Josefine Mutzenbacher
Écrit par Flint   

 

 

 

Il fut un temps où le cinéma érotique et pornographique était distribué dans les cinémas, dans plusieurs pays d'Europe et aux États-Unis. Un temps où le budget de ces films était conséquent, les scénarios élaborés, la réalisation soignée, et les acteurs chevronnés. Des histoires où parfois, justement, on remontait le temps, pour raconter des histoires "coquines" ayant pour cadre le XVIIIe, le XIXe ou le début du XXe siècle. Oui, des réalisateurs, essentiellement en Suède, au Danemark et en Allemagne (un peu aux U.S.A. également), concoctaient des longs métrages "en costumes d'époque", ce qui pouvait paraître paradoxal pour des films où les acteurs étaient censés être déshabillés la plupart du temps. Mais le résultat était généralement à la hauteur des efforts fournis. Oui, le cinéma érotique fut ambitieux, notamment en Allemagne, où des personnes comme Hans Billian ou Gunter Otto, n'hésitèrent pas, par exemple, à oser Joséphine...

 

 

JOSEFINE MUTZENBACHER – WIE SIE WIRKLICH WAR : 1. TEIL
(Insatiable Joséphine/Sensational Janine)
Allemagne – 1976 ; réalisation : Hans Billian ; interprètes : Patricia Rhomberg, Frithjof Klausen, Sepp Gneissl, Marie-France Morel, Siggi Buchner, Birgit Zamulo...

La jeune Josefine Mutzenbacher, tout juste âgée de dix-sept ans, vit avec sa mère et son beau-père dans une modeste pension de famille, à Vienne, à la fin du XIXème siècle. Elle connaît ses premiers émois sexuels en observant avec son beau-frère, une nuit, ses parents en train de faire l'amour. Lorsque le beau-père part au travail, Madame Mutzenbacher s'occupe parfaitement de la maison... et des locataires, à qui elle offre quelques services en nature. Il en va de même avec certains commerçants, comme le marchand de vin. La curiosité de Josefine est au moins égale à la sexualité débridée de sa mère. De ce fait, elle épie ses moindres frasques, et décide très rapidement de se faire dépuceler à la première occasion.
Malheureusement, sa mère meurt bientôt d'une pneumonie à l'hôpital, tandis que son beau-frère quitte le foyer pour accomplir son service militaire. Josefine, à présent seule avec son beau-père, va devoir remplacer sa mère, tant au niveau du travail que du plaisir. Ce qui n'est pas pour lui déplaire, bien au contraire...
Les aventures de Josefine Mutzenbacher sont tirées d'un roman publié à Vienne, en 1906. Son auteur possède la particularité d'être anonyme, mais avec les années, il a pu être certifié qu'il s'agissait de Felix Salten, qui connaîtra la notoriété dans la rédaction de romans animaliers. Il est notamment le père littéraire de Bambi, rendu célèbre par Walt Disney. Bien évidemment, "Joséphine Mutzenbacher – histoire d'une fille de Vienne racontée par elle-même" (titre français du livre, fidèle à l'original) se situe tout à l'opposé, car il s'agit tout bonnement d'un ouvrage pornographique, et d'un beau succès littéraire puisqu'il s'est vendu à environ trois millions d'exemplaires, traduit qui plus est dans une dizaine de langues.

 

 

