Bigbonn Psycho-cop
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Posté le: Mar Aoû 14, 2012 8:53 am Sujet du message: [M] [Critique] Zatoïchi (19) - Les tambours de la colère |
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Zatoïchi (19) – Les tambours de la colère
Japon - 1968
Genre : chambara.
Réalisation : Kenji Misumi.
Interprétation : Shintaro Katsu, Yoshiko Mita, Makoto Sako, Ko Nishimura, Takuya Fujioka, Chocho Miyako.
Zatoïchi et Shin, un autre yakuza errant, pour respecter le code d’honneur de leur confrérie, se rendent auprès d’Unokichi afin de lui réclamer les 30 pièces d’or qu’il doit au parrain local qui les héberge, le fourbe Kumakichi. Mais, le débiteur ne se laissant pas impressionner, les sabres se mettent à parler et Ichi, après une brève exhortation l’invitant à se rendre, le tue au cours d’un combat aussi bref qu’efficace. Survient alors Osodé, la sœur d’Unokichi, porteuse de la somme qu’il devait rembourser. Quand les hommes de Kumakichi s’emparent d’elle, Ichi comprend que les 30 pièces n’étaient pas le véritable enjeu de cette histoire mais que la manœuvre avait pour but de ravir la jeune femme afin de la livrer à un riche marchand. Dupé par ce parrain qui ne respecte pas les règles qu’il invoque pourtant, Zatoïchi décide de contrecarrer ses projets et se place en protecteur de la belle Osodé, dont il se sent redevable. Ce couple improbable prend ensuite la direction de Suwa, où vit la tante d’Osodé, une route qui les verra se rapprocher peu à peu mais qui se révèlera pleine de dangers, entre les hommes de Kumakichi lancés à leur poursuite, Kashiwazaki, un ronin sans scrupule que les charmes d’Osodé ne laissent pas indifférent et qui a envie de se confronter aux talents de sabreur du masseur aveugle, et les tambours du temple de Suwa qui désorienteront Ichi en perturbant son ouïe...
Ce 19ème épisode est signé Kenji Misumi, qui avait lancé la série, et on y retrouve la plupart des éléments qui en font le charme : une histoire classique et bien écrite ; un Ichi non dénué d’humour et toujours aussi talentueux l’arme à la main ; des rencontres marquantes, avec le sympathique Shin, d’une part, mais, surtout, avec la belle Osodé ; un adversaire particulièrement redoutable, en la personne du ronin Kashiwazaki, qui débouchera inévitablement sur un duel sans réelle surprise (puisqu’il y eut 26 films pour cette saga, on imagine facilement qui en est le vainqueur) mais toujours aussi efficace. La mélancolie propre au personnage de Zatoïchi, aveugle condamné à l’errance et à la solitude, n’est pas oubliée, notamment sur la fin du long-métrage, le faisant se terminer, comme souvent, sur une tonalité douce-amère assez caractéristique.
Pourtant, s’il est classique et se suit avec plaisir, il n’en constitue pas l’un des sommets. La faute, peut-être, à deux ou trois séquences un peu tragi-comiques à moitié réussies : lorsque ce joueur invétéré d’Ichi met son sabre en gage et triche au jeu pour se retrouver dans un ballot de paille à la merci de ses adversaires, on rit de ses réactions, tout en trouvant cela un peu à côté de la plaque ; tout comme lorsque il est lancé sur un cheval au galop qu’il est bien incapable d’arrêter et qu’il finit par en chuter, on reste quelque peu dubitatif... Dans ces deux cas, on est à la limite (surtout dans la scène du ballot de paille) de ridiculiser le personnage et de lui faire perdre toute crédibilité. Contrairement à une autre séquence, autrement marquante et pourtant elle aussi au début humoristique, lorsqu’Ichi démontre ses talents dans un stand de fête foraine du type chamboule-tout, faisant rire Osodé avant qu’elle ne rapproche ce jeu de l’exécution de son frère, la précision dans le geste de cet aveugle sympathique le rendant alors totalement repoussant à ses yeux. Là, pour le coup, une très belle séquence mettant en évidence l’ambiguïté de leurs rapports.
Au rayon des qualités de cet épisode, outre cette relation forte avec Osodé, on retiendra quand même toutes les scènes de combat, très réussies, Ichi affirmant de plus en plus son caractère de vengeur sans perdre pour autant son humanité, la noirceur du personnage le plaçant cependant de plus en plus dans une position de redresseur de torts expéditif. Et on n’oubliera pas ce personnage féminin et sa place dans la société féodale qui sert de cadre à l’action : objet de désir, objet monnayable, victime des hommes (de son frère, du parrain local, de celui qui tient les maisons closes de Suwa) à l’exception de celui qui, comme les femmes mais à cause de sa cécité, est souvent déconsidéré par la gente masculine, voire méprisé ou insulté. « L’aveugle de mes deux », insulte suprême dont l’auteur fait rarement long feu, n’est pas qu’un sabreur hors-pair, c’est aussi un grand sentimental à la pudeur infinie, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités et participe beaucoup à la construction de son mythe.
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