Amante del demonio, L'
Genre: Erotique , Vampirisme , Fantastique , Gothique , Esprits , Satanisme , Sorcellerie
Année: 1972
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Paolo Lombardo
Casting:
Rosalba Neri, Robert Wood, Edmund Purdom, Maria Teresa Pingitore, Nando Poggi, Carla Mancini, John Benedy (Giovanni Di Benedittis), Spartaco Conversi, Laura De Benedittis...
Aka: La Maîtresse du diable / The Demon Lover / The Devil's Lover / Lucifera: Demon Lover / Ceremonia Satanica / La Amante del demonio
 

Helga, Magda et Christina, trois amies, se pointent pour visiter un château que l'on dit habité par le Diable en personne. À la nuit tombée, Helga, qui n'arrive pas à trouver le sommeil, arpente les couloirs et se retrouve devant un tableau : un portrait peint qui lui ressemble de manière si singulière que, troublée, celle-ci s'évanouit pour se retrouver catapultée dans un autre monde, semblable à une vie antérieure. Dans cet univers se situant au 16ème siècle, elle y retrouve ses deux amies. Mais pas seulement...

 

 

L'Amante del demonio, qui se présente comme traitant de l'oeuvre théâtrale du Grand Guignol, suscite rapidement la perplexité avant de larguer le spectateur dans un no man's land cinématographique défiant à la fois logique dramaturgique, convocation de toute émotion et technique cinématographique en bonne et due forme. Ces "visiteuses du soir" façon copulation entre scories et mauvais goût ne peut même pas se jauger à l'aune de ses interprètes, tous unanimement mauvais, puisque l'argument prétextant rendre hommage au Grand Guignol justifie la théâtralité des gestes déployés sur pellicule. Difficile de rendre compte sur papier ô combien tout cela est intensément indigeste au point que, durant les 80 petites minutes que dure Lucifera: Demon Lover, on se retrouve plus occupé par l'effort de compréhension que par un quelconque plaisir pris. Il faut voir Rosalba Neri poser son revers de main sur son front pour s'évanouir à plusieurs reprises. Une première fois dans le préambule contemporain, devant le tableau illustrant son ancêtre, une seconde fois, plusieurs siècles auparavant, mue par l'extase de la découverte de l'amour puis celle du coït. Au sujet de l'actrice, s'il est cependant une chose à sauver de ce conte embrumé par l'approximation de ses intentions, c'est bien son implication qui touche à l'abnégation...

 

 

Pour le reste, c'est menu rassi au choix : un serviteur (John Benedy/Patrick vive ancora) ouvrant la porte à trois bombasses en leur réservant un accueil de merde puis en gardant ensuite une tronche renfrognée ; deux actrices blondes qui se mangent goulument la bouche dans une scène saphique où l'on ne distingue très vite plus qui est qui (en même temps, on s'en fiche un peu) ; des apparitions et disparitions d'un spectre de la mort encagoulé de rouge qui font sauter la bobine par leurs mauvais raccords (des hommages probables au temps du cinéma muet) ; un Edmund Purdom empâté ne se pointant qu'en milieu de bobine, quand ne l'attend plus, et faisant office de Dom Juan du Mal et de tentateur et révélateur (de la chair triste et du plaisir terni, pourrait-on ajouter) ; un Robert Wood séducteur lui aussi, plus naïf et plus manipulable et qui semble être sorti d'un film de pirate, ce dernier ne lâchant quasiment jamais son épée ; le même Robert Wood qui finit par tuer son double en lui fracassant le crâne dans un délire digne de Eros et Thanatos (seule scène sanglante film, soit-dit en passant, et pour ne pas se tromper sur la marchandise) ; des femmes vampires, surgies de nulle part et surtout d'un autre film elles aussi (on pense cependant à ce moment à ce que fera plus tard Jean Rollin, lui aussi inspiré par le théâtre Grand Guignol) ; enfin, la virginité perdue par la grâce du démon et vue à travers le feu de l'Enfer (quelques bûches enflammées dans une cheminée).

 

 

Soit, à faire l'addition, ça peut sembler rassasiant. En vérité tout cela ressemble à n'importe quoi et surtout à rien du tout. Comme plus que suggéré avant, défilent donc en vrac devant nos yeux hagards, une kyrielle de clichés (taverne Kanterbräu, vierges avec jupes ras la foune, gothisme lointain et approximatif, érotisme champêtre ou de grange, drames de la jalousie, duels, plans machiavéliques, crucifixion et marquage humain au fer rouge, tortures à l'inquisitrice avec arrachage de langue, fantômes, vampires, sorcière au Bois dormant...) et un patchwork fait de pièces tout autant en disharmonie que rapidement gavantes, au point qu'il peut s'avérer difficile de finir le repas, pris d'une profonde envie de sommeil. On a beau nous secouer à la fin pour nous tirer, comme l'héroïne, de ce mauvais rêve, on aura trouvé le cauchemar épuisant.