Le livre se présente sous la forme de mémoires, celles d'une courtisane viennoise d'une cinquantaine d'années, narrant ses aventures sentimentales et sexuelles à Vienne, durant sa jeunesse. Il est question de ses activités de prostituée dans un bordel dès l'âge de douze ans, et de ses expériences les plus extrêmes allant de l'inceste à la sexualité de groupe.
Bien sûr, il n'était pas question de relater les expériences sexuelles d'une enfant dans un film pornographique. Au cinéma, la première adaptation du roman de Salten fut confiée à Kurt Nachmann, en 1970, avec Christine Schuberth dans le rôle titre. Nachmann réalisera une suite l'année suivante, toujours avec la même actrice. Il va de soi qu'au début des années 1970, il était encore impossible de montrer des scènes de sexe explicites, si bien que le réalisateur aura été obligé d'édulcorer les aventures de son héroïne, devenue adulte pour des raisons évidentes.
Mais en 1976, la donne a changé, le porno est à son apogée, et le tandem expérimenté constitué de Gunter Otto et Hans Billian va à son tour narrer les expériences sexuelles de Josefine Mutzenbacher. Le premier produit le film en cumulant la fonction de directeur de la photographie, le second met en scène, et donne le rôle principal à sa compagne de l'époque (de trente-cinq ans sa cadette) : Patricia Rhomberg !
Hans Billian (1918-2007) passera, durant les années 1960, de la typique comédie bavaroise à la comédie érotique, avant de bifurquer vers le hardcore, grâce notamment à sa maîtresse et protégée, la sublime Elisabeth "Patricia" Rhomberg, qui connaîtra le statut de star du X avec pourtant à peine cinq films au compteur (plus une dizaine de loops), tous réalisés par Billian.
Il faut avouer que cette Autrichienne née en 1953, en plus d'être très belle, dotée de formes généreuses, aura aussi été une excellente actrice, possédant un réel talent de comédienne.

 

 

JOSEFINE MUTZENBACHER – WIE SIE WIRKLICH WAR : 1. TEIL est donc le premier d'une série de quatre volets (les trois et quatre étant en réalité un seul film, coupé en deux en raison de sa longueur), qui a connu un gros succès en Allemagne et en Autriche ; et, malgré son aspect "politiquement incorrect", on peut dire qu'il s'agit là de l'un des tous meilleurs films pornographiques jamais tournés. C'est une ode au sexe sans le moindre tabou, sans aucunes limites, dans la mesure où le personnage principal commet l'inceste avec son beau-frère puis son beau-père avec un naturel désarmant. Mais Patricia Rhomberg interprète son rôle avec tellement de classe qu'elle parvient sans mal à transformer la moindre situation scabreuse en pure comédie. Si l'on rajoute à sa performance les interprétations convaincantes des autres acteurs, une reconstitution luxueuse de Vienne à la fin du XIXème siècle, une magnifique photographie et des dialogues absolument savoureux, à la fois drôles et pertinents, on ne peut qu'adhérer à ce premier volet de JOSEFINE MUTZENBACHER, digne de figurer au sein des grands classiques du cinéma X.

 

 

En dehors de Patricia Rhomberg, le casting est composé de quelques piliers du cinéma érotique teuton passés sans difficulté au hard au milieu des années 1970, comme Siggi Buchner ou Sepp Gneissl. Leur physique atypique, et leur âge déjà avancé ne manquent pas de détoner par rapport aux critères esthétiques d'aujourd'hui, mais il faut considérer le fait que non seulement ces acteurs s'avéraient efficaces dans les scènes hard, mais en plus ils savaient jouer la comédie. Et il en va de même pour le casting féminin, avec notamment Marie-France Morel, vue dans BACCHANALES SEXUELLES de Jean Rollin, et Birgit Zamulo, qui avait joué en cette même année 1976 un rôle dramatique remarquable dans l'excellent MOSQUITO DER SCHÄNDER (alias BLOODLUST) au côté de Werner Pochath.
Dès son ouverture, JOSEFINE MUTZENBACHER – WIE SIE WIRKLICH WAR : 1. TEIL adopte le ton de la comédie grivoise, car on peut voir l'héroïne dans son salon en train de fumer, boire et chevaucher un étalon tout en se présentant au public (le spectateur), face à la caméra. La fin est d'ailleurs dans le même esprit, puisque Josefine refuse les avances d'un vieil aristocrate, déclarant, toujours à son public, que la suite de ses aventures aura lieu dans un prochain épisode. Il faudra cependant attendre trois ans pour que ce deuxième volet se concrétise, mis en scène cette fois par Gunter Otto.
Aujourd'hui encore, il n'est pas exagéré de considérer le film de Billian comme une oeuvre pornographique de premier ordre, une référence dans le genre, au même titre que les films en costumes réalisés au Danemark, à la même époque, par Werner Hedman. Et c'est aussi l'une des trop rares occasions de pouvoir admirer Patricia Rhomberg, et de constater pourquoi elle a laissé un souvenir impérissable dans le coeur de nombreux cinéphiles.

