Une balle dans le dos
Titre original: Undertow
Genre: Policier , Film noir
Année: 1949
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: William Castle
Casting:
Scott Brady, John Russell, Peggy Dow, Bruce Bennett, Dorothy Hart, Thomas Browne Henry, Rock Hudson (sous le nom de Roc Hudson)...
Aka: The Big Frame / Frame-Up
 

Tony Reagan, joueur professionnel et ancien escroc, vient d'être libéré après plusieurs années d'emprisonnement. Bien décidé à changer de vie, Tony veut ouvrir un chalet de vacances dans les montagnes, là où jadis il vivait avant de se faire prendre. De retour dans son ancienne ville, pressé de retrouver son ancienne compagne, c'est alors qu'il est accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis. Poursuivi par la police, il se réfugie chez la ravissante Ann McKnight qu'il a rencontrée dans l'avion le menant de Reno à Chicago. Avec son aide, il tente de retrouver le coupable tout en étant pourchassé lui-même par la police...

 

 

Avant de se voir taxer de façon expéditive "le Hitchcock du pauvre", en alignant quelques thrillers horrifiques pourtant de fort bon aloi ("Macabre", La nuit de tous les mystères, "Homicide", La meurtrière diabolique, Celui qui n'existait pas, Le désosseur de cadavres...), le tout dans une seconde partie de carrière dont la révélation pour le réalisateur fut la découverte au cinéma des "Diaboliques" de Clouzot, William Castle avait déjà à son actif une bonne poignée de westerns, mais surtout une belle kyrielle de thrillers et films noirs. L'un de ses meilleurs restant, en tout cas dans ce domaine, "Etrange mariage" (When Strangers Marry), dans lequel nous retrouvions Robert Mitchum et Kim Hunter évoluant sur un script empruntant largement à "Rebecca" mais surtout au "Hantise" de George Cukor, fraîchement sorti.


Chapardeur de première (voir comment le bonhomme exploite - avec talent - les doubles/psychés de "Psycho" dans "Homicide" et La coupeuse de tête), et harangueur de fête foraine, Castle est un impénitent faussaire (ce qui lui valut d'être souvent ignoré ou minoré) en même temps qu'un cinéaste de talent, ce qui tend à le distinguer d'autres exploitants de succès ou d'idées d'autrui. Pour Undertow, la méthode de base ne change pas puisque l'on y retrouve déjà certains préceptes Hitchcockiens, en premier lieu celui qui consiste à mettre en vedette un homme que tout accuse, celui-ci étant à la fois recherché par la police et occupé à rechercher lui-même le coupable afin, pour le moins, de se disculper. Cela vous rappelle quelque chose ? Pas étonnant puisque William Castle puise allègrement, pour cette Balle dans le dos, dans "Jeune et innocent" et "La cinquième colonne", tous deux d'Hitchcock...

 

 

On pourrait penser avoir tout dit en classifiant William Castle dans les vils copistes, qui plus est, et a priori, de moindre talent que ses modèles, sauf que ce serait ignorer l'ingéniosité et la fantaisie dont il fait régulièrement preuve. Et quand bien même il pomperait à la source que le constat serait assez souvent le même : celui-ci recrache avec inventivité et audace, rendant trouble son inspiration de base, en la mixant à un tempérament fort, excentrique et pour le moins décomplexé. Cela ne fait pas de William Castle un Shadok, en témoigne cet Undertow de très bonne tenue, réalisé, soit, sans génie particulier, mais avec une science assez sûre de la narration et du timing. Du haut de ses 71 petites minutes, Castle livre, sans gras aucun, un deux en un des films cités ci-dessus.
Et pour en terminer avec son affiliation à Hitchcock, disons que Castle put être à sa manière ce que sera plus tard Joe Dante par rapport à Spielberg. Ce n'est probablement pas un hasard si Scott Brady, ici-présent, a fini sa carrière dans "Gremlins".

