Ils ont combattu pour la patrie
Titre original: Они сражались за Родину / Oni srazhalis za rodinu
Genre: Guerre
Année: 1975
Pays d'origine: Union Soviétique
Réalisateur: Sergueï Bondartchouk
Casting:
Vassili Choukchine , Viatcheslav Tikhonov, Sergueï Bondartchouk, Gueorgui Bourkov, Youri Nikulin, Nonna Mordioukova, Lidya Fedoseeva-Choukchina...
Aka: They Fought for Their Country
 

Eté 1942 - Dans le sud de la Russie, un régiment d'infanterie soviétique marche vers l'est dans une longue retraite. Arrivés dans un village, point de ralliement pour toute leur division, les soldats font halte. C'est l'occasion pour eux de se reposer, de penser à leur famille et de fumer comme des pompiers pour ceux qui ont encore du tabac, l'occasion aussi de se baigner dans la rivière toute proche. Alors que deux de ses camarades ont pêché des écrevisses, Piotr Lopakhine, soldat désinvolte et fort en gueule, part au village chercher un chaudron et les ingrédients nécessaires pour les cuisiner. Et pour les obtenir, il compte sur son bagout et son ascendant sur les femmes, ainsi que sur sa médaille pour acte héroïque. Mais il tombe sur une babouchka qui, loin d'être impressionnée, commence à le morigéner, le traitant de lâche fuyant devant l'envahisseur et abandonnant sa patrie. Blessé, mais comprenant que derrière l'injustice de certains reproches il y a un grand fond de vérité, et aussi le désarroi d'une mère ayant perdu un fils et qui est sans nouvelles des autres eux aussi sous les drapeaux, Lopakhine se tait et encaisse.

 

 

Touchée par son attitude, la vieille lui donne du sel et une marmite. Revenu parmi ses camarades, Lopakhine affirme avoir été bien reçu, mais tous doivent abandonner leur repas en urgence. Leur unité a reçu l'ordre de se mettre en position de combat devant le village pour arrêter l'avancée ennemie. Alors qu'ils creusent des trous individuels, les Soviétiques subissent un intense bombardement aérien. Celui-ci précède l'assaut d'une unité blindée allemande. Lopakhine, se servant d'un fusil antichar, détruit un panzer. Les pertes sont énormes mais par une charge héroïque à la baïonnette, le régiment de Lopakhine parvient à repousser les fantassins ennemis.
Le soir venu, la steppe est en feu et les Allemands vainqueurs. A la faveur de l'obscurité, les Soviétiques parviennent à retraiter dans l'ordre, toujours plus loin vers l'est et le Don...

 

 

Tourné en 1974, mais destiné à sortir en 1975 pour célébrer le trentième anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie, Ils ont combattu pour la patrie est le résultat d'une commande du ministère de l'intérieur à la Mosfilm et à son réalisateur Serguei Bondartchouk, internationalement célèbre pour ses films historiques à grand spectacle. A vrai dire, au départ les autorités avaient recommandé à Bondartchouk d'adapter l'ouvrage alors récemment publié du maréchal Gretchko (à l'époque membre du Politburo), "La bataille du Caucase", espérant ainsi un "Waterloo" (le précédent film de Bondartchouk) mais version Grande guerre patriotique, soit les opérations militaires vues côté QG. Le réalisateur opta pour l'adaptation d'un roman inachevé de Mikhail Sholokhov (l'auteur officiel du "Don paisible") dont le titre est celui du présent film. Pour Bondartchouk c'était un peu un retour aux sources car le film qui lança sa carrière de réalisateur était déjà l'adaptation d'un roman de Sholokhov se déroulant durant la deuxième Guerre mondiale ("Le Destin d’un homme").

 

 

Ce qui était un choix particulièrement audacieux, car si sa vision de la guerre (dans le film), à hauteur du simple troufion, avec un récit autant picaresque qu'héroïque n'avait rien de particulièrement novateur dans le cinéma soviétique de l'époque, la période choisie était quant à elle inédite. Car l'action se passe sur le front sud en été 1942, soit au plus fort de l'avancée vers l'est de l'armée allemande, et décrit une armée soviétique vaincue et battant en retraite (une retraite qui les mènera jusqu'à Stalingrad) devant un ennemi bien mieux équipé et possédant une supériorité aérienne absolue. Autre nouveauté, la population civile (uniquement des femmes, des enfants et des vieillards) est dépeinte comme systématiquement hostile à une armée à qui elle reproche de les abandonner. Enfin, rien n'est caché des carences de l'armée rouge, des problèmes de ravitaillement à l'absence de renforts en passant par des unités médicales débordées (employant adolescentes et vieillards) opérant à vif sans la moindre anesthésie.

