Une minute pour prier, une seconde pour mourir
Titre original: Un minuto per pregare, un instante per morire
Genre: Western spaghetti
Année: 1968
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Franco Giraldi
Casting:
Alex Cord, Robert Ryan, Arthur Kennedy, Nicoletta Rangoni Machiavelli, Mario Brega, Daniel Martin, Enzo Fiermonte, Renato Romano, Giampiero Albertini, Antonio Molino Rojo, Aldo Sambrell...
 

Peu après la guerre de Sécession, le Sud traîne ses vaincus, devenus pour quelques uns hors-la-loi. Parmi eux, Clay McCord (Alex Cord) est un pistolero hors-la-loi fatigué de sa condition. Handicapé par une paralysie au bras droit qui se manifeste de façon de plus en plus régulière à cause de supposées crises d'épilepsie, McCord se rend chez le père Santana (Daniel Martín) qui pourra l'héberger puis le soigner. Il le trouve mort, malheureusement, mais il arrive à temps pour tuer son assassin. McCord doit fuir de nouveau et atteint finalement le petit village d'Escondido où les hommes de l'autoproclamé régisseur Krant (Mario Brega), un ancien sudiste régnant en tyran, bloquent les ravitaillements de la population, laquelle vit dans la pauvreté et sous le régime de la terreur. McCord parvient à ramener des provisions, à tenir à l'écart Krant par la menace de son arme (l'homme est un as de la gâchette redouté), avant de trouver refuge dans la maison d'une femme, Laurinda (Nicoletta Machiavelli), avec qui il entretiendra des rapports amoureux.

 

 

Le shérif Roy W. Colby (Arthur Kennedy) du village d'à côté ne voit pas les choses du même oeil. Las des pendaisons en série, las de rétribuer des mercenaires assassins à l'affût de la moindre rançon, il attend impatiemment l'arrivée de Lem Carter (Robert Ryan), le gouverneur du Nouveau Mexique sur le point de signer l'amnistie à tous les hors-la-loi qui déposeront les armes. McCord fait du reste part à Colby de son désir d'effacer son passé puis de commencer une nouvelle vie. A sa décharge Clay, enfant, a vu son père se faire tuer et, très jeune, a assouvi son désir vengeur en tuant les coupables à bout portant au sortir d'un bar. Depuis, sa vie n'est plus que fuite en avant, sans compter ses crises d'épilepsie dont l'origine lui échappe mais qui sont apparues à ce moment là. Seul problème, Krant, lié lui aussi à ces meurtres d'antan, refuse catégoriquement l'amnistie possible et interdit à McCord de se ranger. Ce dernier n'en démordant pas, Krant fera tout pour le tuer. Mais voici que le gouverneur Carter arrive dans la ville de Tuscosa...

 

 

S'il y a des noms trop peu cités au sein des faiseurs du spagh, Franco Giraldi en fait nul doute partie. On ne va pas refaire sa filmographie ni sa biographie, rappelons simplement qu'il est l'auteur au préalable de "Sept Ecossais au Texas" avec Robert Woods en 1966, de sa suite "Les sept Ecossais explosent" en 1967 dans laquelle Woods était remplacé par le piètre David Bailey, puis du fort sympathique "Sugar Colt" la même année que Une minute pour prier, une seconde pour mourir, ce juste avant, en cette année faste 1968. Bien qu'ayant la chance - contrairement à d'autres faiseurs de talent tels Giuliano Carnimeo ("Le moment de tuer") - de voir ses films sortir en dvd, il n'en demeure pas moins regrettable que son nom ne soit plus populaire. Non que ses livraisons dans le genre qui nous concerne ici soient des chefs-d'oeuvre en pagaille, loin de là, mais elles ont toutes la particularité de la singularité, en plus, dans le paysage cynique du western italien de l'époque, d'aller autant puiser dans les traditions du western américain que d'exploiter le riche filon ayant alors cours. En ressortent des oeuvres telles ce Un minuto per pregare, un instante per morire, film quasi-mutant dans son approche du genre. Si on retrouve une bonne part du sadisme et du sadomasochisme du pendant transalpin, l'histoire et les thèmes qu'elle charrie se rapprochent du classicisme américain ; à la différence notable que le pitch y est plus que surprenant puisque, ici, le chemin de croix de notre héros/antihéros correspond à un désir d'amnistie et de paix. Rajoutons qui plus est que ce western de Franco Giraldi ne joue ni la carte de l'excès, ni la carte du baroquisme, ni la carte de l'ironie ni même celle de l'humour tout court, et l'on reste très loin des terres fréquemment arpentées dans un genre qui a vu passer tous les excès possibles. Soit, le temps d'une scène, on aura bien notre héros encore énigmatique alors doté d'un cache-poussière et buttant une bonne poignée de renégats tapis dans les montagnes ; pourtant, la plupart du temps, ces figures de style sont étonnamment absentes.

