encore se sacrifiera de façon symbolique.

Plutôt bien mené, rythmé par une musique et un leitmotiv sympathiques de Piero Piccioni, distillée elle-même judicieusement et avec parcimonie, Minnesota Clay est très bien campé par Cameron Mitchell très à l'aise quoique représentant assez peu les stéréotypes du genre. Georges Rivière, qui venait juste de croiser Corbucci lors du tournage de Danse Macabre, s'y montre convaincant même si, au rayon salopards, on en a connu de plus effrayants. Fernando Sancho (Killer Kid, Le temps des vautours, Le jour de la haine, Colorado) est quant à lui fidèle à son image de bandit mexicain auquel il ne faut surtout pas se fier, tandis que les méconnues Ethel Rojo et Diana Martín viennent joliment éclairer cet aride monde tout fait de mâles dégainant souvent plus vite qu'ils ne pensent.

 

 

Bref, sans être au niveau de ses grandes réussites à venir (El Mercenario, Companeros, Mais qu'est ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ? Far West Story ou Le Grand Silence), Minnesota Clay, délesté des quatre minutes finales embarrassantes, est un film intéressant et plaisant qui aurait pu, à l'époque, marquer davantage les esprits.


Mallox

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