Etrange comtesse, L'
Titre original: Die seltsame Gräfin
Genre: Krimi
Année: 1961
Pays d'origine: Allemagne (RFA)
Réalisateur: Josef von Báky (Ottokar Runze, Jürgen Roland)
Casting:
Joachim Fuchsberger, Brigitte Grothum, Lil Dagover, Klaus Kinski, Edith Hancke, Marianne Hoppe, Fritz Rasp, Eddi Arent, Rudolf Fernau, Reinhard Kolldehoff...
Aka: The Strange Countess
 

Margaret Reedle, jeune secrétaire londonienne, subit depuis peu un harcèlement téléphonique. Cela aurait-il un rapport avec son futur changement professionnel ? En effet, Margaret Reedle va quitter son poste dans un cabinet d'avocats pour devenir l'assistante personnelle de la comtesse Moron (c'est son nom). En attendant, sa dernière journée de travail pour maître Shaddle va s'avérer mouvementée. Sur le chemin du bureau, elle n'échappe à la chute d'un parpaing depuis un échafaudage que grâce à l'intervention d'un inconnu qui, manifestement, la suivait. Ce dernier, Mike Dorn, lui recommande d'être particulièrement prudente avant de s'éclipser. Peu de temps après, alors qu'elle doit emprunter la voiture professionnelle du cabinet pour se rendre dans une prison de femmes, afin de procéder à l'élargissement d'une cliente de maître Shaddle, elle est encore une fois sauvée par l'intervention soudaine du mystérieux Dorn (le véhicule était piégé). Margaret Reedle n'en reprend pas moins son travail. A la prison, l'intérêt que semble éprouver pour elle Mary Pinder, la détenue qu'elle vient faire libérer, la met mal à l'aise.
Le lendemain, après avoir à nouveau subi des appels menaçants dans la nuit ainsi que l'intervention de son mystérieux ange gardien, pour lui dérober une boîte de chocolats reçus le jour même par envoi anonyme, Margaret Reedle se rend à Carterfield Castle auprès de son nouvel employeur, la comtesse Moron...

 

 

Que dire de ce Krimi, qui termine une année 1961 particulièrement prolifique pour ce genre, et qui fait partie de la fournée de quatre films (dans l'ordre chronologique : Le Narcisse jaune intrigue Scotland Yard, Le Faussaire de Londres, le présent métrage et "L'orchidée rouge"), situés entre les trois chefs-d’oeuvre du genre (Les mystères de Londres, La porte aux sept serrures et Le requin harponne Scotland Yard, soit les trois premiers Edgar-Wallace-Filme signés Alfred Vohrer, ce qui n'est bien entendu pas un hasard) ? Une fournée qui ne constitue pas un bloc homogène mais dont tous les films (dont les points forts et les défauts sont souvent différents) se situent qualitativement dans une honnête moyenne. On peut donc qualifier cette Etrange comtesse de sympathique mais pas inoubliable, avec d'un côté une réalisation assez terne au service d'une histoire assez quelconque (tirée comme il se doit d'un roman d'Edgar Wallace) et de l'autre côté une interprétation digne d'éloges et les débuts en fanfare (ah-ah) de Peter Thomas à la B. O.
Voilà, en gros, pour l'essentiel (mais n'arrêtez pas votre lecture pour autant car vous trouverez dans les paragraphes suivants des informations, passionnantes, il va de soi, sur la vie sentimentale et les orientations sexuelles des actrices du film).

