United Red Army
Titre original: Jitsuroku rengô sekigun: Asama sansô e no michi
Genre: Drame , Historique
Année: 2008
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Koji Wakamatsu
Casting:
Maki Sakai, Arata, Akie Namiki, Go Jibiki, Anri Ban...
 

Au cours des décennies 60 et 70, le Japon, comme de nombreux autres pays, connut des troubles politiques qui s'exprimèrent parfois de façon extrême, sous la forme d'une lutte armée plus ou moins organisée et toujours revendiquée par des groupuscules agissant "au nom du peuple" (qui a bon dos).

La présence de bases américaines sur le sol nippon, à Okinawa en particulier, fut l'un des terreaux sur lesquels prospérèrent ces luttes. La contestation étudiante, sur les tarifs de l'université par exemple, mais aussi, plus largement, sur la vie sociale, économique et politique, en fut un autre. Dans les marges des manifestations organisées, dans les replis des partis déclarés, dans les fissures des idéologies d'extrême-gauche, des individus isolés s'unirent, s'allièrent, prirent la route merveilleuse de la révolution et des lendemains qui chantent.

En fait de route, il s'agissait plutôt d'une large impasse, pavée de bonnes et de moins bonnes intentions, éclairée par des penseurs souvent obscurs et à la dialectique ne cassant pas des briques. Un chemin tortueux où l'ennemi premier (l'impérialisme et les "forces dominantes") fut souvent oublié et remplacé par des amis devenus contre-révolutionnaires, réactionnaires, ou déclarés tels. Dans l'impasse de la révolution triomphante, les luttes furent plus souvent fratricides que bourgeoisicides (si vous me permettez ce néologisme).

 

 

Wakamatsu, par ailleurs connu pour son embryon parti braconner et pour être un réalisateur fervent de pinku-eiga, est suffisamment vieux pour avoir vécu cette période, et suffisamment passionné pour la restituer dans son intégralité brute, brutale même, pour être tout à fait juste.

Après une première demi-heure faite de nombreuses archives et de plans de coupes restituant le contexte de l'époque, après nous avoir présenté une foultitude de personnages et les partis auxquels ils se rattachent, Wakamatsu se concentre sur ce qui deviendra l'United Red Army, à savoir un regroupement de la FAR (Fraction armée rouge japonaise) et du FRG (front révolutionnaire de gauche) et à sa dérive lente et suicidaire au cœur des montagnes.

Car le comble de ces révolutionnaires est d'avoir fait régner la terreur en priorité sur eux-mêmes. De s'être copieusement vilipendés et d'avoir réussi à devenir tellement paranoïaques et sectaires qu'ils se sont entretués. Mus par des idéaux plus ou moins affirmés, par un romantisme exalté propre à leur âge (une petite vingtaine d'années) et par une volonté affirmée de changer le cours des choses (ce qui , en soi, est tout à fait légitime), les protagonistes de cette armée rouge unie (sic), pourchassés par la police pour des coups d'éclats plus ou moins glorieux (à leurs yeux tout au moins), ont décidés de partir se réfugier à la montagne et de s'y entraîner à la lutte finale.

 

 

Là, sous la direction de Mori (pourtant un ancien "déserteur" de la FAR) et de Nagata (qui règne sans partage sur le FRG), s'est installée petit à petit une atmosphère tendue et délétère, une tension de plus en plus palpable et même, assez rapidement, un climat d'auto-destruction. Très vite, celui qui ne trouvait pas grâce aux yeux de Mori ou de Nagata dut faire son autocritique, exercice délicat où l'on en dit trop ou pas assez, ou tout ce que vous direz risque de se retourner contre vous mais où tout ce que vous ne direz pas aussi.

Faire son autocritique, quand on est membre d'un groupuscule révolutionnaire, deviendra vite un leitmotiv pour les chefs de l'URA, complètement déconnectés de la réalité, véritables tyrans miniatures, leur permettant d'asseoir leur pouvoir sur une petite vingtaine de membres en faisant des exemples à l'aide de tabassages en règle et de privations. Un régime tellement sévère que, rapidement, les membres décrétés déviants finiront par mourir sous les coups, lorsqu'ils ne seront pas tout simplement condamnés à mort et exécutés.

C'est à ce spectacle à la fois fascinant et consternant d'un groupe d'hommes et de femmes s'enfonçant dans une dérive sectaire et totalitaire que Wakamatsu nous invite. Il met en scène des individus souvent intelligents, dont pas mal de jeunes universitaires, des gens qui ont une réflexion sur le monde tel qu'il va (ou tel qu'il ne va pas), qui renoncent à toute volonté propre pour suivre des chefaillons aussi bornés que dangereux et s'égarent totalement dans des délires mortifères.

Les plus courageux choisiront la fuite (la désertion, diront Mori et Nagata), le retour à la civilisation, loin de la folie régnant dans ces cabanes au fond des bois.

 

 

Les trois heures que durent le film (un peu difficile à suivre au début tant il y a de personnages, de lieux ou d'événements présentés, qui plus est peu familiers pour nous), retracent le parcours de jeunes gens prometteurs, à la vie gâchée, perdus qu'ils sont dans les replis brûlants de la guerre froide. Quand Nixon se rendra en Chine, ils ne seront, pour le coup, pas les derniers à être stupéfaits de ce grand écart idéologique perpétré par les dirigeants chinois et américains.

La dernière partie de United Red Army est aussi l'une des plus intéressantes, un aboutissement en quelque sorte, le résultat de ce parcours absurde : un siège, au sein d'un refuge montagnard. Le siège de 5 membres restants par des bataillons de flics, un siège perdu d'avance vu les forces en présence, la preuve s'il en fallait encore une que l'objectif inconscient de ces groupuscules gauchistes était bien plus nihiliste que progressiste.

Tirés de faits réels, tous les événements racontés laissent perplexes et peu optimistes par l'écho qu'ils trouvent aujourd'hui. Si les groupuscules se revendiquant du communisme se sont raréfiés au fil du temps (ce qui peut surprendre en pleine période de crise économique et de religion du fric tout-puissant), on a, aujourd'hui encore, des gens prêts à se ruer dans des impasses sanglantes, des jeunes en particulier, prêts à rejoindre des camps d'entraînement, prêts à suivre des chefs sanguinaires et des ordres suicidaires, au sens propre du terme d'ailleurs. Hier, c'était le combat révolutionnaire qui tenait la corde, aujourd'hui, c'est l'islamisme.

Et demain ?

 

 

Bigbonn

 

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