Audrey Rose
Genre: Fantastique
Année: 1977
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Robert Wise
Casting:
Anthony Hopkins, Marsha Mason, John Beck, Susan Swift, Norman Lloyd...
 

Un paysage désolé sous la pluie, une voiture, une femme, une fille sur la banquette arrière, sans doute la sienne, le silence... le silence à travers lequel s'immisce le seul bruit des essuie-glaces, une fausse manœuvre, la voiture fait une embardée, se retrouve face à une autre, l'accident est fatal, la voiture fait plusieurs tonneaux puis prend feu. Tout laisse à penser que les deux femmes sont mortes. Onze années passent...

La famille Templeton semble être une famille sans histoires, heureuse et unie. Celle-ci s'en va se promener par une belle journée ensoleillée. Il y a le père, la mère et Ivy. Mais les parents ne tardent pas également à déceler la présence d'un étranger, un homme à la barbe drue, qui semble les suivre partout où ils vont. Que cherche-t-il ? L'absence de revendication, le fait qu'il reste constamment tapi dans l'ombre, le rend menaçant. La famille alerte la police, celle-ci ne peut rien faire tant que l'homme reste à distance, tant qu'il n'est pas physiquement menaçant. Sa présence distille une angoisse de plus en plus aiguë et sourde, mais voilà que l'homme aborde Janice Templeton, puis propose au couple une rencontre sans Ivy, dans un restaurant, au calme, afin de leur expliquer la raison de sa présence dans leurs parages.

Les choses s'éclaircissent alors, si l'on peut dire : il s'appelle Eliott Hoover. Ce qui l'amène ici à les suivre ? Des années d'investigations. Ivy serait habitée par l'âme de sa fille, Audrey Rose, morte onze ans plus tôt dans l'accident évoqué plus haut. Tout cela ferait sans doute rire les Templeton, si ces dires n'étaient pas étayés par des faits, mais Ivy est née le jour et à l'heure exacte du décès d'Audrey. Hoover leur fait des descriptions on ne peut plus précises et exactes de ce qu'il n'a jamais vu, et de son côté Ivy est en proie à d'abominables cauchemars dans lesquels elle semble revivre l'accident d'Audrey. Hoover n'a qu'une revendication : se rapprocher d'Ivy, que les Templeton le laissent s'approcher d'elle et de l'âme de sa fille défunte. Certaines choses doivent selon lui être faites afin que la fillette retrouve stabilité. Difficile à croire, et même voudraient-ils le croire qu'ils ne le pourraient pas, les Templeton vont porter plainte.

 

 

Mal aimé, taxé trop vite de livraison mineure au sein de sa riche filmographie, "Audrey Rose" n'est pourtant pas loin d'être une splendide réussite. Si le film de Robert Wise n'en est pas tout à fait une, c'est qu'il se divise en deux parties (trop) distinctes qui ne se valent pas.

On rappellera tout d'abord qu'il ne s'agit pas là de la première incursion du réalisateur au sein du film fantastique ou horrifique, si l'on doit du reste considérer celui qui nous préoccupe comme tel, au lieu d'un simple fait divers neutralement relaté. "La malédiction des hommes-chats", "Le récupérateur de cadavres", "Le jour où la terre s'arrêta", "La maison du diable", "Le mystère Andromède" ou même encore "Star Trek II" témoignent tous, en tout ou partie, d'un indéniable savoir-faire en la matière. Wise est un touche-à-tout habile, à la sensibilité toute personnelle et dont la solidité de la mise en scène ne se dément que très rarement. Ce que l'on vérifie encore une fois dans cette livraison de 1977, basée sur le roman à succès de Frank De Felitta qui, pour le coup, l'adapte pour le grand écran. Scénario du reste extrêmement solide, derrière lequel semble s'éclipser, avec l'intelligence de l'expérience, Robert Wise. D'ailleurs, si le film fut taxé d'exploitation de "L'exorciste", il n'en est franchement rien non plus.

 

 

