Change pas de Main
Genre: Porno , Polar
Année: 1974
Pays d'origine: France
Réalisateur: Paul Vecchiali
Casting:
Hélène Surgère, Jean-Christophe Bouvet, Myriam Mézières, Howard Vernon, Sonia Saviange, Liza Braconnier, Nanette Corey, Mona Heftre, Dominique Erlanger, Noël Simsolo, Michel Delahaye, Marcel Gassouk, Françoise Giret, Claudine Beccarie, Jean Droze, Lisbeth Heulle, Jacques Gateau, Natacha Karenoff, Andrew Moore...
 

Madame Bourgeois, femme importante du milieu politique parisien sur le point de décrocher une place de ministre, se voit victime d'un chantage. En effet, elle reçoit des pellicules de films pornographiques dans lesquels son fils s'adonne au genre comme jamais. Inquiète, elle convoque Mélinda, détective de choc qui, au côté de sa compère Natacha, va tenter d'élucider le mystère. D'une boîte louche, "Le Shanghai-Lily", à des recoins parisiens de plus en plus secrets, d'un travesti nécrophile à un mime étrange, ces dernières vont se voir embarquées dans un monde aux mille et une facettes et où les risques pris se paient de sa propre vie... Un monde qui ne changera sûrement pas demain.

 


"Change pas de main" est un film à prendre avec des pincettes, que l'on peut juger à la va-vite par manque de compréhension et laisser de côté à cause d'une originalité bien trop "hors-normes" pour qu'elle puisse susciter un réel intérêt au sein du "grand public". L'essentiel est de se dire qu'il ne manquera pas d'en séduire certains, à commencer par vous, bisseux adeptes de curiosités en tous genres. A la fois parodie de polar décalée et film érotique léger, "Change pas de main" est aussi et avant-tout un petit porno masqué et partouzard de grande classe. Pour une commande, il faut avouer que Paul Vecchiali s'est amusé comme un fou et qu'il s'est laissé aller à jongler sans aucun complexe avec les genres, les teintant au passage d'une ironie propre à celle d'une certaine Nouvelle Vague qu'il affectionnait tout particulièrement. Dérision pouvant par ailleurs rebuter si ce n'est déplaire et qu'il transmet soit par une mise en scène dépouillée de tout superflu, soit par des ellipses osées qu'un style de dialogues très "théâtral" ne fait qu'appuyer. L'écriture de ce film possède en effet un côté "peu commun", "neuf", un côté qui est celui des OFNI, ces films indescriptibles qui pourtant fascinent, laissent sur le banc de touche le temps d'une séance les règles et les nombreuses langues du cinéma (sans pour autant s'éloigner des codes clés de ce dernier) pour mieux les élargir et les comprendre en leur offrant un peu de réelle audace et finalement, de rêve. De rêves même, pour être plus juste, puisque le film n'est qu'une douce histoire des plus improbables prenant forme par le biais de séquences quasi-surréalistes et oniriques, même burlesques, et où tout semble fait pour s'éloigner du rationnel.

 


