Bataille d'Alger, La
Titre original: La battaglia di Algeri
Genre: Drame , Historique , Guerre , Document
Année: 1965
Pays d'origine: Italie / Algérie
Réalisateur: Gillo Pontecorvo
Casting:
Brahim Hadjadj, Jean Martin, Sarnia Kerbash,Yacef Saâdi (rédacteur du récit à l'origine du film),...
 

- 7 octobre 1957 à Alger : Ali la Pointe, un des chefs du F.L.N.; est surpris chez lui avec trois de ses compagnons de lutte par les parachutistes français du colonel Mathieu. Ali se remémore les évènements des trois années écoulées. 1954 : petit délinquant, Ali vient de sortir de prison. Après une épreuve par laquelle il doit montrer son obédience à la cause - Il reçoit l'ordre d'abattre un policier avec une arme dont il saura plus tard qu'elle n'était par chargée -, il rejoint la direction de la lutte.

 

 

- 1er novembre 1954 : le F.L.N. s'attache à débarrasser la Casbah du vice et de la corruption pour en faire le réduit pur et dur de la résistance. Drogués, prostituées et personnages douteux sont impitoyablement pourchassés ; c'est ainsi qu'Ali se charge de supprimer une tenancière de bordel.
- 2 novembre 1954 : des extrémistes européens, auxquels se sont joints des responsables de la police, saccagent le camps retranché. En représailles, le F.L.N. déclenche une campagne d'actions terroristes aveugles, chargeant de jeunes algériennes de déposer des bombes dans plusieurs lieux publics fréquentés par les européens.
- 10 janvier 1957 : le gouvernement français riposte en envoyant les parachutistes, follement acclamés par la foule des pieds-noirs. Le colonel Mathieu décide de "nettoyer" la Casbah et de briser le F.L.N. en reconstituant son organigramme, s'il le faut par la torture. Le front algérien impose la grève générale pour attirer l'attention internationale sur sa lutte. La tactique du colonel Mathieu s'avère payante : le piège se resserre autour des chefs rebelles. Les uns après les autres, ils sont capturés et exécutés. Seul Ali est parvenu à glisser à travers les mailles du filet. Traqué sans répit, il tente de réorganiser le Front mais un de ses hommes est capturé : sous la torture, il révèle la cachette de son chef.
- 7 octobre 1957 : acculé dans son réduit avec ses camarades, Ali refuse de se rendre. Les français font sauter la cache : le mouvement semble écrasé. trois ans plus tard, les drapeaux du F.L.N. resurgissent au cours d'une manifestation de masse du peuple algérien contre la France...

 

 

Longtemps interdit par la censure officielle et détesté par les sympathisants de l'extrême droite française, La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo est une coproduction italo-algérienne qui associe, à l'instar des méthodes chères au néoréalisme, comédiens professionnels et acteurs amateurs. Pour renforcer son aspect réaliste, le film fût tourné dans la Casbah d'Alger, caméra à l'épaule et les combattants survivants de la Bataille d'Alger de 1957 ont même servi de conseillers techniques. Ceux qui ont imaginé le film voulaient probablement élever un monument cinématographique à la gloire d'un peuple en lutte pour son indépendance.
Classique, la structure narrative suit le déroulement des évènements dans leur ordre chronologique, des premiers et très durs affrontements avec l'armée jusqu'à la grève qui déverse dans les rues d'Alger des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants pour une manifestation imposante. Entre ces deux pôles, qui marquent le début et la fin de combats difficiles, de défaites ponctuelles et de lourdes pertes, le mouvement clandestin arrive peu à peu à maturité, rompt son isolement initial et se transforme en une force capable de mobiliser les masses populaires.