 

 

Dans le détail, on dira que L'étrange comtesse eut une conception difficile. Horst Wendlandt, dans son désir de trouver de nouveaux scénaristes (peu coûteux), alla chercher un parolier quasi inconnu, Curt Hanno Gutbrod, pour adapter "The Strange Countess" mais le résultat, malgré trois réécritures, fut jugé trop peu convaincant et c'est finalement l'expérimenté (et plus onéreux) Robert Stemmle (co-auteur avec Spaak de "La kermesse héroïque" de Jacques Feyder) qui livrera la version définitive. Est-ce parce qu'il fallait diriger deux anciennes vedettes de l'entre-deux-guerres que l'on alla chercher pour la mise en scène une autre gloire du passé, à savoir le réalisateur du légendaire Les aventures fantastiques du baron de Münchhausen ? Quoi qu'il en soit, ce ne fut pas une bonne idée car Josef von Báky, dont ce sera le dernier film, s'avéra très vite trop diminué physiquement par la maladie pour pouvoir travailler. C'est donc son assistant Ottokar Runze qui assura de facto la réalisation avant que von Báky ne jette définitivement l'éponge et que Wendlandt ne doive rappeler en urgence Jürgen Roland pour achever le film. Comme vous pouvez vous en douter, le film ne brille pas par sa mise en scène, créditée au générique au seul von Báky, même si elle est "techniquement propre".

 

 

Reste que ce film va lancer (ou, au moins, être un gros coup de boost pour) la carrière de compositeur, pour le cinéma, de Peter Thomas. Thomas est désormais, dans l'imaginaire collectif, "le" compositeur des Krimis, avec plus d'une vingtaine de B.O. à son actif (sans compter toute la série des Jerry Cotton) dont 18 Edgar-Wallace-Filme de la Rialto. Si la B.O. de L'étrange comtesse n'est pas son oeuvre la plus célèbre ni, peut-être, son meilleur travail, il faut bien reconnaître que c'est elle qui rythme le film et lui apporte une tension et un suspense que le scénario et la mise en scène seraient ici bien incapables de créer sans l'aide de la musique. La séquence d'intro est d'ailleurs un modèle du genre, avec les déambulations rythmées par la musique de Thomas d'un Kinski pensif et inquiétant, au milieu des bobbies et des prostituées. Hélas, quand la musique s'arrête, c'est tout le film qui tombe en panne.
L'autre grand atout de ce métrage, c'est la composition brillantissime de Kinski dans le rôle d'un aliéné. Les mauvaises langues diront qu'il avait des prédispositions naturelles ou en tout cas le physique pour jouer ce genre de rôle, n'empêche qu'il est ici parfait. Il est d'ailleurs toujours parfait dans ses débuts "krimesques", et si dans la suite de sa carrière il sombrera parfois dans l'auto-caricature on en est ici très loin.

 

 

Un mot pour finir sur le reste du casting, excellent dans l'ensemble. Je n'insisterais pas sur les prestations de Fuchsberger et Arent, fidèles à eux-mêmes, ni sur Fritz Rasp et Reinhard Kolldehoff qui ont de vraies "gueules de cinéma", pour évoquer plus en détails les trois actrices principales.
Brigitte Grothum n'est sans doute pas la plus belle héroïne de Krimi, et c'est encore plus vrai ici (malgré la présence d'une faire valoir laideronne), où la photo ne l'avantage pas, que dans ses films ultérieurs, mais elle est par contre l'une des meilleures actrices du genre ou en tout cas l'une des plus expressives. Comme pour Thomas, L'étrange comtesse lancera sa carrière alors qu'elle était quasi inconnue. Son rôle devait à l'origine être tenu par la brune Marianne Koch, mais grâce à un "lobbying" efficace de Klaus Kinski, son compagnon à l'époque, et bien sûr grâce à son talent, c'est elle qui fut choisie.
Lil Dagover, qui joue le rôle-titre, et Marianne Hoppe furent d'énormes vedettes dans l'Allemagne de l'entre-deux-guerres, plus au théâtre qu'au cinéma d'ailleurs, respectivement dans des rôles de grandes dames pour l'une et de blonde jeune première pour l'autre (elles avaient plus de vingt ans d'écart). Autre point commun, elles furent souvent invitées aux réceptions données par Adolf Hitler auxquelles elles se rendaient d'autant plus facilement qu'elles faisaient parties des rares actrices allemandes à ne pas être sexuellement harcelées par Joseph Goebbels, Lil Dagover étant protégée par son âge et Marianne Hoppe par son physique androgyne (de fait, elle était lesbienne).

 

 

Sigtuna

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