Aventure sauvage, L'
Titre original: The Trap
Genre: Western , Drame , Agressions animales , Aventures
Année: 1966
Pays d'origine: Royaume-Uni / Canada
Réalisateur: Sidney Hayers
Casting:
Rita Tushingham, Oliver Reed, Barbara Chilcott, Joseph Golland, Blain Fairman, Rex Sevenoaks...
Aka: Le piège / Le piège du feu (titre vidéo - voir jaquette)
 

Il était une fois à l'est de l'Alberta et au nord du Yukon...

... En Colombie-Britannique, à la fin du XIXe siècle, des pionniers, des trappeurs, chasseurs de fourrures passent l'hiver dans la forêt et viennent en ville deux fois par an, échanger leur butin contre de l'alcool et des produits manufacturés. Jean La Bête s'y rend lui aussi, bien décidé à s'acheter une femme. Son choix se porte sur Eve, une jeune muette, rescapée mais traumatisée par un massacre d'indiens perpétré sur sa propre famille. Il l'emmène alors avec lui après une rude négociation. Dans une vie toute faite de solitudes téméraires et glacées, la jeune femme refuse toutes ses avances. Jean La Bête entreprend de l'apprivoiser, d'abord par la force, ensuite à force de patience. Mais d'autres dangers rôdent aux alentours...

 

 

Réalisateur, monteur, producteur et scénariste britannique, on connaît bien ici Sidney Hayers pour avoir livré quelques "classiques", des pellicules s'inscrivant dans un cinéma dit de genre. En 1960, il tourne "Le cirque des horreurs" ; très correct, ce dernier lui vaut une petite renommée, laquelle sera assise juste après avec, outre sa participation à la série "The Edgar Wallace Mystery Theatre", un fort bon film noir, "Payroll", avec Michael Craig et Françoise Prévost. S'ensuit un "Brûle, sorcière, brûle !" adapté du roman éponyme du roman d'Abraham Merritt. Au sein de sa filmographie, outre son excellente contribution à des séries telles que "The Avengers" (huit épisodes tournés entre 1965 et 1967, période Diana Rigg) et avant de se replonger dans moult séries bien connues pour cette même télévision (dont "The Avengers" période Joanna Lumley), on trouve encore d'autres films plus ou moins intéressants mais pas trop : un mélange aventures comiques pataud comme "L'étoile du sud", plombé par sa distribution improbable - pensez donc, Orson Welles, Ursula Andress et Michel Constantin, toute une période où des films-loukoums pullulaient hélas, assez souvent pour le pire (c.f. "Casino Royale"), une médiocre incursion dans le giallo made in Royaume-Uni (Meurtre à haute tension) ou encore un autre thriller avec Jon Finch et Christopher Lee, lui aussi légèrement décevant : "Diagnosis : Murder". Dans cette filmographie toute britannique mais aux allures de montagnes russes, on trouve donc, tourné en 1966, The Trap : une pépite !

 

 

The Trap, passé un début très classique posant les bases d'une sorte de huis-clos en milieu naturel avec ce qui pourrait s'apparenter à un certain schématisme (un homme gargantuesque, des villageois trop ancrés dans leurs traditions, des indiens fourbes au service d'usuriers prêts à la fois à vendre tout et n'importe quoi, allant jusqu'à commanditer des meurtres, bref... une civilisation réduite à sa plus simple expression : une énorme communauté de boit-sans-soif dans laquelle l'homme n'est qu'un loup pour l'homme). Un postulat qui n'est du reste pas sans évoquer ce que livrera plus tard un certain Sydney Pollack avec son très bon "Jeremiah Johnson" (qui, en passant, semble citer ici une autre scène de loups, mais passons...). De là s'instaure une "aventure sauvage" pratiquant trois sentiers qui vont se rejoindre :

- Cette civilisation qui s'immisce dans la vie sauvage avec des Indiens envoyés pour assassiner Jean La Bête et reprendre la femme ; celle-ci pourra ainsi être vendue une seconde fois. D'autant que le personnage campé par Oliver Reed ne peut avancer l'argent que pourtant, en tant que trappeur vendant ses peaux, on lui doit de par son labeur.

