[M] [Critique] L'homme sans frontière - 1971

 
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mallox
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MessagePosté le: Sam Aoû 06, 2011 10:40 am    Sujet du message: [M] [Critique] L'homme sans frontière - 1971 Répondre en citant

Bon ben, j'étais juste parti pour qcq lignes fast bidule, et j'ai pas pu m'arrêter... (je repasserai un coup de pinceau prochainement).



L'homme sans frontière - 1971
(The Hired Hand )

Origine : Etats-Unis
Genre : Western

Réalisé par Peter Fonda
Avec Peter Fonda, Warren Oates, Verna Bloom, Ann Doran...


Après bien des années à vagabonder dans l'Ouest, Harry Collings est las de cette vie de cow-boy itinérant et choisit de retrouver le foyer qu'il a abandonné, voilà sept ans. Il part en compagnie de son inséparable ami Arch Harris, après avoir vengé de manière sanglante la mort d'un troisième compagnon dans un petit village en bordure du désert. Le retour s'avère délicat car Hannah, l'épouse d'Harry, qui s'était résignée à ne jamais revoir son époux, appréhende difficilement ce retour. Harry accepte de travailler comme un employé et regagne la confiance d'Hannah.



Qualifié "d'anti-western" en son temps, retiré de l'affiche par la Universal au bout d'une semaine d'exploitation, voici un film que l'on peut enfin (re)découvrir depuis quelques années. Notamment grâce à Martin Scorcese qui intervint pour le faire sortir des oubliettes et offrir une restauration au film, qui ressortit en salles puis en dvd.
"L'homme sans frontière" est un film simple, réaliste, voire naturaliste. L'Ouest ici dépeint s'avère dénué de possibilité de gloire. Le plus souvent, on y meurt connement (un mari qui trouve sa femme en compagnie de son amant et le tue en pensant que celui-ci s'apprêtait à prendre son pistolet). On y meurt aussi de façon complètement anonyme. Il n'y a pas de place pour les légendes.



Peter Fonda, même minimaliste, n'évolue cependant pas tout à fait dans les mêmes eaux troubles que le cinéaste autiste de "The Shooting" ou de "L'ouragan de la violence". Point de métaphysique ici, mais de l'intimisme teinté d'existentialisme. A ce titre, l'antihéros du film, qui ne cherche après une vie de bourlingue qu'à se poser, s'insère parfaitement dans les portraits effectués durant les mêmes années par Peckinpah ; avec la même mélancolie d'un monde en train d'évoluer qui tend à dépasser les vieux cowboys, mais aussi l'impossibilité pour l'homme de faire un choix. L'enracinement passe par l'amour et donc par la femme (ou par l'homme si on est dans "Le secret de Brokeback Mountain" !). La liberté et l'esprit de frater, par l'amitié.
Les deux sont des prisons confortables, différentes, avec leur lot de douceur, de dissensions, et trompent tous deux la solitude. Hélas, l'un ira inéluctablement contre l'autre, et ce n'est pas faute que chacun des personnages eut essayé de mettre au préalable de l'eau dans son vin. Mais le passé des deux hommes et leur complicité (le film peut même se lire comme un itinéraire bisexuel) les rattrapera. Non pas un lourd fardeau fait de meurtres ou d'illégalités à tout va, non, juste un détail, un fait divers parmi tant d'autres durant leur cheminement au sein des grands espaces, un rien qui fera basculer les aspirations de Harry Collings vers une issue dramatique.



On pense à Monte Hellman, bien entendu, mais aussi à une sorte de mélange singulier entre Clint Eastwood (Verna Bloom, ici très touchante, sera d'ailleurs immédiatement embauchée par le réalisateur pour "L'Homme des hautes plaines", et ce n'est certainement pas un hasard !) et Terrence Malick. On trouve, deux ans avant "La balade sauvage", ce même amour et respect de la nature, laquelle régirait en haut lieu, et de façon quasi mystique, les décisions et les actes représentés à l'écran. Tout comme la nature, l'être humain se déracine ou s'enracine, avant de léguer sa place à une nouvelle entité, et ainsi de suite... (de même, l'histoire et son traitement n'est pas sans évoquer "Les moissons du ciel", avec ce mari parti à la guerre et remplacé par la force des choses). Le film est magnifiquement photographié par Vilmos Zsigmond, qui sortait tout juste du "John Mac Cabe" d'Altman, avec très souvent des successions de triples fondus enchaînés à la lenteur calculée. Il en résulte une œuvre dans l'air du temps certes (psychédélisme d'alors), mais qui fonctionne encore graphiquement aujourd'hui de façon merveilleusement hypnotique, sans qu'il faille, pour l'apprécier, lui coller sa patine d'époque et la remettre dans son contexte.
Son talent ne fera d'ailleurs que se confirmer au fur et à mesure de sa carrière ("Délivrance", "Voyage au bout de l'enfer"...)."L'homme sans frontière" est un film qui vieillit bien car, malgré ses aspects expérimentaux, il ne se revendique pas seulement d'un cinéma rebelle, du néo-western en plein règlement de comptes avec sa propre histoire cinématographique, mais s'inspire également de classiques hollywoodiens tels que La poursuite infernale (My Darling Clementine) de Ford. On y retrouve du reste les mêmes thèmes liés à l'enracinement ou à la soif de liberté ou d'indépendance (cf. critique tortillafilms).