 

 

JOSEFINE MUTZENBACHER – WIE SIE WIRKLICH WAR : 2. TEIL
(Désirs inavouables de Joséphine/Professional Janine/Vicieuse, experte, sensuelle)
Allemagne – 1979 ; Réalisation : Gunter Otto ; Interprètes : Leila Vigso, Siggi Buchner, Karine Gambier, Jane Iwanoff, Sascha Atzenbeck, Sylvia Engelmann...

C'est en observant un couple dans un lit que la jeune Josefine découvre comment on fait l'amour, et de la théorie elle va très vite passer à la pratique, le duo se transformant alors en trio, à la plus grande joie de chacun. Par la suite, Josefine ne manquera pas une occasion d'exercer ses talents, qu'il s'agisse de "soulager" un exhibitionniste dans un parc, ou de payer en nature un procès verbal rédigé par un policier. Cependant, la première rencontre véritablement sérieuse de notre héroïne a pour nom Feringer, un riche commerçant possédant une boucherie renommée dans les beaux quartiers de Vienne. Elle devient sa maîtresse, et Feringer va l'initier à toutes sortes de jeux érotiques...

 

 

Bien que le premier volet de JOSEFINE MUTZENBACHER, réalisé en 1976 par Hans Billian, avait laissé entrevoir une suite, il faut néanmoins attendre trois ans pour que celle-ci voit le jour, cette fois mise en scène par le producteur du premier opus : Gunter Otto. Tout comme Billian, Gunter Otto fait partie des grands noms du cinéma érotique allemand, que ce soit en tant que directeur de la photographie, producteur ou réalisateur. En ce qui concerne sa carrière de metteur en scène, il filmera également les deux autres volets de cette saga sur JOSEFINE MUTZENBACHER (plus deux autres épisodes se déroulant à notre époque). On lui doit aussi une bonne partie de la série des LIEBESGRÜSSE AUS DER LEDERHOSE (initiée en 1973 par Franz Marischka), de même que des versions pornos de HEIDI.
Concernant cette suite au film de Billian, il apparaît que le long métrage de Gunter Otto ne commence pas du tout là où s'achevait le premier épisode (dans lequel Josefine finissait par faire la connaissance d'un riche notable). En fait, Otto reprend lui aussi son personnage central depuis le départ, à savoir une Josefine désoeuvrée s'éveillant aux plaisirs de la chair. Contrairement à Billian, Otto fait table rase de l'entourage familial de son héroïne, préférant se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire enchaîner au maximum les rencontres de Josefine et par la même les expériences sexuelles. Ces diverses rencontres sont narrées en épisodes par le biais d'un chanteur de rue flanqué d'un orgue de barbarie, sorte de fil rouge que l'on retrouve à intervalles réguliers tout au long du film. Il s'agit là d'un élément censé être comique, mais dont l'utilité est vraiment discutable.

 

 

Sans ces intermèdes musicaux un peu superflus, on pourrait diviser le film en deux parties. La première concerne les péripéties de Josefine à Vienne avec son amant/protecteur, le riche commerçant Feringer, interprété par Siggi Buchner, acteur polyvalent qui était capable de passer de la simple comédie grivoise au porno hardcore sans la moindre difficulté. La seconde partie, quant à elle, narre les aventures de notre héroïne dès lors qu'elle va être, renvoyée par Feringer à la suite d'une crise de jalousie, tirée d'un mauvais pas par un beau soldat hongrois. Ce militaire, Feni, va l'emmener dans son pays. Là-bas, dans un décor champêtre, Josefine connaîtra l'amour à la hussarde, et l'art de monter à cheval dans tous les sens du terme. Et surtout, elle pourra constater que les Hongrois sont très joueurs, et ne manquent pas d'imagination dans ce domaine. Sexe et jeu sont étroitement liés, notamment dans cette auberge où les femmes devront passer l'épreuve de la pièce de monnaie (celle-ci, coincée dans une fente de la table, doit être récupérée en s'aidant seulement des lèvres du vagin), et où les hommes auront à prouver leur virilité lors d'un concours de "lancer de sperme sur popotin" , discipline peu évidente et que l'on ne verra jamais aux Jeux Olympiques.

