Damnés, Les
Titre original: The Damned
Genre: Science fiction , Thriller , Fantastique , Drame
Année: 1963
Pays d'origine: Angleterre
Réalisateur: Joseph Losey
Casting:
Macdonald Carey, Shirley Anne Field, Viveca Lindfors, Alexander Knox, Oliver Reed, Walter Gotell, James Villiers...
Aka: These Are the Damned / Hallucination / Sie sind verdammt
 

Au début des années 1960, dans la station balnéaire de Weymouth, en Angleterre – Un Américain frisant la cinquantaine, Simon Wells, vient passer quelques jours de vacances à bord de son bateau. Lors d'une promenade dans les rues de la ville, il remarque une jeune femme et se met à la suivre. Celle-ci, Joan, le conduit dans un guet-apens où Wells subit un passage à tabac en règle par l'entremise d'une bande de blousons noirs. Leur chef, King, n'est autre que le frère de Joan. Cette brute au regard noir ne supporte pas qu'un homme cherche à séduire Joan. Après avoir détroussé l'Américain de son portefeuille, le groupe s'en va. Wells se remet de ses émotions dans un bar où il fait la connaissance d'un couple, Bernard, scientifique de son état, et Freya, artiste-sculpteur. Plus tard, Simon Wells retourne au port tandis que Freya tâche d'en apprendre davantage sur les activités de son compagnon, chargé d'une mission dans une base secrète militaire située non loin d'ici, sur les falaises. Mais Bernard refuse d'en toucher mot. Remonté sur son bateau, Simon a la surprise de revoir Joan, rejointe peu après par King et son gang. L'Américain s'enfuit à bord de son yacht, Joan parvenant à sauter sur l'embarcation. Les bikers se séparent et mettent alors tout en oeuvre pour les retrouver.

 

 

A lire ce résumé, Les damnés passerait presque pour un film de motards, un petit bikesploitation sympa sur fond d'amourette et d'aventures. Mais la vérité est toute autre, et These Are the Damned est un film qui développe plusieurs thématiques, sans corrélations au premier abord, et pourtant... l'intrigue est plus complexe qu'il n'y paraît. Certes, au départ, on pourrait croire qu'Oliver Reed, dans le rôle de King, va nous la jouer Marlon Brando dans "L’Équipée sauvage". Cependant, on comprend assez vite que le héros de l'histoire est Simon Wells (incarné par Macdonald Carey). Les damnés est scindé en deux parties relativement égales. La première sert à exposer les principaux protagonistes de l'histoire, la romance naissante entre Simon et Joan qui se traduit par une fuite en bateau, la traque de King et sa bande, le couple qui trouve provisoirement refuge dans la demeure de Freya, isolée à flanc de falaise, puis la traque des motards forçant les amoureux à s'infiltrer dans la base secrète. D'un thriller classique, nous basculons alors dans le fantastique et la science-fiction durant la seconde partie. Simon, Joan et, plus tard, King sont accueillis par des enfants qui les conduisent à travers un dédale de grottes au coeur des falaises. Le trio va peu à peu réaliser qu'ils ne sont pas des enfants ordinaires, il ne se dégage aucune chaleur de leur corps, ce sont des mutants programmés pour un événement particulier, dans la base secrète où des militaires gèrent leur éducation. Les enfants parlent d'une menace nommée la "Mort noire". De quoi s'agit-il ?

 

 

Adapté d'un roman de Henry Lionel Lawrence (The Children of Light, 1960), le tournage de These Are the Damned s'effectua en mai et juin 1961, mais le film ne fut exploité que deux ans plus tard dans son pays d'origine. Il a été produit par la célèbre Hammer Film Productions et distribué par la non moins fameuse Columbia Pictures. Ce retard de deux années entraîna l'exploitation du film dans les salles de cinéma en double-programme avec un autre long métrage de la Hammer : le Maniac de Michael Carreras. De ce fait, la durée initiale de The Damned (95mn13s au format NTSC) fut réduite à 87 minutes. Pire encore, la copie destinée au marché américain en 1965 ne faisait plus que 77 minutes. Il faudra attendre 2007 pour que le film soit restauré dans son intégralité, aboutissant à une sortie dvd dans le coffret "Hammer Films – The Icons of Suspense Collection", édité en 2010 par Columbia et Sony Pictures. Ce coffret englobe six thrillers de la firme anglaise : "Stop Me Before I Kill !", "Cash on Demand", "The Snorkel", Maniac, "Never Take Candy from a Stranger" et donc These Are the Damned.