L'art du cinéma, c'est aussi une somme. En tant que tel, "L'homme sans frontière" est une réussite absolue. Certes, pas le film le plus spectaculaire à redécouvrir aujourd'hui. Loin du racolage et du tapage, le film doit sa réussite aussi à son scénariste Alan Sharp, qui livre ici une histoire à la fois simple, humble mais sans failles. Les personnages y sont fouillés et suscitent, à l'unanimité, une forte empathie. Au caractère fort de Verna Bloom, qui confère au film, en plus du reste, une saveur féministe (rappelons que les meilleurs féministes sont incontestablement des hommes, et que dès qu'une femme s'en mêle, elle tombe systématiquement dans l'ost-racisme ! Salope !), vient faire écho le caractère souple de Arch Harris, superbement campé par Warren Oates, entre humanisme et partialité. Des destinées faites de gens qui se cherchent, se trouvent, se perdent puis se retrouvent pour se reperdre, ce, élégamment illustré par les fondus évoqués ci-dessus, dans lesquels s'entrelacent champs de blé (fertilité), routes rocailleuses (la fuite en avant et ses dangers), temps morts ou temps de repos (la mer vue comme élément de sérénité par Arch - on peut même dire qu'elle remplace symboliquement, et la femme avec laquelle il ne vivra pas, et la mère qu'il n'aura jamais vraiment connue).
Il n'y a pas à tourner autour de l'abreuvoir, "L'homme sans frontière" est un très beau film. A regarder les noms présents au générique, on se dit qu'il n'y a là qu'addition de talents. Une addition non garante pour autant de la réussite d'une quelconque entreprise filmique. Toujours est-il que le film de Peter Fonda, longtemps maudit pour d'exécrables raisons, lui, y est parvenu avec une belle évidence.
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MessagePosté le: Dim Aoû 07, 2011 9:36 am    Sujet du message: Répondre en citant

Très beau film en effet, dont je disais à peu près ceci...

Citation:
Au sein de la carrière de son réalisateur, L'Homme sans frontière occupe une place à part. Ce film marque une certaine forme de renoncement de sa part, et entérine la chute du mouvement hippie. Harry, son personnage, c'est un peu le Wyatt de Easy Rider si il avait survécu. De longues années passées à arpenter les Etats-Unis sans autre but que d'être constamment en mouvement, jusqu'au jour où l'on s'aperçoit qu'on a brassé que de l'air. C'est comme si Peter Fonda se remettait en question sous nos yeux, qu'il décidait de se responsabiliser. La réintégration du foyer familial devient alors la plus périlleuse des aventures. Peter Fonda n'exhale pas pour autant les vertus de la sacro sainte famille, il se désintéresse complètement de la petite fille, par exemple. Il se présente plutôt en incunable romantique, plaçant l'amour comme le principal pilier de la vie d'un homme. L'Homme sans frontière est une belle curiosité, à laquelle s'ajoute l'étonnante prestation de Warren Oates, acteur généralement cantonné dans des rôles plus excessifs et qui ici, épate par la sérénité et la douceur qui émanent de son jeu. Un très bon acteur, trop peu reconnu à mon goût.

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MessagePosté le: Dim Aoû 07, 2011 9:45 am    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, je suis d'accord. En plus du Wyatt de Easy Rider, je dirais même qu'il revient vers ses racines, en l'occurence son père, un autre Wyatt... le Wyatt Earp de "la poursuite infernale" à propos duquel j'avais écrit ça sur tortilla et que je retrouve ici, en plus du fait que Fonda jr himself s'est toujours revendiqué du classicisme de "My Darling Clementine" plus que de marginalité pour "L'homme sans frontière" :
"Finalement, le cinéma fordien n'a cessé de mettre ses héros en face de deux tentations contraires : celle du mouvement, liée à la solitude, et celle de l'enracinement, liée à la femme".
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