[M] [Critique] La police a les mains liées

 
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mallox
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MessagePosté le: Lun Mar 08, 2010 7:30 pm    Sujet du message: [M] [Critique] La police a les mains liées Répondre en citant



La police a les mains liées – 1974
(La polizia ha le mani legate)

Origine : Italie
Genre : Poliziotteschi

Réalisé par Luciano Ercoli
Avec Claudio Cassinelli, Arthur Kennedy, Franco Fabrizi, Sara Sperati, Bruno Zanin, Francesco D'Adda, Paolo Poiret…




Matteo Rolandi (Claudio Cassinelli) est commissaire à la brigade des stupéfiants. Il est à la charge d’une enquête avec son ami et collègue Luigi Balsamo (Franco Fabrizi), lequel joue souvent de malchance. Ce dernier vient d’ailleurs de se faire désarmer bêtement par un homme braquant sur lui un pistolet d’alarme. Ses vannes sont souvent vaseuses et Rolandi est heureusement préoccupé par son enquête.
Les choses vont prendre une tournure violente et inattendue. Alors qu’il se trouve à Milan, traquant un suspect dans un hôtel où se tient une conférence internationale de haute importance, voici qu’une bombe explose, faisant de nombreux morts dont quelques noms réputés. Il y a bien un jeune homme (Bruno Zanin) qui est venu juste avant pour tenter de reprendre violemment le paquet contenant la bombe ; mais le gardien n’a rien voulu savoir et le drame a eu lieu. Tout ceci est louche et même si l’événement ne fait pas à proprement parler de son domaine, les circonstances l’incitent à enquêter sur cette sombre et sanglante affaire, mettant son ami Balsamo dans le coup. Un Balsamo qui retrouve le lendemain le jeune homme présent avant l’attentat et qui se fait une nouvelle fois avoir. L’homme le braque et réussit à s’enfuir.




Cela ne va pas être facile de l’expliquer au procureur Armando Di Federico (Arthur Kennedy), l’enquêteur officiel qu’on a dépêché de toute urgence à Milan, un homme blasé qui ne semble n’écouter que lui-même et dont l’expérience l’a rendu un peu schématique. Ni même au substitut (Francesco D'Adda) qui navigue en eaux troubles. Un peu lèche-cul, qui sait ?
Finalement, Balsamo intéressera Di Federico en tant qu’unique témoin d’un événement crucial pour l’enquête, et le procureur laissera de côté l’éventuelle incompétence de l’homme.
Mais voici que Balsamo est assassiné peu après au silencieux à longue portée, ce, en pleine rue. Un tueur à gages qui ne finira pas de sévir…
C’est sans compter le côté vindicatif de Rolandi, qu’on tente de mettre sur la touche mais qui s’obstine dans son enquête, maintenant en solo. Il parvient tant bien que mal à remonter la filière jusqu’à un groupe de terroristes apparentés aux brigades rouges. Oui, mais il semble bien que ceux-ci ont été les instruments d’un complot fomenté en plus haut lieu. Comme le dira un peu plus tard le commissaire de la brigade des stupéfiants : « La police a les mains liées ».




Finalement, Luciano Ercoli a dirigé peu de films. A regarder ses gialli, de fort bonne facture (« Forbidden Photos of a Lady Above Suspicion », « Nuits d'amour et d'épouvante » et « La Mort caresse à minuit »), il paraît clair qu’il s’agit d’un réalisateur dont la solidité n’est plus à démontrer lorsqu’il tourne son avant-dernier film, celui qui nous préoccupe ici. Autant dire que cette solidité ne se dément quasiment jamais, et si l’on pourra évoquer les défauts du film, car il y en a, le fait est que le travail est dû à un artisan très sûr ; de ceux qui savent rendre un film tout sauf ennuyeux. De fait, et malgré son intrigue tortueuse, à base de crise sociale, d’engagement politique et d’investigations policières, celui-ci parvient sans trop forcer son talent à relancer le rythme chaque fois qu’il commence à s’égarer un peu trop auprès des procédés policiers, lorgnant alors dangereusement vers l’emphase.
Mais Ercoli a du talent à revendre et ce qu’il parvient à faire le mieux ici, c’est de retranscrire une époque perdue dans sa paranoïa. Une paranoïa envers les extrémistes de droite, ceux de gauche, des institutions garantes de la sécurité des citoyens, contaminées de l’intérieur par des intérêts supérieurs, dépassant par définition largement les préoccupations desdits citoyens pourtant concernés.
Ercoli réussi son petit portrait d’époque. Mais il tombe en même temps dans un léger travers. Celui de faire de son personnage, à la base un type plutôt désabusé, une sorte d’être vindicatif autant qu’héroïque, lequel se battra envers et contre tous quoiqu’il advienne. Soit, on en a vu d’autres de redresseurs de torts (« Opération Casseur », « La rançon de la peur », « Le cynique, l’infâme et le violent »…), mais là où la plupart du temps ceux-ci ressemblaient à des exutoires de bandes dessinées, le ton se veut trop sérieux dans « La polizia ha le mani legate » pour ne pas tomber dans le piège de l’alarmisme. Et finalement, peut-être finit-il par dénoncer d’avantage une sécurité précaire, sans cesse menacée, qu’il convient de sécuriser, au lieu d’en arriver plus directement là où sans doute le film voulait nous amener, à savoir, faire le portrait d’un pays malmené par ses notables et hauts fonctionnaires en les montrant du doigt. On a du mal à envisager ce que notre policier irascible, ici loué textuellement pour son courage et sa détermination, pourrait avoir comme alter ego dans une Amérique post 11 septembre et la perplexité qu’il pourrait générer.