Nul procès à faire aux acteurs, il font ce qu'ils peuvent, suivent les consignes. Carla Mancini est, comme à son habitude, en retrait (et participe aux festivités païennes) tandis que parmi nos trois donzelles, outre la généreuse Rosalba Neri, on remarque la très rare Laura De Benedittis qu'on retrouvera deux ans après aux côtés d'Edmund Purdom dans "Le château de l'horreur" (Terror! Il castello delle donne maledette, 1975) sous la houlette de Dick Randall, ici coproducteur de la chose avec Harry Cushing (Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle) ; ainsi que Maria Teresa Pingitore dont c'est le seul rôle pour le cinéma et qui s'y montre très affriolante avec sa jupette rosebonbon et ses cernes de l'amour. Cette dernière fraye dans la partie au passé avec Hans, campé par Ferdinando Poggi. Un acteur de second plan que l'on croise dans tous les genres agités en vogue depuis le début des années 60 (L'homme du Minnesota, Homicide parfait au terme de la loi...) et qui se montre ici particulièrement falot.

 

 

Noyées dans une photographie brumeuse, comme émanant d'un pet de poney, émergent contre toute attente deux ou trois scènes étonnantes par leur beauté graphique : ainsi lorsque Helga, suivant les conseils de la sorcière, arrive en haut d'une colline en compagnie de deux jeunes vierges afin de conjurer le sort jeté sur sa robe nuptiale, les trois femmes croisent deux pendus, l'ensemble offrant une sorte de tableau somptueux dans lequel la défloraison à venir s'annoncerait funeste. On ne sait pas si les deux hommes se balançant au bout de la potence ont eu, en guise de dernier moment, une érection ; ce qui est certain en revanche, c'est que malgré malgré ce genre d'éclairs fugaces, et malgré quelques scènes de détroussage de croupes, L'Amante del demonio offre un spectacle tout sauf bandant, plus proche de la purge médiévale que de la Renaissance priapique.
En même temps, c'est un peu comme si nous étions prévenus dès le début. Trois jeunes femmes aux allures pop se pointent dans un château pour faire une partie de cache-cache gothique en déclarant au serviteur qui leur demande la raison de leur venue en ces lieux à la con : "Nous sommes venues voir si le diable hante comme on le dit cet endroit". Vu la tronche accueillante qu'il tire, on se demande bien pourquoi il n'envoie pas paître à coups de pied au cul nos trois futures gourgandines. Mais tout cela est sans doute symbolique et doit pouvoir se voir à l'aune d'une pseudo poésie érotico-morbide : en témoigne la scène suivante où nos trois femmes sont attablées et dont le réalisateur cadre les pommes se trouvant au premier plan, prêtes à être croquées.

 

 

Il y a des raretés à exhumer et puis il y a celles, plus pècheresses, qu'on peut laisser fouies dans les hautes herbes du temps jadis, sans remord. Inutile de préciser que Lucifera: Demon Lover, à chier des pruneaux, fait partie de la seconde catégorie, certes plus abondante que la première.
Concluons en disant deux mots de son réalisateur : Paolo Lombardo est un réalisateur peu prolifique. Scénariste dès le début des années 60 avec des films tels que "Capitani di ventura" d'Angelo Dorigo, "Un alibi per morire" de Roberto Bianchi Montero et Piero Costa, "Novices libertines" alias "Le Monstre de Venise" de Dino Tavella, "El Cisco" de Sergio Bergonzelli ou bien encore "Furie au Missouri" d'Alfonso Brescia, celui-ci fit ses premières armes derrière la caméra en 1962, en coréalisant avec Piero Regnoli "Re Manfredi". L'Amante del demonio n'est que son second essai qui intervient donc dix ans après. Il tournera dans la foulée un autre film avec Edmund Purdom : "Dagli archivi della polizia criminale", médiocre thriller qui fera office de chant du cygne puisqu'on ne reverra plus guère Paolo Lombardo, ni à l'écriture, ni à la mise en scène, ni même dans l'industrie du cinéma tout court. À l'exception d'un partenariat financier en 1988, pour un obscur "Voglia di rock", réalisé par le non moins obscur Massimo Costa.

 

 

Mallox

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