 

 

Tourné en 35 mm, comme son prédécesseur, bénéficiant de nombreuses scènes en extérieurs et doté d'un budget confortable visible à l'écran (reconstitution de Vienne époque fin XIXe, soin apporté aux costumes...), JOSEFINE MUTZENBACHER – WIE SIE WIRKLICH WAR : 2. TEIL possède donc, techniquement, toutes les qualités du premier volet. Dans l'esprit, ce deuxième opus n'atteint toutefois pas le niveau du film de Billian, malgré les trouvailles évoquées plus haut, et la présence d'une scène d'urophilie exécutée par l'actrice principale. Josefine, puisqu'on en parle, est cette fois incarnée par Leila Vigso, une très jolie brune dotée d'une plastique qui aurait plu à bien des spécialistes, tels Tinto Brass. Malheureusement, on ne reverra plus la belle sur un écran après sa prestation dans ce film. Bien sûr, elle ne possède pas le charisme de Patricia Rhomberg, et paraît parfois "distante" dans ses scènes de sexe ; néanmoins Leila Vigso livre une prestation très honorable, entourée de superbes partenaires féminines comme Sylvia Engelmann (HEISSE FEIGEN) et Jane Iwanoff (KASIMIR DER KUCKUCKSKLEBER). A noter, également, la présence au casting de Karine Gambier, qui fut l'une des égéries du cinéma X français, à l'époque de Brigitte Lahaie. L'actrice est aussi connue pour avoir tourné en plusieurs occasions devant la caméra de Jess Franco.
Pour en revenir à Josefine, la jeune femme finira par rentrer à Vienne, après son incartade en Hongrie. Ayant réuni suffisamment d'argent, elle achètera un salon de thé huppé, dont le premier étage sera transformé en bordel de luxe. Josefine Mutzenbacher est devenue une mère maquerelle "respectable", recevant dans les alcôves de ses appartements quelques personnalités de la capitale autrichienne. Une telle ascension sociale ne pouvait que susciter une nouvelle suite, et Gunter Otto ne manquera pas d'exploiter à nouveau les exploits de Josefine, et de faire honneur à tout un pan du cinéma porno allemand, qui sut à une époque produire des oeuvres pornographiques remarquables, comme la série des JOSEFINE, LES ORGIES DE RASPOUTINE ou encore CATHERINE LA TSARINE NUE. Point commun de tous ces films, l'actrice Uschi Karnat, qui allait devenir la plus vicieuse des JOSEFINE MUTZENBACHER de cette longue saga. Affaire à suivre, donc...

 

 

JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE WIRKLICH WAR : 3. TEIL
(Enfilez-moi par les trois trous/Joséphine l'enfer de la perversion (VHS)/The Way She Was/Joséphine est de la fête)
Allemagne – 1982 ; Réalisation : Gunter Otto ; Interprètes : Uschi Karnat, Siggi Buchner, Christina Schwarz, Sascha Atzenbeck, Veronica Moser, Ursula Gaussmann, Hans-Peter Kremser...

Après ses aventures en Hongrie, Josefine Mutzenbacher était revenue à Vienne. Grâce à ses relations, elle était devenue la patronne d'un salon de thé dont le premier étage dissimulait un bordel clandestin.
Les années passent. Nous la retrouvons en 1908. A la suite d'une dénonciation, Josefine est arrêtée par la police et conduite en prison. Elle tente de soudoyer les gardiens en usant de ses charmes, mais elle est cependant emmenée dans une cellule en compagnie de quelques prostituées. Elle fait aussi la connaissance de Poldi Maraszek, un proxénète possédant un solide réseau de personnes haut placées. Il est d'ailleurs très vite relâché, sous caution, grâce à l'appui d'un juge. Poldi promet à Josefine qu'il la fera libérer sous peu.
Et il tient parole. Après quelques péripéties, Maraszek convie sa nouvelle protégée chez un ami qui a organisé une fête un peu spéciale, au thème évoquant les orgies romaines. Un lieu idéal pour Josefine, qui aura encore l'occasion de rencontrer du beau monde et donner de sa personne...