 

 

Pour ce film, qui au final exalte l'extraordinaire capacité de résistance et de sacrifice du soldat russe, Bondartchouk a bénéficié de moyens militaires considérables. Et ça se voit à l'écran, les scènes de combats sont éminemment spectaculaires (on n'a pas lésiné sur les effets pyrotechniques) et surtout, et c'est là la principale différence entre films de guerre soviétiques et hollywoodiens, elles sont (ou en tout cas font) réalistes. Pas de syndrome "Jour le plus long", où la moindre grenade alliée étend raides morts toute une compagnie de teutons alors que son homologue allemande éclatant au pied d'un GI ne le blesse que légèrement à l'épaule. L'adversaire n'étant pas dépeint comme inoffensif mais redoutable (ce que, de fait, il était), les actions de nos bidasses soviétiques n'en ont que plus de valeur. On pourra toutefois trouver qu'avec son fusil antichar, Lopakhine se montre d'une efficacité redoutable (dans les faits, cette arme était incapable de percer le blindage d'un tank et était réservée aux véhicules légers, sauf situation désespérée).
Les blindés allemands, très nombreux, sont en fait des T34 camouflés, mais l'illusion est complète. Dans l'ensemble, la reconstitution des uniformes et de l'armement est parfaite, de même que la description du quotidien du troufion de base où la pelle sert plus souvent que le fusil.

 

 

Mais Ils ont combattu pour la patrie ne se résume pas à ses scènes de combat même si celles-ci (dont on ne saurait trop souligner la maîtrise de la réalisation), en plus d'être spectaculaires, contiennent des moments particulièrement marquants, parfois même aussi inattendus que surréalistes. Par exemple, la séquence où les fantassins allemands avancent comme à la parade vers les tranchées russes en sifflant "c'est nous les gars de la marine", tout en essuyant les tirs complètement inefficaces du personnage, passablement dégoûté, joué par Bondartchouk, avant qu'une meurtrière rafale de fusil-mitrailleur ne les ramènent (avec le spectateur) à la réalité.
Ils ont combattu pour la patrie c'est aussi, et surtout, le quotidien d'une armée en retraite (mais pas en déroute) et les rapports des soldats entre eux et avec les civils qu'ils croisent, ce qui nous vaut des moments souvent picaresques et parfois émouvants. Il faut ici souligner l'excellence de l'interprétation, avec en premier lieu un Vassili Choukchine impérial dans le rôle de Piotr Lopakhine. Le casting ne comprend d'ailleurs que d'énormes vedettes soviétiques des années 60 et 70 dont, dans un rôle secondaire, Youri Nikulin la plus grande star comique de l'époque, même si ce choix d'acteurs confirmés se révèle à double tranchant dut fait de l'âge des protagonistes.

 

 

Le principal point négatif, (si on met de coté le "message" patriotique qui pourra déplaire à certains) concerne l'aspect un brin répétitif du scénario (car adapté de faits réels) : nos héros retraitent jusqu'à un village où ils sont au départ mal accueillis avant de devoir préparer une position défensive sous le bombardement ennemi et d'y subir un assaut pour retraiter à nouveau et... rebelote, tout recommence.
L'autre point négatif, qui nuit au réalisme d'ensemble, c'est l'âge des acteurs principaux. En effet, ils ont tous entre 45 et 55 ans, ce qui est tout de même un peu âgé pour de simples soldats (Nikulin et Bondartchouk, entre autres, se sont réellement battu 33 ans plus tôt au sein de l'armée rouge), même vétérans. De fait Bondartchouk, acteur à la base, n'a pas pu s'empêcher de se réserver un des rôles principaux (comme dans tous ses films russophones). Du coup, pour ne pas paraître, par contraste, trop vieux, il a distribué les autres rôles à des acteurs de plus de 40 ans. Si ça passe sans problème pour Vassili Choukchine, quadragénaire athlétique, ça le fait beaucoup moins pour le quinquagénaire Bondartchouk et son embonpoint difficilement compatible avec des marches harassantes.

 

 

Un mot sur Vassili Choukchine, le principal héros de ce film choral, qui mourra de façon aussi subite qu'inattendue juste avant la fin du tournage, officiellement d'une crise cardiaque, mais selon son épouse (qui a un petit rôle dans le film) empoisonné. Né en Sibérie occidentale d'une mère eurasienne et d'un père très tôt disparu (victime du stalinisme), Choukchine, à l'âge adulte, s'engage dans la marine pour voir le monde, avant de retourner dans son village en tant qu'instituteur. Le hasard va par la suite jouer un grand rôle dans sa carrière cinématographique. Sa passion étant l'écriture, il tente le concours d'entrée à l'université d'État des métiers du cinéma en tant que scénariste, mais se retrouve versé dans le cursus de réalisateur. Comme il est blond et balaise, son condisciple Tarkovski lui donne le rôle principal (un ex-boxeur d'origine suédoise) dans son film de fin d'études (un court-métrage amateur), une adaptation des "Tueurs" d'Hemingway, où il joue donc l'équivalent du rôle de Lancaster dans la version de Siodmak. A cette occasion, il se révèle être un acteur particulièrement doué. Commence alors une triple carrière d'acteur (très populaire), de réalisateur (multiple fois primé) et de scénariste, qui s'achèvera prématurément avec ce film.

 

 

Sigtuna

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