Bigbonn Psycho-cop
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Posté le: Mer Juil 27, 2011 4:59 pm Sujet du message: [M] [Critique] Zatoïchi (17), Route sanglante |
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Zatoïchi (17) – Route sanglante
Titre original : Zatoichi Chikemuri Kaido
Genre : Chambara
Année : 1967
Pays d’origine : Japon
Réalisateur : Kenji Misumi
Interprètes : Shintaro Katsu, Jushiro Konoe, Miwa Takada, Yukiji Asaoka, Mikiko Tsubushi, Takao Ito, Asao Koike, Midori Isomura, Kenzo Tabu.
Sommet d’une série qui en comporte plusieurs, cet épisode de la légende de Zatoïchi commence sur un chemin emprunté par le masseur aveugle ainsi que par un samouraï mystérieux et de fière allure, Tajuro Akatsuka. Tandis qu’une petite bande approche en courant et dans un cliquetis de sabres, Ichi se met en position d’attente, pour voir s’il est la cible de ces bretteurs agressifs ou s’ils sont à la poursuite de l’autre voyageur. Il se retrouve alors entouré de 5 ou 6 bonshommes qui lui annoncent qu’ils vont venger leur « parrain » et lui intiment l’ordre de se préparer à mourir. Contrecarrant totalement leur plan, il les décime promptement, dans le sifflement des lames et les râles des agonisants, sous l’œil appréciateur du samouraï qui lui fait un bref éloge empreint de respect. Ces deux-là sortent visiblement du lot du commun des mortels et le katana est leur outil de prédilection.
Arrivé à une auberge, Ichi se voit contraint de partager sa chambre avec une femme et son fils. Mourante, elle l’implore de ramener le garçon, Ryota, à son père, Shokichi, au village de Maebara. Zatoichi se retrouve alors de nouveau lancé sur les routes avec un gamin dans les bras, plus un bébé comme dans le très moyen Voyage meurtrier, mais un enfant de 5 ou 6 ans. Une fois de plus, c’est l’occasion pour lui de faire preuve de ses aptitudes paternelles, de sa tendresse et de sa profonde humanité. Tout en râlant sur le fardeau que constitue un petit garçon pour un aveugle itinérant, il tisse très vite, par son caractère faussement bourru et ses capacités d’autodérision, des liens très forts entre Ryota et lui.
Cheminant avec une troupe d’artistes dirigée par une femme, Tayu, ils croisent à nouveau la route de Tajuro Akatsuka. Ce dernier met en fuite des sbires d’un parrain local, que l’on retrouvera évidemment par la suite, tous ces personnages convergeant inexorablement vers des combats sanglants et des destins tragiques.
Ce dix-septième opus de la série est une réussite à plusieurs niveaux. Réalisé par Misumi, déjà à l’œuvre sur le tout-premier épisode, il offre des cadres souvent très bien choisis et mettant en valeur les paysages traversés, tout en offrant des gros-plans très expressifs sur les visages des personnages lors des moments de tension. Les acteurs choisis pour accompagner, combattre ou simplement croiser le toujours excellent Shintaro Katsu, sont à la hauteur de son talent, que ce soient les femmes, nombreuses et toujours belles (et parfois chantantes ! Comme dans un passage surprenant et presque swinguant), les yakuzas sans honneur, félons et menteurs, ou même les simples quidams, comme ce charpentier roublard ayant voulu se moquer de l’aveugle et apprenant à ses dépens que ce n’était pas la meilleure idée. Le meilleur étant évidemment Jushiro Konoe, l’homme qui incarne le samouraï Akatsuka, un acteur ayant débuté sa carrière dans les années 30 et habitué des chambarra, apportant ici son calme et son assurance dans un premier temps, puis sa puissance et son caractère impitoyable dans les combats, que l’intensité de son regard et ses crissements de mâchoire rendent encore plus intenses. L’intrigue, enfin, conduisant le masseur aveugle dans un nid de vipères perverties par leur goût du lucre et prospérant sur un trafic d’œuvres d’arts érotiques interdites par le shogun, est passionnante de bout en bout, chaque élément s’imbriquant impeccablement au suivant pour construire une trame simple mais cohérente et bien ficelée et offrant à chacun son moment de bravoure ou de honte (excellente scène de « l’épilation » des sourcils d’un sous-chef de clan moqué et provoqué par Ichi). Sans oublier la musique, d’Akira Ikufube, de façon surprenante assez hispanisante à plusieurs moments, très noire et dense lors du dénouement.
Si le gamin est, une fois ou deux, un peu horripilant (les enfants sont rarement de bons acteurs), il est, le plus souvent, un partenaire attendrissant pour Ichi, capable de lui faire « voir » sur le sable le visage de sa maman décédée, capable aussi de le révéler un peu plus à lui-même et aux autres comme un être épris de justice sociale tout en le renvoyant involontairement à sa difficile condition de vagabond solitaire.
Mais la véritable réussite du film réside dans son dernier quart d’heure, lors du combat sous la neige opposant l’implacable Akatsuka, aux motivations enfin éclaircies, à un Zatoïchi au visage noirci par de précédents combats contre les yakuzas mais déterminé à lutter pour ce qu’il pense être une noble cause. Katana contre canne-épée, style classique contre un maniement plus personnel (relevant du iaïdo, d’après ce que j’ai pu en lire ici ou là), les deux adversaires s’estiment et se valent et les coups qu’ils se donnent sont autant physiques que moraux, chacun portant en lui et exprimant physiquement sa détermination et ses valeurs. Aussi intense qu’indécis, ce duel nocturne se conclut d’ailleurs superbement, non sans réserver son lot de surprises : le vainqueur n’est pas forcément celui qu’on croit et, malgré le tranchant des lames et la puissance des coups assénés, ce n’est pas à l’épée que s’est joué le plus dur de la lutte mais au mental. Difficile d’en dire plus sans gâcher le plaisir de la découverte mais, parmi les nombreux épisodes souvent réussis de la légende de Zatoïchi, celui-ci en est un à ne pas manquer !
Autour du film:
C'est cet épisode qui inspira, 20 ans plus tard (en 1989 pour être précis), les auteurs de Blind Fury (Vengeance aveugle en français), le film de Philip Noyce avec Rutger Hauer. |
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