 

 

Il avait fallu attendre trois années pour voir la suite des aventures de Josefine Mutzenbacher initiée en 1976 par Hans Billian. Et il va s'écouler encore trois ans entre les volets 2 et 3, avec Gunter Otto à la réalisation. Ce troisième opus sera d'ailleurs découpé en deux parties, en raison de sa durée peu conventionnelle pour un film pornographique, soit deux heures trente environ. Histoire de couper la poire en deux, JOSEFINE MUTZENBACHER – WIE SIE WIRKLICH WAR : 3. TEIL s'arrête donc en plein milieu des ébats, si l'on peut dire, à savoir au cours de la longue orgie (couvrant à peu près un tiers du métrage). Le spectateur apprendra de ce fait la suite prochaine de ces aventures un peu particulières par l'entremise de trois charmantes participantes de la soirée en question.
En attendant, on aura donc fait connaissance avec Uschi Karnat, qui incarne l'héroïne, remplaçant Leila Vigso dont la carrière aura été éphémère. Le choix d'Uschi Karnat apparaît logique, tant l'actrice semble à l'aise dans ce genre de rôles. Elle aura d'ailleurs l'occasion d'interpréter d'autres rôles de femmes débauchées, vicieuses voire cruelles dans les très réussis CATHERINE LA TSARINE NUE et LES ORGIES DE RASPOUTINE.
Mais avant cela, on aura pu voir l'actrice allemande dans quelques productions érotiques, après des débuts dans un polar de Jürgen Roland (ST. PAULI REPORT). Sa carrière dans le porno va durer une bonne décennie, tournant en plusieurs occasions pour Michel Caputo, puis d'autres réalisateurs français parmi lesquels Alain Payet et Michel Ricaud, ce dernier la faisant tourner avec Tracey Adams dans LA FEMME EN NOIR. Gunter Otto fera à nouveau appel à ses services au début des années 1990, dans la série des HEIDI, une version pour adultes, évidemment.

 

 

Si la saga des JOSEFINE MUTZENBACHER aura connu trois actrices différentes entre 1976 et 1982 pour le rôle titre, elle aura vu néanmoins un acteur récurrent dans tous les volets de la série : Siggi Buchner. Marchand de vin, patron d'une boucherie puis proxénète, l'homme fait preuve à chaque fois d'une bonhomie naturelle rendant ses personnages sympathiques. Il sait de plus rendre le sexe ludique, grâce à une bonne humeur et une décontraction représentatives de l'époque, où les acteurs jouaient en s'amusant, et totalement décomplexés.
En dehors d'Uschi Karnat et Siggi Buchner, ce troisième opus ne comporte pas d'autres véritables vedettes. A signaler néanmoins les présences de Christina Schwarz (LES BAS DE SOIE NOIRE, VACANCES A IBIZA) et Veronica Moser (INSIDE MARILYN).
En ce qui concerne la qualité de JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE WIRKLICH WAR : 3. TEIL, on peut la juger sous deux angles. Si on compare le film à d'autres oeuvres de la même époque, il conserve d'évidentes qualités, que ce soit dans le jeu des acteurs, la richesse des décors ou le soin apporté aux costumes. Mais comparé aux deux précédents volets, celui-ci apparaît comme le plus faible du lot, la faute certainement à un scénario moins travaillé, sans grande surprise, et déséquilibré par la place trop grande accordée à la "partouze romaine". On saura gré à Gunter Otto, toutefois, d'avoir choisi Uschi Karnat pour reprendre le rôle de Josefine. Si l'actrice n'a pas la beauté éclatante de Patricia Rhomberg, ou le charme juvénile de Leila Vigso, elle possède par contre toute la perversité inhérente au personnage, que ce soit dans le regard ou l'attitude. La scène d'urolagnie dont elle gratifie le spectateur, lors d'une escapade champêtre, en est d'ailleurs le parfait témoignage.
Les atouts d'Uschi Karnat sont une bonne raison de penser que JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE WIRKLICH WAR : 4. TEIL, connu en France sous le titre peu orthodoxe de JOSEPHINE - PLUS SALOPE QUE MOI TU MEURS, sera en mesure de conclure la série sous les meilleurs auspices.

