36ème Chambre de Shaolin, La
Titre original: Shao Lin san shi liu fang
Genre: Arts Martiaux , Wu Xia Pian
Année: 1978
Pays d'origine: Hong Kong
Réalisateur: Liu Chia-liang
Casting:
Gordon Liu, Lo Lieh, Hsiao Ho, Billy Chan, Lung Chan...
 

Considéré par beaucoup comme "La" référence du Wu Xia Pian, cette "36eme chambre de Shaolin", sans être le chef-d'oeuvre absolu du genre, n'en demeure pas moins l'un des plus beaux films de la Shaw Brothers. Son gros défaut : une construction en trois parties un peu téléphonée qui ne brille pas par son originalité, et celui d'avoir généré deux suites dispensables ; la première, "Retour à la 36eme Chambre de Shaolin" est presque aussi bonne que son modèle sauf qu'elle en est la copie conforme avec un peu plus d'humour (mais l'humour hongkongais, je m'en dispense aisément), et sa seconde et tardive (1985), "les disciples de la 36eme chambre de Shaolin", tout juste fréquentable tant on tombe dans la redondance totale et poussive et sent le tiroir caisse à plein zen.
Ceci étant dit, celui qui nous intéresse ici est sorti à une époque où le Wu Xia Pian tombait alors dans une sorte de désuétude et dénaturation burlesque, symptôme d'un immense essoufflement et de l'incapacité à le renouveler, et cette "36eme chambre" tomba pile poil, comme un magistral rappel à l'ordre d'un artisan talentueux et surtout increvable du genre.
Tout commence lorsqu'un cortège impérial est attaqué par un dissident un tant soi peu naïf sur ce coup là puisqu'en guise de cortège, c'est un traquenard destiné à le faire se dévoiler ; le pauvre rebelle pris au piège affrontera alors l'infâme général sadique Mandchou (excellent Lo Lieh) avant de se faire littéralement détruire et de finir mutilé puis exhibé sur la place publique pour l'exemple et la dissuasion.
Au sein de la foule assiste, anonyme au carnage, un dénommé Liu Chia Hui (Gordon Liu au summum), impuissant. Quelques jours plus tard, ces terrifiants Mandchous s'en prennent violemment à une école soupçonnée d'être un repère de rebelles et au sein de laquelle le jeune élève exerce ; celui-ci parvient à s'échapper avec l'un de ses comparse qui lui apprend ensuite que sa maison a été détruite et son père assassiné. Lle jeune Liu Yu parviendra in-extremis à fuir grâce au sacrifice de son ami et à s'introduire dans l'enceinte du temple de Shaolin pour y trouver refuge.
Ce dernier, dans une insatiable soif de vengeance, deviendra moine, changera alors de nom (San Te), et apprendra tous les rudiments du Kung-fu au sein du temple, gravissant peu à peu les étapes dans une initiation ardue ; il accédera enfin à une maîtrise exemplaire de l'art martial...

 

 

Pour revenir à la construction narrative donc, le film est divisé en trois parties un peu inégales. La première nous montre la vie de Liu Yu Te et les souffrances endurées par la tyrannie Mandchou, et n'est au final que prétexte à alimenter son sentiment de haine et sa soif de vengeance. Ce n'est pas la plus palpitante et l'on peut même s'y perdre un peu, voire ne pas réussir à s'investir dans les conflits politiques un brin confus, même si l'on comprend bien que les Mandchous furent des salauds d'envahisseurs.
La seconde, la plus longue aussi, est en revanche un vrai régal ; tout le film se situe ici même, dans son récit d'initiation, où Liu Yu Te, devenu San Te, passera chaque étape des 35 chambres du Temple symbolisant sa quête spirituelle en même temps ; cette bonne moitié de film est fascinante.
Et là, plus le personnage de Gordon Liu avance dans les chambres, plus le rythme s'accélère, laissant sur le cul le spectateur, tant c'est trépidant, énergisant, jouissif.
San Te commence par apprendre à forger son corps dans les premières chambres, puis le maniement des armes et du combat dans les suivantes, et enfin, la spiritualité dans les dernières. C'est dans ce choix de récit initiatique que le film frappe le plus fort, au sens propre comme au figuré, et à contrario des autres productions de l'époque où ce passage obligé était vite éludé pour en arriver vite fait bien fait à la vengeance annoncée et tant attendue par nous, spectateurs avides de "fritages" jaunes ; Liu Chia Liang fait donc le pari osé d'inverser la tendance et de faire de cette initiation le coeur de son film. Choix et défi, relevés haut là main, chaque parcours à l'intérieur du temple est un régal pour les yeux, et il serait vraiment trop fastidieux de les énumérer ; il faut le voir.
Au final, San Te ne trouvera non pas la seule maîtrise du combat, mais un juste équilibre entre le fond et la forme, la philosophie et la maîtrise de force, la sagesse et sa soif de vengeance. Et c'est sa sagesse acquise au sein du temple (qui aura annihilé quelque peu son ego pour mieux faire surgir le sens de sa quête) qui lui donnera en fait sa vraie force de vaincre, pour l'amener tout en puissance à la troisième partie : l'assouvissement total de cette soif de vengeance.

 

 

Dans l'ensemble, si l'on répertorie les combats, il y en a assez peu mais ils sont chorégraphiés de façon splendide, avec comme atout supplémentaire, un charisme sans faille de son interprète principal, Gordon Liu (revu récemment dans Kill Bill vol.2), qui insuffle une intensité assez rare pour être signalée, et même portée au pinacle ; tandis que le méchant du film est joué par Lo Lieh, qui campe un général Mandchou complètement délectable de par sa méchanceté et son sadisme quasi-paroxystique. Ce qui confirme du reste la règle qui veut qu'un film soit bon lorsque le méchant est bon, ce qui est le cas ici, et ce, les doigts dans le Zen.
Le combat final est quelque peu expédié et n'est pas le clou du spectacle. Celui-ci aura lieu avant (et même à plusieurs reprises !) : les combats du début, légèrement austères et académiques, deviennent assez vite très impressionnants pour culminer dans une scène à 1 contre 50 d'anthologie ; Liu Chia Liang se permet également de très beaux plans séquences, et dans les scènes d'entraînement, et dans les joutes, ce qui achève de faire de cette "36eme chambre de Shaolin" un spectacle de haute volée, chatoyant, brillant, beau comme un bonze devant lequel on ne peut que s'incliner. Dynamique et jouissif.

 

 

Note : 8/10

 

Mallox
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