Guerre des Gangs, La
Titre original: Luca il Contrabbandiere
Genre: Poliziesco
Année: 1980
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Lucio Fulci
Casting:
Fabio Testi, Marcel Bozzuffi, Ivana Monti, Guido Alberti, Daniele Dublino, Venantino Venantini, Saverio Marconi, Tommaso Palladino, Ofelia Meyer, Ferdinando Murolo...
 

Luca Di Angelo (Fabio Testi / 4 de l'apocalypse) a un drôle de métier. C'est un sympathique contrebandier à la tête d'une flottille donc l'activité consiste, de façon illégale, à importer des cargaisons de cigarettes au coeur de la ville de Naples.
L'homme est plutôt pépère d'autant que la police est assez inefficace à stopper le trafic ; sans avoir une ambition excessive ni vouloir faire partie des grands pontes maffieux, son hobby a le mérite de le faire vivre, lui et sa famille. Manque de bol, un gang mystérieux s'intéresse de près à ses activités ; le but est de s'approprier l'organisation maritime pour y exercer puis assoir son trafic de drogue. Dès lors, ne cédant pas aux multiples propositions et autres chantages du gang, sa vie va se transformer en enfer ; tandis que ses proches paieront tour à tour, parfois de leur vie, Luca, poussé alors dans ses derniers retranchements va devoir, pour protéger les siens, se transformer en démon vengeur et exterminateur...

 

 

Ce qui est marrant avec Monsieur Fulci, c'est qu'il défie toutes les lois d'une critique académique. On dirait même que celui-ci filme contre et se plaît à emmener ses oeuvres aux abords d'un mauvais goût aux saveurs très amères, attendant sereinement de se faire lapider ensuite par intelligentsia dont il fit pourtant partie durant les années soixante, se baladant alors au sein d'une "Dolce Vita" si chère à Federico Fellini...

La rupture étant consommée depuis belle lurette (Fulci ne semble s'être jamais remis de l'accueil de Beatrice Cenci), le voici en 1980 à la tête de ce polar sauvage et furieux, et ce pour le meilleur ! Si le giallo lui a si bien réussi, le pur polar à tendance thriller lui donne aussi matière à installer son univers ainsi qu'une attirance pour une violence graphique exacerbée, laquelle, après son Fabuleux Enfer des Zombies, servirait quasiment de répétition générale pour les deux gros morceaux qui suivront : les incontournables Frayeurs et L'Au-delà.

Il est étonnant de retrouver ici Fabio Testi dans un personnage finalement assez proche de celui qu'il campait au sein des 4 de l'apocalypse cinq ans plus tôt. On se souvient de l'anti-héros au sein du western mélancolique de Fulci. Dans ce dernier, un peu gauche, il tenait son pistolet à deux mains, de façon hésitante. Si l'on déplace ce personnage du cadre westernien dans celui de polar, on retrouverait quasiment le personnage de Luca, celui de cette Guerre des Gangs : être assez insouciant à la base, il sera très vite dépassé par les évènements, meurtri ensuite moralement autant que physiquement, pour finalement entamer une chasse à l'homme sans retour possible...


Une thématique récurrente chez le réalisateur qui met à mal l'éventuel machisme auquel on pourrait s'attendre de la part de son (anti)-héros (Le chat Noir - Young Dracula - Le Temps du massacre - Beatrice Cenci...). Cette façon d'aborder le sujet de la manière la plus amorale qui soit, la vengeance y étant salvatrice, s'allie par ailleurs aux multiples autres qualités d'une bobine sèche, teigneuse, saignante et parfois même ambigüe.

 

 

Pas de doute, nous sommes une fois encore en pleine exploitation de genre, et le film paye son tribut au "Parrain" (notamment lors d'une scène où l'un des acolytes de Luca se fait mitrailler à l'issue d'un barrage mis en place par de faux policiers ; scène qui n'est pas sans rappeler la mort de Sonny Corleone) ; on peut également parler de jolis détours chez William Friedkin et son "French Conection", de par son postulat à base de trafic de drogue, mais aussi dans la sombre violence qui semble habiter les rue de Naples, plus désolées que jamais, ainsi encore dans quelques scènes d'action rugueuses comme Friedkin sait le faire.


A cet égard, l'une des scènes finales qui succède au règlement de comptes général des plus sauvages, en pleine rue, est très belle : après une effusion de balles meurtrissant les chairs à tout va, dans une ambiance électrique, Fulci nous balance un zoom arrière cadrant une rue n'étant plus habitée que par les cadavres qui la jonche. (en passant, on mentionnera qu'on trouvait déjà en 1964 le pendant parodique de cette scène dans le sympathique Les deux évadés de Sing Sing).


