Interview Ethan Dettenmaier
Écrit par Walter Paisley   

 

Interview réalisée le 1er juillet 2006.

 

Avec Sin-Jin Smyth, le très sympathique Ethan Dettenmaier, 34 ans, réalise son premier film. En indépendant, plutôt qu'avec de gros studios. Le réalisateur s'explique sur le pourquoi du comment, s'attardant aussi bien sur la production que sur le côté artistique de son film. Instructifs quand aux méthodes de fonctionnement du cinéma américain, ses propos laissent également espérer que le film sortira en France. C'est tout le bien qu'on lui souhaite, tant Sin-Jin Smyth semble prometteur.

Bonjour Walter, bonjour la France... Comment se passe la lutte des travailleurs ? Tu sais, en parlant de lutte, je crois que la plupart des Américains ne donne pas assez de crédit à la France pour avoir aidé l'Amérique à gagner son indépendance vis à vis des Britanniques. C'est terrible mais, hormis au niveau universitaire, on n'apprend pas l'Histoire d'une manière très précise. C'est triste.

Bonjour Ethan, peux-tu s'il te plaît nous parler de ta carrière avant SIN-JIN SMYTH ?

Ah, je ne voudrais pas ennuyer qui que ce soit. J'ai pris le premier boulot - au service du courrier du Studio Warner Bros - au sein de la seule industrie qui ait accepté de m'embaucher. A partir de là, je me suis démené, j'ai écrit un scénario et, parce que je souffre de dyslexie, je l'ai amené à une éditrice - quelqu'un à qui je délivrais du courrier - en lui demandant de le lire et d'en corriger toutes les fautes. Elle a suffisamment aimé ce scénario pour me recommander auprès d'un agent. Dès lors j'ai accepté tous les boulots d'écriture que je pouvais trouver... qu'ils soient rémunérés ou me permettent tout au moins de faire avancer mon travail. Tu sais que j'ai un projet sur la Légion Etrangère et l'Algérie ces jours-ci - As tu déjà vu la Bataille d'Alger ? ou alors Wages of Fear ? un excellent film - désolé, je sais que nous ne sommes pas là pour parler de ça.

Comment t'es venue l'idée du film, et quelles ont été les difficultés auxquelles tu as dû faire face pour monter le projet ?

L'idée originale provient d'un scénario intitulé Two Guys From Hell à propos de deux Agents Fédéraux qui doivent escorter un suspect inconnu (dans SIN-JIN SMYTH, il s'avère qu'il s'agit du Diable !), alors que minuit sonne. Nous avons retravaillé le scénario et assemblé le casting - j'entretenais déjà une relation amicale avec la plupart des acteurs, alors cela n'a pas été aussi difficile que cela aurait pu l'être de trouver un terrain d'entente pour les engagements. A partir de là, les principales difficultés ont été financières, après que divers studios aient essayé de rendre le scénario plus lisse et accessible pour les enfants (ils - les Studios - voulaient des personnages plus sympathiques, une histoire d'amour et une interdiction de type PG-13...
Je leur ai dit qu'il ne s'agissait pas d'un film de Disney et qu'ils ne le changeraient pas de cette façon, pour l'appât du gain). Nous avons décidé de monter notre film avec le secteur privé pour conserver notre indépendance. Maintenant - en ce moment même - je reste un metteur en scène totalement inconnu et non "bankable" alors il nous fallait mettre en place des éléments de production qui seraient attractifs pour un investisseur...
J'ai donc vendu mon assurance vie, puis nous avons mis en place notre projet par le biais d'un avocat spécialisé de New York et nous avons assemblé une sorte de book avec le scénario, un budget planifié par un Manager de Production (Unit Production Manager), un calendrier de production établi par un Assistant Réalisateur approuvé par la DGA (Directors Guild of America), des dessins et des storyboards - pour aider les investisseurs potentiels qui manquent un peu d'imagination -. Ensuite nous avons dû monter une équipe de professionnels avérés qui donneraient confiance à un investisseur... Cela nécessitait un bon Directeur Photo avec un DVD présentant ses travaux, un décorateur avec des croquis, des schémas et des modèles réduits des décors qu'on allait construire, inclus dans le book, un bon maquilleur et de bons spécialistes des effets spéciaux (Sur SIN-JIN SMYTH, ce travail a été fait par MAKE-UP AND MONSTER qui ont également créé le monstre de Jeepers Creepers quelques années auparavant), puis une équipe de cascadeurs professionnels, une équipe de techniciens du son, une équipe de coordinateurs pour la bande originale (sur SIN-JIN SMYTH cette tâche a été partagée par les icônes Goths MIDNIGHT SYNDICATE et Billy Duffy, le guitariste de THE CULT) avec des extraits de leur travail dans notre plan marketing.
Nous avons également dû inclure une étude comparative entre les coûts et les recettes au Box-Office et en vidéo des films de ce genre. Après, nous avons lancé l'idée du scénario dans la presse en espérant que quelqu'un serait suffisamment intéressé pour en parler et attirer l'attention d'un investisseur qui verrait qu'il y a un public potentiel pour ce film... Nous avons également prévu toutes les possibilités de merchandising : des livres, des bandes dessinées, des figurines, des jeux vidéos etc, tout ce qui était possible dans un plan marketing... Enfin nous avons fait du porte à porte pour vendre tout ça...

 


Penses-tu que le futur des films d'horreur repose sur les compagnies de production indépendantes ?