 

 

JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE WIRKLICH WAR : 4. TEIL
(Un trou ça va, trois trous bonjour les dégâts /Joséphine - plus salope que moi, tu meurs (VHS)/Insatiable Janine/The Way She Was)
Allemagne – 1982 ; Réalisation : Gunter Otto ; Interprètes : Uschi Karnat, Siggi Buchner, Christina Schwarz, Ursula Gaussmann, Ernst Kraus, Jürgen Winter...

Le quatrième volet des aventures de Josefine débute là où s'achevait le troisième, à savoir lors de la fameuse orgie romaine. Déjà trop longue, celle-ci s'étire durant tout le teaser, pour reprendre encore après le générique. Une quinzaine de minutes en tout, perpétuant en boucle la prestation de la danseuse nue et des musiciens (qui jouent inlassablement le même air, tel un disque rayé), et celle des partouzeurs dont les prouesses sexuelles sont très variables.
Finalement, Josefine s'éclipse en compagnie d'un militaire de haut rang, le Comte Wanja.
Par la suite, le jeune homme tombe amoureux d'elle, ce qui déplaît fortement à Gricha, son ami, soldat lui aussi. Ce dernier met tout en oeuvre afin de dissuader Wanja d'épouser Josefine, allant jusqu'à la payer pour qu'elle s'en aille. Mais l'ancienne prostituée refuse, et le conflit s'achève par un duel au pistolet entre les deux hommes. L'issue est tragique, puisque Wanja meurt, et par conséquent, Josefine se retrouve une fois encore sur le trottoir...
Que peut-on retenir de cette seconde partie du troisième opus, si ce n'est que Gunter Otto n'a pas été en mesure de proposer un spectacle tenant la distance dans la durée. A défaut de couper son film en deux parties, le réalisateur aurait mieux fait de se contenter d'un métrage "classique" d'environ quatre vingt dix minutes, au lieu des deux heures et demie cumulées sur les deux volets. Pour couronner le tout, l'un des meilleurs passages, se passant dans l'atelier d'un peintre, n'a rien de franchement original dans la mesure où Hans Billian avait déjà exploité cette idée dans le premier opus (avec un photographe en lieu et place).

 

 

Siggi Buchner ne faisant ici qu'une brève apparition, l'essentiel du film repose donc sur les épaules d'Uschi Karnat, l'une des rares personnes à jouer sans la moindre retenue, et de ce fait à contenter le spectateur. On ne peut en dire autant d'une bonne partie du casting, relativement apathique. Du coup, la "super production" initiée par Billian s'achève en demi-teinte, et seuls quelques passages (notamment celui où deux ravissantes jeunes femmes s'activent autour du "service trois pièces" d'un notable, sous le regard incrédule de son serviteur) parviennent à sauver ce dernier volet de la médiocrité. On notera quand même un duel au pistolet original, dans lequel les deux protagonistes s'affrontent dans une pièce obscure, pour un jeu de cache-cache insolite.
Il n'en reste pas moins que ce dernier opus demeure sans aucun doute le moins réussi des quatre JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE WIRKLICH WAR. Il se conclut toutefois sur une note optimiste puisque, après bien des déboires, Josefine parviendra à trouver le bonheur en épousant un riche (et âgé) baron, et deviendra maman ! Quant à Gunter Otto, il poursuivra sa carrière de réalisateur en exploitant encore le filon, tournant le diptyque JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE HEUTE WAR en 1983/84, qui transpose cette fois le personnage de Josefine dans un cadre contemporain. Plus tard, il s'attaquera à une nouvelle saga, celle des Heidi, mais ceci est une autre histoire...

 

 

JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE HEUTE WÄR : 5. TEIL
(Dauernd erregt Erotische Männertraüme)
Allemagne – 1983 ; Réalisation : Gunter Otto ; Interprètes : Carmen Chevalier, Sasha Atzenbeck, Jacqueline Frank, Willi Stenz...