 

 

Ainsi résumé, La bataille d'Alger apparaît comme un film où les aspects les plus évènementiels s'inscrivent dans une perspective dynamique de l'Histoire. A partir de l'anecdote, fidèlement reconstituée, ce sont les grandes lois qui président aux tournants décisifs de l'Histoire que le film cherche à mettre en évidence. On est ici assez près de la démarche d'Eisenstein dans "La grève" (Stachka, 1925), dans Le cuirassé de Potemkine, (Bronenosez Potemkin, 1925) et dans "Octobre" (Octjabre, 1927) : La bataile d'Alger se veut en effet épopée didactique. Didactique, il l'est par sa volonté d'atteindre un degré de généralisation conceptuelle et émotionnelle, pour amener un public à prendre conscience d'un phénomène historique. Epique également par la fonction "chorale" qu'il donne au peuple.
S'il avait failli à son ambition, nul doute que le film de Gillo Pontecorvo n'aurait été qu'un film de propagande historique et patriotique, sans grand intérêt. La bataille d'Alger prend bien sûr parti pour la cause algérienne, mais n'hésite pas à montrer ce que toute guerre a de tragique et de cruel ; il sera d'ailleurs accusé par certains de faire preuve de trop d'indulgence à l'égard des français.

 

 

Avec ce film, le réalisateur Gillo Pontecorvo est parvenu au sommet de sa carrière artistique qu'il avait entamée par le biais du documentaire. On sent d'ailleurs cette formation de documentariste dans le style dépouillé et nerveux du film ; un style finalement conforme aux préceptes de l'enseignement rossellinien et renforcé par la photographie, en noir et blanc, de Marcello Gatti, qui n'est pas sans rappeler celle des actualités cinématographiques. Dénué de tout manichéisme (pourtant si conspué à l'époque par certains critiques, dans un élan de chauvinisme se rapprochant dangereusement d'un nationalisme de masse à la fois mimétique et revanchard - et puis il raflât contre toute attente le Lion d'or de venise, toute destinée de prime abord aux très attendus Robert Bresson et François Truffaut - d'ailleurs, "Kapò", son précédent film se passant dans les camps de concentration attira les foudres de certains chefs de file de la nouvelle vague(*)-), expurgée de toute complaisance présente en général dans ce genre d'entreprise casse-gueule où ne pas s'enflammer reste du domaine de la pure délicatesse et même de l'exercice du funambule, d'autant plus, pour un sujet d'actualité alors chaud sinon brûlant, La bataille d'Alger demeure encore à ce jour un mariage remarquable entre documentaire et fiction dont son réalisateur n'a jamais réussi ensuite à en retrouver l'alchimie ("Queimada").

 

 

Mallox



En rapport avec le film :

#  Le gouvernement français a tout fait pour empêcher, sans succès, que ce film fasse partie de la sélection officielle du Festival de Venise de 1966.
Voici un extrait d'une chronique du critique Jean-Louis Bory, publiée dans le Nouvel Observateur du 14 septembre 1970 :
"On mesure la stupidité de l'interdiction qui pèse depuis 1966 sur ce film. Il faut avoir la cervelle coincée par une médaille militaire ou par des nostalgies compréhensibles mais désormais anachroniques pour étiqueter ce film comme francophobe."
Banni pendant 5 ans en France, ce n'est qu'en 1971 qu'il a pu être visionné grâce aux efforts de Louis Malle.

#  "La bataille d'Alger" n'obtient finalement son visa d'exploitation en France qu'en 1971. Et à quel prix : à sa sortie, le Saint-Séverin, qui affiche le film à Paris, est plastiqué. Le film est ensuite retiré des écrans. Puisse t-on parler de censure ou non, toujours est-il qu'il ne refera surface en France qu'en 2004, lors d'une ressortie au cinéma, ainsi que grâce à un passage télé sur la chaîne Arte. En effet, Le 27 août 2003, le pentagone américain convie des officiers d’état-major et des civils à une projection privée... Confronté à la guerre en Irak, le pentagone souhaite alors "provoquer une discussion informée sur les défis auxquels les français ont dû faire face en Algérie", selon le New York Times. Après une nouvelle sortie aux Etats-Unis en janvier 2004, il est sélectionné au festival de Cannes de la même année et se voit donc à nouveau libéré, profitant alors d'une seconde vie.

#  A noter aussi une furtive édition VHS chez Powder en 1988


(*) En juin 1961, Jacques Rivette écrivait dans "Les cahiers du cinéma" à propos de "Kapò" : "Dans Kapo, le plan où Emmanuelle Riva se suicide, en se jetant sur les barbelés électrifiés : l'homme qui décide, à ce moment-là, de faire un travelling avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d'inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme-là n'a droit qu'au plus profond mépris."

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