Bonne question Walter. Je pense qu'il nous faut soustraire l'art à des stratégies délibérément étudiées dans une optique marketing et ne pas essayer de fondre les films dans un moule juste pour attirer un certain public... Monet n'a pas peint ses chef-d'œuvres en ayant un public précis en tête alors pourquoi les réalisateurs devraient-ils le faire ? Ma philosophie est d'essayer au départ de faire un bon film et il se vendra de lui même !
Je n'ai pas envie de couper des scènes et de faire un film de type PG-13 pour attirer un public jeune plus large. Je ne veux pas créer une séquence autour d'une canette de Pepsi parce que le studio cherche à alléger ses coûts de cette façon - dans ce cas le maléfique empire Pepsi a probablement son mot à dire pour approuver le scénario et ce sont les créditeurs qui comptent le plus, à la place des fans... Or ce sont ces derniers qui importent vraiment, nous travaillons pour eux... Le public, voilà le plus important !

Le casting de SIN-JIN SMYTH est assez inhabituel. Un rocker, une actrice qui vient du porno, des catcheurs... Cette diversité était-elle prévue ou est-elle venue naturellement ?

Non cela n'était pas prévu... mais cela a bien fonctionné. C'était un excellent casting avec des gens faciles à vivre... Et ils étaient patients avec moi, ce qui était une aubaine car en tant que nouveau réalisateur, j'avais besoin d'un laps de temps pour traduire les images de mon esprit sur l'écran, plan après plan.

Le visuel du film semble avoir été profondément influencé par les films d'horreur gothiques classiques, comme ceux de Universal dans les années 30 ou les films de la Hammer... J'imagine que reproduire de telles atmosphères était une tâche difficile...

L'atmosphère est évidemment importante et les bons spécialistes peuvent créer de très bonnes choses pour la texture du film et son décor. Dans ce film, l'action se situe lors d'une alerte à la tornade, il nous a donc fallu ajouter tous les éléments météorologiques à l'ambiance... Et cela n'est pas facile pour un membre du casting de se tenir face à un grand ventilateur à deux heures du matin, prise après prise.

Le film semble très noir, loin des films d'horreur actuels dont le traitement tend plutôt vers le cynisme.

Il l'est... Et cette tonalité a fait l'objet de plusieurs débats avec divers studios et compagnies de production qui souhaitaient nous soumettre à leurs standards habituels afin de rendre le film moins sombre, par exemple en rendant les personnages plus positifs ou en introduisant un happy end - des choses qui ne semblaient pas s'accorder avec la tonalité apocalyptique du film... Il s'agit de durs à cuire qui ont un rude travail à accomplir...

De même que Jonathan Davis, un autre musicien a travaillé sur SIN-JIN SMYTH : Billy Duffy qui participe à la bande originale.

C'est également un type extra, un véritable atout pour notre entreprise. Il est très intelligent et possède une grande expérience qui nourrit son travail... quelqu'un de vraiment bien.

De quelle façon ton film (et d'une manière générale le cinéma d'horreur) est-il lié à la musique Rock ?

Je souhaitais renforcer la force des personnages, en plus de l'ambiance, alors nous nous sommes associés à des musiciens dont la musique aurait le même impacte et serait aussi puissante que le jeu des acteurs et les scènes. Il est nécessaire d'ajouter de l'émotion grâce à la musique... une tâche difficile ! (Billy) Duffy - et Midnight Syndicate d'ailleurs - sont remarquablement doués...

Pourrais-tu nous parler des effets spéciaux présents dans SIN-JIN SMYTH ?

Les effets spéciaux sont pour la plupart des effets concrets. En plus de la tornade qui menace, il y a des effets de combat.

Le site officiel du film comporte des sections inhabituelles, comme l'art conceptuel ou le storyboard. Etait-ce ton idée ?

 


Oui... C'était un travail visuel. J'ai pensé que les gens aimeraient peut-être voir l'art conceptuel qui nous a dirigé tout au long de la production... En réalité ce sont les mêmes esquisses conceptuelles que nous avons utilisées pour décrire les scènes aux investisseurs dans le plan initial de financement.

Le film sort bientôt sur les écrans américains. Sais-tu s'il y aura une chance pour les Français de le voir au cinéma ?

Absolument. On ne fait pas de sortie mondiale sans inclure les Français !

J'ai lu qu'en plus de SIN-JIN SMYTH, tu travailles comme producteur sur un film intitulé RESPECT THE DEAD. Pourrais-tu nous en parler ?

Respect The Dead est un film noir qui se passe à la Nouvelle Orléans, à la frontière du Bayou, et qui traite de la profanation de sépultures dans l'Amérique coloniale française... Mais nous préparons également un western (à propos d'un groupe de Cavaliers de la Confédération qui refusent de se rendre à la fin de la guerre civile américaine), un film sur des agents de la CIA qui travaillent au Moyen Orient, un film sur Vice and Bomb Squad, une division spéciale détachée de la brigade SWAT, chargée de combattre un trafic d'opium et d'armes organisé par des renégats du FBI au Vietnam... Et d'autres choses encore, mais je vais peut-être prendre un certain temps de repos après SIN-JIN SMYTH pour participer à des œuvres caritatives... Je dois beaucoup aux gens autour de moi pour m'avoir permis de travailler dans ce business et je veux aller dans les tranchées et rendre un peu de ce qu'on m'a donné !!!

Ethan Dettenmaier, merci pour avoir répondu à nos questions ! Nous te souhaitons le meilleur pour ton film et toi !

Merci à toi Walter pour avoir pris le temps de discuter avec moi. J'espère te parler à nouveau très bientôt ! Merci la France !