Après quatre films en costumes et une reconstitution réussie de la période fin XIXe début XXe siècle, Gunter Otto poursuit sa saga en la transposant de nos jours. Josefine Mutzenbacher n'est plus de ce monde, mais sa descendante, qui porte par un heureux hasard le même prénom, va reprendre le flambeau de son aïeule. Cette nouvelle Josefine, descendante directe de la célèbre prostituée viennoise, a hérité des "qualités" de son ancêtre, à savoir un fort penchant pour la frivolité et l'amour libre. Résidant également à Vienne, elle a fait fortune dans un commerce en rapport avec ses points forts, puisqu'elle dirige une clinique du sexe pour hommes dans les Alpes bavaroises (en fait, un hôtel transformé en maison de passe).
Marcus, le fils de Gunter Otto, déclarait que son père était désireux de tourner encore un film pornographique. Au cours d'une discussion fut alors évoquée l'idée de transposer le personnage de Josefine Mutzenbacher de nos jours. Ce sera chose faite, et pour incarner le rôle titre, le choix se porte sur une inconnue ou presque, Carmen Chevalier, qui avait débuté sa carrière d'actrice l'année précédente dans une comédie érotique de Jürgen Enz, PROF IN LOVE. Peu de temps avant ce cinquième volet des aventures de Josefine, elle avait été également aperçue dans CATHERINE LA TSARINE NUE où l'actrice n'avait qu'un second rôle.

 

 

A la vision de JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE HEUTE WÄR : 5. TEIL, un constat s'impose : la magie n'opère plus, et le film ne peut que décevoir ceux qui avaient apprécié les quatre premiers opus. En 1983, la vidéo a remplacé le 16 ou le 35mm, et le porno jadis inventif glisse inexorablement vers le gonzo ou "All Sex", dans lequel le sexe prévaut au détriment du scénario. Les tournages deviennent moins coûteux et plus rapides, et donc, la qualité s'en ressent forcément.
A cela, il convient de rajouter que le casting est à l'image du scénario... transparent. Les acteurs sont pour la plupart insipides, physiquement sans relief et leur jeu est plus que limité. Quant à Carmen Chevalier, c'est peu dire qu'elle manque singulièrement de charisme.
Alors, que retenir de ce cinquième volet ? Pas grand-chose, en vérité, à l'exception d'une scène d'urolagnie et d'une tentative d'humour slapstick qui pourra prêter à sourire. Mais l'ensemble reste quelconque, et Gunter Otto recycle de surcroît un extrait du troisième opus afin d'étoffer une histoire qui manque cruellement d'inspiration. Ce vaudeville champêtre où l'on fornique dans chaque pièce de l'hôtel ne fait pas oublier l'essentiel, à savoir l'absence totale d'un quelconque scénario.

 

 

JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE HEUTE WÄR : 6. TEIL
(Die Nacht der wilden Schwänze)
Allemagne – 1984 ; Réalisation : Gunter Otto ; Interprètes : Carmen Chevalier, Claudia Mehringer, Sasha Atzenbeck, Jacqueline Frank, Rosl Mayr, Willi Stenz...

Ce dernier épisode est la suite du précédent, prenant le même cadre d'un hôtel retiré de la Bavière, dans lequel Josefine et son personnel attendent de pied ferme la clientèle. En bonne maîtresse de maison, Josefine accueille chaleureusement ses invités et organise les rencontres en fonction des soucis de ses "patients". Un homme cherche ainsi à résoudre ses problèmes d'impuissance, tandis que sa femme, d'apparence coincée et encore vierge, va se transformer en nymphomane insatiable.
Rien de bien nouveau pour cet ultime volet d'une saga ayant débuté huit ans auparavant. La qualité de celle-ci aura donc évolué d'une manière décroissante, ce qui n'est guère étonnant vu que l'âge d'or du cinéma érotique et pornographique eut lieu incontestablement durant la décennie des années '70.

