Chronique des jours à venir
Genre: Voyages dans le temps , Science-fiction
Année: 2007
Pays d'origine: Angleterre
Editeur: Actes Sud
Auteur: Ronald Wright
 

Ce roman s'inscrit bien dans la tradition catastrophiste de la SF anglaise et ne nie pas sa filiation avec H.G. Wells (auquel il se réfère ouvertement) et les premières oeuvres d'un James Ballard pour la description d'une Angleterre post-cataclysmique où ne demeurent que les vestiges d'une civilisation détruite. J'ajouterai aussi sa parenté avec "Le jeune homme, la mort et le temps" de Richard Matheson  pour son personnage condamné par la maladie qui voit dans son voyage une sorte d'échappatoire, sauf que contrairement au roman de Matheson où Richard Collier remontait dans le passé, le personnage de Ronald Wright choisi la fuite en avant dans un futur éloigné. L'amateur qui connaît ses classiques sera donc en terrain connu mais cela ne signifie pas pour autant que "Chronique des jours à venir" est un roman prévisible incapable de satisfaire le lecteur blasé. Du reste, malgré des thèmes rabâchés, le roman colle au plus près des préoccupations de notre présent et dresse le constat accablant et totalement crédible d'une planète qui, après l'épuisement de ses ressources naturelles, la surpopulation, la pollution, la surconsommation, et quelques autres tares propres à notre époque, paie le prix de ses excès et de ses inconséquences. Mais n'allons pas trop vite...


David Lambert, un archéologue anglais, doit faire face à deux événements dramatiques intimement liés : la mort précoce de sa femme Anita, emportée par la maladie de Creutzfeld-Jacob, et sa propre condamnation puisqu'il a lui aussi contracté la maladie. De plus, David a perdu de vue son meilleur ami, Bird, avec lequel il s'est querellé au sujet d'Anita (le classique triangle amoureux). Esseulé, traumatisé entre le souvenir de son amour perdu et un avenir sans espoir, David songe au suicide.

C'est alors qu'une lettre lui parvient au mois de décembre 1999, envoyée par un notaire, et qui a été rédigée par Herbert George Wells en personne en 1946 ! Celui-ci revient dans la lettre sur sa liaison avec une certaine Tania, assistante de l'inventeur Nikola Tesla. La femme aurait réussi à construire une machine à voyager dans le temps et compte l'utiliser pour retourner dans le passé. Malgré les avertissements de Wells, elle disparaît donc dans sa machine un jour de décembre 1899 pour ne plus réapparaître. Mais Wells informe son destinataire que la femme avait prévu un système de sécurité permettant à la machine de revenir à l'endroit exact où elle se trouvait alors (si les choses venaient à mal se passer) mais dans un siècle exactement. Aussi, David est prié de se rendre à l'adresse indiquée par la lettre pour assister peut-être à la réapparition de la machine et de Tania. Croyant d'abord à un canular mais n'ayant de toute façon rien à perdre, David Lambert est fidèle au rendez-vous et la machine à voyager dans le temps de Tania lui apparaît bel et bien, mais vide de toute occupante.

David décide alors d'utiliser la machine pour faire un bond de cinq siècles dans le futur, avec le vague espoir que la technologie très évoluée de l'époque puisse le guérir de la maladie. Las ! Lorsqu'il parvient à destination, en l'an 2500, le paysage de l'Angleterre s'est considérablement modifié, transformé en paysage tropical, mais surtout semble garder les traces d'une catastrophe déjà lointaine pour l'humanité. Retourné à l'état sauvage, les derniers signes de civilisations n'étant plus que ruines, le pays semble de surcroît vidé de toute présence humaine, excepté David. Quel événement (ou série d'événements plutôt) a pu être responsable d'une telle destruction ? Notre homme parvient - en bon archéologue - à réunir quelques indices dans ce qui fut autrefois Londres. Catastrophe soudaine ou lente désagrégation d'une civilisation à bout de souffle, menacée à la fois par ses propres excès et des phénomènes naturelles tels que la fonte des glaciers qui a redessiné la topographie du monde ? On parie plutôt pour la seconde hypothèse.

Quittant ce qui fut autrefois la capitale, David remonte vers le nord, découvrant sur son trajet un pays dévasté et méconnaissable, jusqu'à ce qu'il arrive en Ecosse. Là , sur les rives du Loch Ness, il rencontre enfin des survivants : une société primitive d'individus à la peau noire, très religieuse, qui s'est (re)créé une mythologie avec les restes de l'ancien monde (prières récitées dans un anglais élisabéthain, individus se faisant appeler MacBeth, parodie de certains rituels comme la Passion, etc...). Moins qu'une tentative de renouveau possible de l'humanité, il s'agit plutôt d'un détournement pathétique obtenu à l'aide de tristes reliques dénaturées.

Parallèlement à la description de cet avenir sans issue, le roman de Ronald Wright est aussi le ressassement en guise de témoignage douloureux d'une passion amoureuse et d'un deuil (certains de ses passages occasionnant parfois un certain ennui pour le lecteur, il faut bien le dire). Le roman est d'ailleurs construit en une série de lettres écrites par David et dont les destinataires sont tantôt Anita, tantôt son ami Bird.


"Chronique des jours à venir" ne manque donc pas d'atouts pour plaire à tous les publics. De la bonne SF - blanchie sous le harnais littéraire si j'ose dire - spéculative et philosophique, qui n'oublie pas pour autant d'être aussi un bon roman d'aventure davantage tourné vers les sciences humaines que la science pure, sans artifices high-tech (outre les auteurs anglais déjà cités, on pourrait ajouter Pierre Boule et sa "Planète des Singes"). Une écriture de qualité, une construction solide, une vision socio-historique clairvoyante, une bonne dose de culture littéraire et de mythologie, voilà de quoi satisfaire le lecteur le plus exigeant. On regrettera quelques longueurs - un défaut assez fréquent dans les romans de SF/fantastique actuels - pour un roman qui aurait gagné à s'alléger de quelques dizaines de pages d'introspection encombrantes censées donner peut-être un vernis littéraire supplémentaire dont l'oeuvre (suffisamment riche) aurait très bien pu se passer. Mais ne soyons pas trop tatillon au vu de la très bonne tenue de l'ensemble.


Note : 8/10

Ragle Gumm

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