Pas de possession démoniaque ici, ni d'effets outranciers, et les deux films n'ont définitivement rien à voir, ni dans leurs fondamentaux ni dans leur approche cinématographique. Laissons donc ça de côté, pour dire combien la première heure de "Audrey Rose" est réussie. Tout d'abord, les personnages sont formidablement bien écrits, fait assez rare au sein de ce genre de production, et portés par des acteurs absolument épatants et même époustouflants pour certains. Si John Beck ("Rollerball") est quelque peu laissé pour compte, ce que l'on pourra trouver dommage à bien y réfléchir, vu le rôle qu'il a à jouer dans le rôle d'un père délesté spirituellement de sa propre paternité, il n'en est rien pour Marsha Mason et Anthony Hopkins, tous deux admirables de présence et d'investissement. Difficile d'oublier certaines scènes du film, et elles sont finalement assez nombreuses à laisser trace longtemps après sa vision. Que ce soient toutes les scènes du début, dans lesquelles Hoover est une figure anonyme omniprésente, en train d'épier les habitudes de la famille Templeton, des scènes brillantes de dialogues qui le sont non moins, sacrifiant le spectaculaire pour la suggestion mais qui ne cessent d'intriguer, d'interpeler pour finir par nous mettre dans la peau des parents complètement désarçonnés par ce qui semble pourtant être des faits, mais aussi ces scènes dans lesquelles Ivy fait des cauchemars. Des scènes éprouvantes, déstabilisantes, et pour tout dire d'autant plus puissantes qu'elles ne portent en elles jamais rien de palpable. A ce titre, l'interprétation de Susan Swift confirme le talent de directeur d'acteurs de Wise, tant elle demeure crédible tout du long, dans un rôle pourtant ardu. Etonnante cette faculté à créer une tension palpable et remplie d'effroi à partir d'un simple cauchemar sensé représenter un accident passé. C'est un véritable tour de force que les interprétations satellites (Beck, Mason et Hopkins) achèvent de rendre crédible et, il faut bien le dire, il n'y a aucune faille dans la manière dont Robert Wise agence son intrigue pour en faire un tout homogène, limpide et puissant. Il se crée petit à petit une empathie pour chaque personnage, que nous apprenons à connaître et dont nous ressentons les peurs, qui demeure assez stupéfiante. Bref, il n'y a pas grand-chose à jeter dans la première partie du film.

 

 

Hélas, si le scénario original semble inspiré de faits réels, c'est dès lors qu'il opte pour une approche plus rationnelle que le film perd de sa belle intensité, se rapprochant alors du fait divers à base de procès plutôt platement filmé. Platement filmé, car Wise reste toujours en retrait par rapport à un support scénaristique plus cartésien, et il ne parvient alors plus à intriguer comme c'était le cas au préalable. Soit, l'on ressent bien les enjeux en cours mais l'histoire n'a alors plus rien d'étonnante, et le film se perd alors en bavardages qui ne font que répéter ce que l'on pressentait déjà. Du coup, le rythme en pâtit fortement et durant plus d'une demi-heure, le spectacle se fait plus languissant et surtout moins percutant. Soit, Hoover tente de montrer que Ivy est bien sa fille ou plutôt que sa fille Audrey vit en la jeune Templeton, mais on s'oriente vers des explications jamais totalement fouillées sur la réincarnation et sur certaines croyances indous à ce sujet. Les enjeux se déplacent alors vers d'autres qui semblent bien moins importants, à savoir qui de Bill Templeton ou d'Elliot Hoover va remporter la partie et pouvoir revendiquer la véritable paternité d'Ivy/Audrey. Cela paraît à la fois secondaire autant qu'un peu désuet par rapport au thème même de la réincarnation ou de la possession d'un corps par une autre âme. Heureusement encore que les acteurs sauvent la mise, en premier lieu Marsha Mason, dont on ressent les doutes autant que les stigmates de peur et de douleur semblant s'imprégner véritablement sur son visage au fur et à mesure que le film progresse. Durant ce temps, l'on commence à se désintéresser du duel Templeton/Hoover, trop mis en exergue. Bref, c'est la partie la plus faible et quitte à me répéter, il est bien dommage que l'histoire prenne alors ce chemin de traverse tandis que l'enjeu véritable, celui qui nous concernait vraiment jusque là, se voit quasiment relégué au second plan.

 

 

Néanmoins, aidé par une formidable partition toute en digressions sonores de Michael Small ("Klute", "Marathon Man"), il parvient à maintenir le cap jusqu'à un final dans lequel toute la tension retenue jusqu'alors éclate en un cauchemar sous hypnose de la jeune Ivy, ce, dans une scène renversante. Chacun des protagonistes donne alors tout ce qu'il a dans les tripes, et au film de reprendre finalement avec maestria, là où il nous avait laissé à mi-parcours. Sans vouloir dévoiler ce par quoi "Audrey rose" se conclut, disons tout simplement que le spectacle redevient remarquable, et si les acteurs semblent donner tout ce qu'ils ont, le final prend au tripes, tant et si bien qu'on pardonne en partie la longue demi-heure que l'on vient de subir. Bref, pour résumer, "Audrey Rose" reste donc une semi-réussite, qui arbore des airs supérieurs dans sa première partie, piétine laborieusement dans sa deuxième, pour culminer enfin dans la dernière (même si le clou du spectacle n'atteint pas, à mon sens, l'étrangeté et la puissance du début), formant un tout inégal, donc, mais fortement conseillé. Et quand bien même l'ensemble ressemblerait à une partition trop classique d'un cinéaste qui l'est non moins, ce classicisme ne fait ici que renforcer une intensité rarement égalée pour certains passages. Ce n'est certes pas "L'exorcisme selon Emily Rose", venu récemment emprunter ici un certain nombre d'ingrédients, qui viendra contredire cela.

 

 

Mallox
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