 

 

JOSEFINE MUTZENBACHER - WIE SIE HEUTE WÄR : 6. TEIL possède donc les mêmes recettes que l'opus n°5, la seule originalité étant le générique d'ouverture sous forme d'illustrations, des dessins très réussis d'ailleurs. Ensuite, Gunter Otto répète ses gammes avec une facilité confinant à la paresse. Le spectateur se voit proposer un "plat" plutôt réchauffé, avec un fort sentiment de déjà vu. Au menu, donc, une femme se masturbant sous la douche, le facteur se voyant gratifié d'une "gâterie", du sexe dans une piscine, une partouze dans le salon et deux scènes d'urolagnie. Dans l'une d'entre elles, se passant dans une baignoire, un barbu obèse reçoit une douche dorée qui a pour effet, non pas de le conduire à l'orgasme, mais de lui provoquer une crise de flatulences. Amis du bon goût, bonjour, quand Gunter Otto donne dans l'humour burlesque, il ne fait pas dans la légèreté. Le réalisateur appuie d'ailleurs sur le ressort comique tout au long du film, mais la finesse n'est jamais au rendez-vous. On sera toutefois indulgent à certains moments, comme le passage où un homme s'emmêle les pinceaux avec sa partenaire lovée dans un hamac.

 

 

De plus, le réalisateur n'hésite pas encore une fois à faire du remplissage, recyclant un passage du deuxième volet ainsi qu'un extrait de l'un des sept LIEBESGRÜSSE AUS DER LEDERHOSE (dont cinq furent mis en scène par Gunter Otto).
Quant à Carmen Chevalier, elle est ici plus en retrait et on ne la voit par conséquent que dans très peu de scènes de sexe.

Ainsi s'achèvent les fameuses aventures de Josefine Mutzenbacher. La prostituée de Vienne aura fortement influencé le cinéma allemand. Tout aura commencé par la trilogie de Kurt Nachmann, avec respectivement L'ENTREJAMBE (JOSEFINE MUTZENBACHER, 1970), UN HOMME PAR JOUR (JOSEFINE MUTZENBACHER II – MEINE 365 LIEBHABER, 1971) et LES EMOTIONS PARTICULIERES (FERDINAND UND DIE MUTZENBACHERIN, 1972). Il s'agissait là de trois comédies érotiques. Les films suivants seront tous à caractère pornographique. Durant la période couvrant les six longs métrages évoqués dans ce dossier, il convient de préciser que deux autres longs métrages consacrés aussi à la prostituée de Vienne viendront s'intercaler. Tout d'abord JOSEPHINE, BONNE A TOUT FAIRE (DIE BEICHTE DER JOSEFINE MUTZENBACHER, 1979), que l'on peut considérer comme la suite officieuse du INSATIABLE JOSEPHINE de 1976, puisqu'il fut tourné par Hans Billian, un peu dans un esprit de revanche suite à un différend avec Gunter Otto après le premier volet. C'est donc Billian lui-même qui produira cette séquelle non officielle. Ensuite, Hans Billian récidivera en 1981 avec AUS DEM TAGEBUCH DER JOSEFINE MUTZENBACHER, qui a été édité en dvd chez nous sous le simple titre de JOSEFINE dans une version édulcorée.

 

 

Après 1984, notre Joséphine bénéficiera encore de deux nouvelles apparitions. Avec une dernière fois Hans Billian (DIE LIEBESSCHULE DER JOSEFINE MUTZENBACHER, 1986), l'ultime adaptation étant signée Jürgen Enz (JOSEFINE MUTZENBACHER – MANCHE MÖGEN'S HEISS, 1990).
Pour en terminer avec cette héroïne à la petite vertu mais au grand coeur, citons les propos éloquents qu'elle écrivait dans ses mémoires (par le biais de la plume de Felix Salten), et qui résument à merveille le personnage :

Tout ce qu'une femme peut faire dans un lit, sur une table, une chaise, un banc, contre un mur ou dans l'herbe, dans l'encoignure d'une porte ou dans une chambre de passe, dans le train, dans une caserne, au bordel ou en prison, je l'ai fait. De tout cela je ne regrette rien.

 

 

Flint (Février 2018)