Mais ce n'est pas tout : en effet il y a, au-delà des récupérations chroniques Hitchockiennes, d'autres influences - quand ce ne sont pas des idées originales, parfois très singulières - qui le font dévier du simple plagiat. Ainsi sera-t-on surpris, voire bluffé, de trouver dans Une balle dans le dos de magnifiques plans en extérieurs, renvoyant au superbe et novateur film noir de Jules Dassin tourné l'année d'avant : "The Naked City" (La cité sans voiles). L'intrigue débute à Reno pour se poursuivre à Chicago, et chaque fois le réalisateur exploite au maximum ce qui semble tenir pour lui de l'évidence : la sourde beauté et l'effervescence de ces deux villes, parvenant à les faire ressembler à des labyrinthes emplis d'une vie autant souterraine (à l'image de terriers de lapins ou de trous à rats) avec, en apparence, une vie 'subterrestre' tout à fait normale.

 

 

Soit, l'ensemble du casting n'est pas forcément à la hauteur ; Peggy Dow (dont la carrière dura le temps de neuf films entre 1949 et 1951), rencontrée par hasard dans un casino avant de la retrouver dans l'avion menant d'une ville à l'autre, et qui s'avérera salvatrice (tout comme la Priscilla Lane de "Saboteur" ou la Nova Pilbeam de "Young and Innocent"), offre une composition honnête mais un brin fadasse. Ailleurs, deux autres acteurs surjouent au point de donner des indices, ce avec l'assentiment de Castle qui, hélas, les fige le temps d'un ou deux plans dispensables : Dorothy Hart ("I Was a Communist for the FBI") voit son visage zoomé lors de sa première apparition et juste après que son prétendant poursuivi soit sorti de chez elle, tandis que John Russell (dont c'est ici l'un de ses premiers grands rôles au cinéma avant une longue et belle carrière) arbore, immuable, une tête d'enflure du début jusqu'à la fin.

Soit encore, pourra-t-on reprocher pour le coup à Castle d'user de quelques ficelles un peu grossières pour expédier son intrigue, ou tout du moins son final : Bruce Bennett a beau être convaincant (il a bien du mérite) en ex-copain d'enfance de Tony Reagan (Scott Brady, vraiment très bien, rien à redire !) devenu flic de bourgade et qui l'aidera à la fois à trouver le(s) vrai(s) coupable(s) et à se cacher, que le suspens s'en trouve entaché.

 

 

Pour le reste, un étonnant personnage afro-américain, tout dévoué à son patron, lequel appartenant pourtant à la pègre mais l'ayant jadis sauvé du ruisseau en l'embauchant, nous vaut, à l'écran, quelques scènes-clés assez stupéfiantes (et dont on ne sait trop quoi penser en terme de point de vue de Castle sur les minorités afro-américaines), tandis qu'on se surprend à reconnaître, le temps d'une discussion, le jeune Rock Hudson (apparaissant au générique sous le nom de Roc Hudson), ici dans son premier vrai rôle au cinéma après "Les géants du ciel" de Raoul Walsh, dans lequel il figurait sans être crédité.

Outre ces réserves, n'écoutez pas les mauvais coucheurs, lesquels vous diront que William Castle n'a aucun talent, ou encore que celui-ci livrait avec Undertow un film noir comme on en faisait tant d'autres à l'époque. Sa faculté à se fondre dans les genres, à obtenir le maximum avec le minimum, à transformer ses pellicules en objets ludiques, oscillant entre grotesque et grand art (ce que fera aussi De Palma plus tard, d'une autre manière, mais en trouvant quant à lui reconnaissance au fil du temps), le rapproche d'un autre cinéaste, lui aussi sous-estimé et qui emprunta également les voies du film noir sous influence avec, entre autres, Strange Illusion, Détour ou Le démon de la chair : Edgar G. Ulmer. Deux cinéastes aux préoccupations certes différentes, mais qui, le temps passant, mériteraient que l'on exhume bien plus de films de leurs filmographies respectives. En tout cas, Une balle dans Le dos est un chouette film noir, jamais ennuyeux, toujours dynamique, parfois même inventif (son anti-héros parcourant les 2/3 du film la main trouée par une balle tirée à bout portant en atteste). Bref, à découvrir sans problème, avant de réhabiliter probablement toute une partie de carrière de ce réalisateur trop souvent méprisé.

 

 

Mallox

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