Les mains dans son grand imper blanc, Myriam Mézières s'éloigne dans la brume matinale parisienne. Voici une scène qui résumée comme cela ne semble pas plus originale qu'une autre mais qui en fait, en plus de se présenter comme très spontanée, s'impose comme un hymne à notre belle détective tant la douceur en émanant correspond au caractère de son personnage, la pellicule respirant alors de par ce fait une certaine pureté et un naturel propre au meilleur que puisse faire naître le cinéma. Au même titre, la séquence du meurtre précédant la propre mort de l'assassin fait partie, malgré un apparent classicisme, de ces moments totalement barrés car épris d'une bravoure rarement vue dans le cinéma français; et en plus, se voit interprétée par des comédiens en totale roue libre, semblant diriger le rythme du film et donc ici, en définitive, la mise en scène. L'adéquation entre les acteurs et le réalisateur reflète ici au mieux cette parfaite homogénéité entre la forme et le fond du film. Paul Vecchiali, en filmant de la sorte, paraît donc être un poète de l'instant, qui a su imprégner son film d'une justesse qu'il faut quand même qualifier de "fragile", puisque saisir la beauté dans la chose la plus banale ou le plan le plus commun, ça ne s'improvise pas et c'est bien comme cela qu'il a su créer un nouveau rythme qui pourra sembler pour beaucoup "à côté" ou mal dosé, mais qui est en fait celui d'un cinéma différent mais bel et bien concret; et tout cela pour ensuite voir son film "ixé" après tout juste une semaine d'exploitation. "Change pas de main" est en effet le premier hard-core français à se payer le luxe des salles de cinéma, juste avant "Exhibition" de Jean-François Davy (ici producteur) , qui déchaînera les petits critiques du Festival de Cannes. "Change pas de Main", en 1974, se pose donc en générateur de l'Age d'Or du X même s'il n'entretient que très peu de similarités avec ce dernier.

 


Pour en revenir au côté hard-core du film, on pourra dire qu'il est assez discret, s'insérant dans le rythme de l'œuvre sans pour autant le casser et, de part la photographie et le fond "intello" de ce dernier, porte un discours très intéressant sur l'avenir de la pornographie, oscillant entre la parodie et la satire, si ce n'est l'accusation. Par exemple, il se trouve que les scènes de partouzes possèdent un grain volontairement abîmé, voir sali, comme si Paul Vecchiali avait voulu annoncer au spectateur que pour lui, la pornographie, genre ô combien "maltraité" à contrario de l'érotisme, était une catégorie condamnée au ghetto. A l'inverse de l'érotisme oui car, comme on peut le voir dans le film, ce dernier est ici très propre, très bien conçu, avec une lumière travaillée et presque superficielle certes mais qui au final, s'avère détentrice des codes érotiques, les manipulant au mieux pour enfin se montrer comme l'un des meilleur qui ai été réalisé. On pourra donc penser que Paul Vecchiali s'est appliqué à clamer à haute voix les pensées encore "muettes"de l'époque qu'étaient celles des futurs spectateurs qui pour la plupart, ayant du goût ou non pour, dénigreront la pornographie.

Bref, dans "Change pas de main", les bisseux curieux admireront aussi un excellent Howard Vernon ("L'Horrible Docteur Orlof") et une Myriam Mézières plus que jouissive en son habit d'Humphrey Bogart. En lesbienne têtue comme une mule avec un regard plein de malice enfantine, elle incarne Mélinda, nouvelle et surtout véritable femme fatale du cinéma. Pour les plus observateurs, c'est aussi l'occasion d'apercevoir, dans la seule et unique scène de partouze du film (qui est en fait reprise et dispatchée tout au long du film), Claudine Beccarie, dont le sourire illumine cet ensemble de chair pénétrante. On croisera aussi entre autres, Hélène Surgère qui tourna de nombreuse fois avec Paul Vecchiali et dans le célèbre "Salo ou les 120 journées de Sodome" de Pier Paolo Pasolini, et un Marcel Gassouk extraordinaire en mime se faisant les questions et les réponses.

 

 

Si on y ajoute la formidable et poignante B.O de Roland Vincent, "Change pas de main" est un film culte, une sorte d'hallucination montrant ce qu'aurait pu être et ce que fut rarement par la suite le cinéma adulte pour adulte si la loi X n'avait pas vu le jour, et que n'importe quel cinéphile se devrait d'avoir dans sa collection, à défaut de l'avoir vu. Jouant au passage avec les faux-semblants du milieu friqué et bobo de la capitale française et le passé peu glorieux de la France (la guerre d'Algérie est de mise), ce métrage est un film touche à tout, apte à alimenter de nombreux débats et à inspirer cinéastes et acteurs. De toute manière, la question de fond restera la même: Paul, t'es gaucher ou droitier?

 

The Hard
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