Il faut souligner également que la partition bien balancée de Fabio Frizzi donne d'emblée, non pas un cachet (Fulci a assez de tempérament et de caractère pour qu'on sache qu'on est chez lui), mais une unité, voire un style. L'une des premières scènes de Contraband est une poursuite navale acharnée que le musicien finit de transformer en une espèce de ballet maritime.
Fabio Frizzi est encore là lorsque, par moments, le metteur en scène se laisse aller à son pêché mignon, à savoir une légère emphase, voir apathie ; il est vrai qu'à la demi-heure, le film peine à retrouver du rythme, et l'on est bien content de voir la partition relever la sauce, en même temps que de faire garder au film unité. On a droit alors à une dizaine de minutes légèrement fastidieuses, et il est peu dire que Fulci semble mal à l'aise avec les jeunes enfants. Ce dernier les filme souvent avec hésitation si ce n'est parfois même de façon mièvre (Croc-Blanc / La Maison près du cimetière et même Frayeurs). Simple erreur de parcours dirons-nous car le tout se pimente méchamment peu après. Difficile de lui tenir rigueur de cette lacune finalement assez négligeable au regard de l'ensemble qui pour le coup, ressemblerait presque à un carton plein. Au sens propre comme au figuré...

 

 

On ne peut pas dire pour autant que le spectateur soit lésé durant une exténuante seconde partie. S'enchainent une panoplie de meurtres en batterie plus brutaux les uns que les autres : l'extermination du clan de Luca par l'équipe de François Jacois dit "le marseillais" (Marcel Bozzuffi). Ceux-ci sont précédés du lieu, de la date et de l'heure de l'évènement ;  impuissants, tout comme le héros, on assiste à l'élimination pure et simple des gêneurs. On a déjà eu le droit à un ennemi brûlé vif dans une carrière volcanique avant d'être balancé comme de la merde par la fenêtre du méchant Boss (à voir la tête tant ravagée du cadavre on a le sentiment qu'il va se relever, tant il ferait presque partie de la famille des morts vivant exploités peu avant puis dans ses deux films suivant). Pareil, afin d'avoir des renseignements sur celui qui le traque, le bon Luca se découvrira quelques talents sadiques, notamment en enfonçant lentement son couteau à-même le coeur d'un bandit à qui il tente de faire cracher le morceau, finissant d'achever son oeuvre quand bien même il aura été renseigné. Luca verra de suite le revers de la médaille : si sa violence semble légitime, elle ne pourra pour se régler, qu'être égale au sadisme de son ennemi.


Planquant sa drogue dans la culotte d'une de ses compagnes, cette dernière sera battue comme plâtre avant de se faire, pour l'exemple, allumer la gueule au chalumeau... ce qui nous vaut une scène assez insoutenable mais assez dantesque également, achevant d'emmener le film vers un maelström de tableaux cruels de morts avec des relents de comics trash. Une autre marque récurrente de l'oeuvre Fulcienne qui fait parfois penser ici à un autre grand polar ultra-violent, japonais pour celui-ci : Les menottes rouges de Yukio Noda.

Quand ailleurs, la femme de Luca est prise en otage, se faisant molester, puis violer, tandis que celui-ci est au bout du fil, totalement impuissant, réduit à l'état de poussière devant ces atrocités qu'il ne peut qu'imaginer, tout se passant par téléphone interposé, on assiste alors un à grand moment de sadisme, de cinéma dégénéré et perverti en plus d'une époustouflante violence graphique.

 

La trame n'est quant à elle pas pas si éloignée de celle d'un Temps du massacre dans lequel le personnage subissait tant, alors qu'il aurait simplement aimer causer raisonnablement ; cependant, Fulci orchestre les temps d'attente afin que la vengeance soit la plus extrême possible, obsessionnelle, éclatant comme une cocotte-minute ; c'est du reste le cas de Fabio Testi et de son personnage.

 

 

Quant aux Gunfights et tout ce qui touche à l'action pure, quand ce n'est pas à la tension qui la précède, Fulci dirige en maître sa caméra. La Guerre des Gangs regorge de sursauts de violence les plus rageusement orchestrées qui soient en même temps d'être magnifiquement épaulés, une fois de plus, par l'admirable photographie de l'inséparable Sergio Salvati.


Après ce périple de tortures et de vengeances, la fin, sans la dévoiler, est des plus laconiques... quoi qu'il en soit, il demeure sans aucun doute un polar singulier et teigneux à découvrir. Un mélange étonnant et détonnant, atteignant l'outrance paroxystique propre à déranger le spectateur qui se serait égaré là. Bref, un fort bon Fulci.

 

Mallox

 

Pour Marcel Bozzuffi :

Je m'attarde hors-jeu un peu sur un acteur (metteur en scène également : "l'Américain" en 1969) et homme formidable, l'épatant Marcel Bozzuffi qui s'est malheureusement vu tout du long de sa carrière, réduit aux rôles de méchant de service ("Z" / "French Connection" / "Marseille contrat" / "Le juge Fayard" /... la liste est longue, en gros, la moitié de sa filmographie...), qui ma foi lui sied parfaitement, mais que de regrets pour ma part de voir cet extraordinaire acteur être confiné de la sorte en tête de liste du méchant de service.
J'ai même de manière (assez subjective) tendance à penser qu'un film avec le grand Marcel ne peut pas être entièrement mauvais, et quand celui-ci campe un personnage aussi mémorable en chef de Gang tellement barré qu'il prend son pied en mitraillant des cadavres, se fait une joie de cramer au chalumeau les jolies femmes, juste après les avoir fait violer par son homme de main ; avec Bozzufi pour le moins carnassier et peu ragoûtant, arborant la plupart du temps le sourire le plus avenant qui soit, on a droit non seulement à un méchant d'anthologie, mais qui plus est, à un excellent polar réaliste, morbide, nihiliste.

 

En rapport avec le film :


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