Difficile cependant de ne pas le rapprocher de certains films de Damiano Damiani (« Confessions d’un commissaire de police au procureur de la République », « La mafia fait sa loi »…) dans leurs joutes anti-mafieuses, et des intérêts supérieurs verrouillant toute possibilité de régler le problème. Chez Damiani, le ver est dans la pomme et il n’y a aucune issue.
Chez Ercoli en revanche, grâce à des hommes comme le commissaire Rolandi, on peut y arriver. Cela nous donne, tout compte fait, un film avec le cul légèrement entre deux chaises.
Pas assez « Dirty Harry » dans l’âme, et pas assez fidèle, non plus, aux codes très sérieux du film dossier.
On pense aussi à « Police parallèle en action » de Sergio Martino, qui prenait à sa manière, avec le personnage du commissaire Giorgio Caneparo campé par Luc Meranda, la même voie. A la différence encore qu’on suivait la métamorphose du personnage, sa progression faisant qu’il en arrivait à des conclusions l’obligeant à employer la force, mais avec une certaine désillusion. Ici, du début jusqu’à la fin, notre redresseur de torts avancera tel un monolithe tout voué à la justice et la vérité.
Alors, aucun procès n’est à faire à Claudio Cassinelli pour autant, car il est ici très bon. Dans un rôle d’ailleurs assez proche de la superbe « Lame infernale » de Dallamano avec lequel « La police a les mains liées » entretient également quelques similitudes scénaristiques (le tueur en série dézinguant on ne sait trop pour quel motif et au service de quelle instance supérieure, une enquête sapée), en même temps qu’une superbe composition de Stelvio Cipriani dont on dirait la sœur jumelle.



Si le film d’Ercoli possède les défauts évoqués ci-dessus, il n’en demeure pourtant pas moins un fort bon spectacle du genre. Il regorge de bonnes scènes et de bonnes idées. L’explosion reste un moment assez réaliste en même temps qu’hallucinant. La manière dont la caméra d’Ercoli s’attarde sur les victimes contribue à toute l’atmosphère assez nauséeuse qui ne quittera plus, dès lors, la pellicule. Paradoxalement, elle rejoint aussi l’impression laissée par le traitement du personnage principal, et on peut avoir le sentiment de se retrouver parfois devant un film réalisé par un journaliste tombant dans le sensationnalisme. Passons, après tout, puisque cela marche et que je vous ai déjà suffisamment saoulé avec ça plus haut.
L’idée du tueur en série (Giovanni Cianfriglia : quelle gueule !) permet de relancer le film chaque fois que les bavardages d’investigations prennent le dessus. Elle donne au film, sinon sa force, en tout cas son rythme.
Certains personnages sont également un peu plus fouillés qu’ils n’y paraissent et se dévoilent petit à petit au grand jour. On est content de retrouver Francesco D'Adda, un acteur rompu au genre (« Justice sans sommation » de Stelvio Massi, « La rançon de la peur »…), en substitut du procureur, mais celui qui étonne le plus est Arthur Kennedy dans un rôle à contre-emploi de procureur, surtout qu’on l’avait quitté en Don Vito dans le « Ricco » de Tulio Demicheli. Tour à tour buté, ancré dans des méthodes d’un autre temps puis désabusé, il hante le film de sa lasse présence, comme un fantôme du passé et comme si tout cela était écrit depuis le début. Sa prestation, additionnée à celle de Claudio Cassinelli, fait des merveilles.
Bref, si « La polizia ha le mani legate » est un film un tantinet inégal ou contradictoire dans ses intentions, le fait est qu’il s’agit d’un spectacle très honorable, sachant garder le rythme et tenant si bien ses acteurs qu’il finit par convaincre.

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Dernière édition par mallox le Ven Déc 10, 2010 7:30 am; édité 2 fois
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flint
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MessagePosté le: Lun Mar 08, 2010 7:55 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Un polar que j'aime beaucoup, pour son atmosphère, sa musique, et Claudio Cassinelli. Il a les qualités et les défauts évoqués justement par Mallox, je rejoins ses propos en tous points. Je ne me lasse pas de revoir le teaser, avec le rituel de Cassinelli lorsque le réveil sonne, le lever énergique, la baignoire, la lecture de Moby Dick, et puis la concierge qui se moque gentiment du flic en évoquant sa voiture pourrie.



Sans oublier le titre français qui tue :

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mallox
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MessagePosté le: Mar Mar 09, 2010 10:12 am    Sujet du message: elle me suce les mains liée Répondre en citant

flint a écrit:


Sans oublier le titre français qui tue :



Ah oui merci pour ça ! J'ai oublié de le prendre en capture sur le transfert de l'édition super video (ayant prise les captures sur l'édition italienne). J'adore.
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Camif
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MessagePosté le: Mar Mar 09, 2010 11:22 am    Sujet du message: Répondre en citant

Grand ça.
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John Pipo
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MessagePosté le: Jeu Mar 11, 2010 4:57 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Oui excellente analyse de Mallox. Comme Flint, je le rejoins sur tous les points.
Mais je préfère la musique de La Lame Infernale même si les deux se ressemblent.
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