 

 

Le scénario (signé à quatre mains, dont celle d'Albert Band en même temps producteur : "Duel au Texas", "Massacre au Grande Canyon", "Les Cruels", à l'époque) n'a rien d'enthousiasmant de prime abord et n'annonce rien qui vaille de vraiment original. Pourtant, les 98 minutes que durent Une minute pour prier, une seconde pour mourir sont placées sous le signe de la singularité. Autant d'un point de vue transalpin qu'américain. Un pessimisme foncier d'abord, qui n'est pas sans évoquer celui du Grand silence (les chasseurs de primes prenant le pas sur la justice, un homme présenté comme presque invulnérable mais qui, comme d'autres protagonistes, pourrait bien connaître un sort inattendu, la solitude chronique de ce même personnage) ou La horde sauvage (pas étonnant, d'ailleurs, d'y retrouver Robert Ryan dans un western où réactionnaires et progressistes, jadis parfois du même bord, s'affrontent). Des partis pris vus nulle part ailleurs, comme l'une des scènes les plus marquantes : celle où McCord entre dans le village d'Escondido qui n'est plus que désolation. Les habitants, vêtus de hardes, regardant passer McCord et ses provisions sans illusion aucune, la façon dont filme alors Franco Giraldi n'a rien d'un misérabilisme outré mais tient d'une influence, voire d'un héritage du néo-réalisme cher à Rossellini. Impossible de ne pas penser alors à des oeuvres comme "La terre tremble", "Rome, ville ouverte" ou "Stromboli" (dont le lieu désolé se fait ici symbole - celui d'un couple éclaté dans "Stromboli"). A ce titre, il convient de mentionner le soin apporté aux décors. Ceux d'Almeria, bien entendu, auxquels tenait d'ailleurs à y tourner le réalisateur, considérant l'endroit comme idéal et garant de la réussite de son film. Rien à voir avec l'aspect pratique propre à la plupart des productions de l'époque, même si le "pratique" peut lui aussi être magnifiquement exploité. La photo d’Ajace Parolin est d'ailleurs superbe et en totale harmonie avec les situations mises en scène. Parfois aride et presque atone ou monochrome, d'autres fois plus colorée, verdoyante, remplie de rivières. Dans ces moments d'ailleurs, l'influence d'un Anthony Mann ("L'homme de la plaine" et "Les Affameurs" avec le même Arthur Kennedy ici présent, "L'Appât", avec le même Robert Ryan...) se fait manifeste.

 

 

Parabole sur la justice, réflexion subtile sur la notion de liberté des actes, hommage aux grands espaces, soucieux d'un certain réalisme tout en donnant du spectacle à voir, généreux dans son fond sans tomber dans la naïveté (la vision de l'Ouest américain - ou plutôt du Sud pour le coup - est proche d'un humanisme rendu impossible par les heurts de l'Histoire et les esprits de clans d'un côté, par les propres spéculations des gagnants et des perdants de la guerre de Sécession, de l'autre). Des situations surprenantes telles un héros tiraillé d'abord, puis invalide ensuite durant un tiers du film, un "sauveur" n'arrivant qu'à l'heure de bobine, un shérif retournant sa veste de manière subtile à l'instar de nos politiciens passant de partis à d'autres durant de douteuses carrières faites d'intérêts et de compromissions. Ailleurs, des scènes parfois très crues où les femmes se font tuer à bout portant de manière brutale, un flashback d'enfance récurrent pour un personnage hanté et qui n'a tragiquement jamais trouvé la paix (finalement, il n'aura connu que vengeance en dehors d'une véritable guerre de contrées) ; le tout dans un western ressemblant à une tragédie dont l'issue semble inéluctable.
Porté par de bons acteurs (nos trois têtes d'affiche sont parfaitement dirigées) et d'excellents seconds plans (Mario Brega en tête, autrement la liste serait trop longue à énumérer et fastidieuse à lire, reportez vous au générique), Une minute pour prier, une seconde pour mourir est soutenu pour finir par une partition judicieuse de Carlos Rustichelli, qui le rapproche du thriller. Et c'est finalement, en plus d'une tragédie humaine, à un thriller dans le Sud américain, dont chaque scène en suspens annonce une explosion, auquel on assiste. Un spagh peu aguichant de prime abord mais pourtant atypique et plutôt chouette au final.

 

 

Mallox


En rapport avec le film :

# dans le DVD MGM zone1 en anglais avec sous-titres français, la fin est différente de celle originale, plus noire, voulue par son réalisateur.

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