 

 

Pour Joseph Losey, choisi par la production, c'était une forme de revanche. Car, quelques années plus tôt, Losey devait tourner "X the Unknown", un film de SF de la Hammer (1956). A cette époque, Joseph Losey avait dû fuir les États-Unis où il avait été blacklisté à cause de ses liens ou sympathies pour le communisme. Il entame alors le tournage de "X the Unknown" mais l'acteur principal du film, Dean Jagger, refuse de tourner pour un sympathisant communiste. Au bout de quelques jours, Losey sera évincé au profit de Leslie Norman.
Nul doute pourtant que Joseph Losey aura fait une plus belle carrière que Norman. Nous devons au réalisateur américain (1909-1984) quelques chefs-d’oeuvre ou tout du moins des longs métrages dignes d'intérêt. Depuis "Le garçon aux cheveux verts" (1947) jusqu'à "Steaming" (1985), ce cinéaste politiquement engagé aura laissé derrière lui nombre de films marquants, parmi lesquels son remake de "M le maudit" ("M"), "Le Rôdeur", "Cérémonie secrète", "Deux hommes en fuite", "Le Messager", "Monsieur Klein"... Un ratage également ("Modesty Blaise") mais en contrepartie une oeuvre emblématique : The Servant.

 

 

La psychologie des personnages a toujours été un élément prépondérant dans l’oeuvre de Joseph Losey, et ceci même dans des films pouvant être considérés comme mineurs, tels Les damnés. Preuve en est avec les cinq personnages principaux du film : les couples formés par Simon/Joan et Bernard/Freya, et le chef de bande King. Celui-ci, sous le couvert de protéger sa soeur, est en réalité jaloux des hommes qui tournent autour d'elle. Elle le lui reprochera d'ailleurs à un moment crucial de l'intrigue, faisant prendre conscience à son frère "protecteur" que ce dernier n'a jamais eu de petite amie. Si l'on voulait pousser le bouchon plus loin, on pourrait éventuellement penser que King est un homosexuel refoulé, même si cette possibilité n'est jamais franchement confirmée.
Les couples, ensuite. Ils présentent tous les deux un point commun frappant : un choc générationnel entre les hommes et les femmes. Au moment où le film a été tourné, Macdonald Carey et Alexander Knox avaient respectivement 48 et 54 ans, Shirley Anne Field et Viveca Lindfors 23 et 40 ans. C'est encore plus criant entre Simon et Joan. Le héros, qui a l'âge de la maturité, de la sagesse, se comporte pourtant comme un adolescent mal dégrossi envers Joan, convoitant celle-ci comme un gosse désirant un jouet. Macdonald Carey s'y montre par exemple à l'opposé du rôle de flic timide, amoureux transi de Teresa Wright dans "L'ombre d'un doute", presque vingt ans plus tôt.

 

 

Et puis, il y a les enfants, âgés d'une dizaine d'années. Leur maturité exceptionnelle rappelle ceux qui représentaient une menace dans "Le village des damnés" de Wolf Rilla (1960). Mais dans Les damnés, les enfants sont les victimes des adultes, des cobayes pour un projet insensé, révélateur de la paranoïa et la folie des hommes.
Le final est d'ailleurs d'un pessimisme comme on le voit assez rarement au cinéma. Joseph Losey refuse en effet toute forme de happy-end, réservant un sort funeste à ceux s'étant rangés du côté des enfants. Dans La Saison Cinématographique 64, le journaliste Guy Gauthier écrivait d'ailleurs à juste titre :
Rarement on a vu un film aussi atroce, aussi désespéré, aussi lucide, mettant en cause la grande menace qui pèse sur l'humanité et la folie du monde moderne.

 

 

Aujourd'hui, en 2017, on ne peut qu'abonder dans ce sens, et dresser le même constat en voyant tout ce qui se passe autour de nous. Les damnés pourrait passer pour une oeuvre prophétique, à l'image de ces étranges statues sculptées par Freya, que le spectateur découvre au tout début du film. These Are the Damned est un excellent film d'anticipation, dans lequel thriller et science-fiction s'entrecroisent subtilement. Cette production de la Hammer reste encore aujourd'hui peu connue du grand public, malgré la richesse de son scénario, la qualité de sa mise en scène, la très belle photographie d'Arthur Grant (qui oeuvra pour la Hammer de 1957 jusqu'à sa mort en 1972) et l'incontournable musique de James Bernard.
Quant au casting, en dehors de Macdonald Carey, Shirley Anne Field ("Le Voyeur", "Crimes au musée des horreurs"), Viveca Lindfors (La cloche de l'enfer, La main du cauchemar, "Creepshow"), Alexander Knox ("Poupées de cendre", Holocaust 2000) et Oliver Reed que l'on ne présente plus, on y retrouve également James Villiers (Répulsion, Some Girls Do, La momie sanglante) et un tout jeune Nicholas Clay, vingt années avant son rôle de Lancelot dans "Excalibur", qui le rendra célèbre.

 

 

Flint

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