- Une confrontation entre deux être solitaires : Eve et Jean, tous deux isolés dans une nature aussi fertile qu'hostile. Une nature qui non seulement a fait du trappeur une bête (un être au patronyme bien mérité) mais qui fera petit à petit que cette bête sera elle aussi rendue à sa condition humaine par cette même créature qu'il entend dresser de force. Tout du moins au début. Les choses s'inverseront progressivement ensuite...

- Enfin, une nature au sein de laquelle il veut vivre, mais qui, par définition, se révèle plus animale que lui, jusqu'à le dompter lui-même, le renvoyant à nouveau à cette condition humaine, jusqu'aux limites de cette même condition tandis que la civilisation évoquée plus haut s'introduit elle aussi dans son monde, souvent de force, créant une autre interaction.

 

 

L'ensemble, dès lors que Jean prend femme, va se fondre en un.

En prenant une épouse, c'est la civilisation qu'il a fait rentrer dans son monde naturel et bestial. En tentant d'apprivoiser cette femme, en s'attachant petit à petit à elle, avec de réels sentiments, non seulement il devient plus faible vis-à-vis de la civilisation, mais qui plus est, en faisant en sorte de faire subsister une famille éventuellement naissante, prend davantage de risques au sein de la nature.

De l'autre côté, cette jeune femme muette, plus endurcie qu'il ne le pense, va petit à petit prendre l'ascendant pour finir par s'attacher à l'homme-bête, jusqu'à lui rendre le meilleur de sa part humaine.

 

L'aventure sauvage est un film qui se joue autant de manière extérieure qu'intérieure. A Sidney Hayers de livrer à la fois un rugueux film d'aventures, de ceux qu'on ne voit hélas plus aujourd'hui sur les écrans, ainsi qu'une introspection de la part animale de l'être humain et ses limites. Un véritable tour de force tant l'ensemble s'imbrique à merveille, faisant de celui-ci et à force de périples, une véritable épopée romantique.

 

 

Restons simple, direct, à la vision de The Trap, une évidence s'impose : Oliver Reed est tant parfait que nul autre acteur ne pouvait être imaginé à sa place. Il trouve là, au sein d'une carrière pourtant très riche, l'un de ses tout meilleurs rôles. Peut-être même son meilleur. Il est d'une grande intelligence de la part du réalisateur d'être allé chercher un acteur qui n'était pas encore reconnu pour sa bestialité et dont le talent, même si celui-ci avait déjà émergé, au sein de la Hammer notamment ("La nuit du Loup-Garou", Le fascinant capitaine Clegg, Paranoiac), restait encore à confirmer. Ce qui sera fait avec la rugosité et la vigueur que l'on sait peu après avec des films comme Assassinats en tous genres (dans lequel il croisait Diana Rigg, pour le meilleur et avec une prestance à faire rougir James Bond), Les diables, La cible hurlante, etc.

En parlant de prestation magistrale, Rita Tushingham, au sortir de l'intéressant mais très empesé "Docteur Jivago", lui donne une réplique à la hauteur, à savoir d'une justesse époustouflante. Il en fallait pour affronter ce monstre du cinéma dans une histoire où chacun dompte un peu l'autre. Que ce soit l'homme, la femme, comme la nature.

L'ensemble paraît qui plus est indissociable, interdépendant, éventuellement le même élément faisant partie d'un grand tout.

 

A propos de nature il y a, en plus de toutes les qualités déjà énumérées, un fabuleux et distendu moment de cinéma sauvage dans The Trap : le passage où Oliver Reed se fait attaquer par un puma, puis une meute de chiens sauvages et de loups, finissant par se prendre le pied dans l'un de ses propres pièges - le titre et son symbolisme sont à trouver là, mais pas que - est une chose anthologique, de celle que l'on n'oublie pas. Tout comme ce magnifique film, à la fois romantique et brutal, épaulé par une somptueuse photographie signée Robert Krasker (Huit heures de sursis, "Le troisième homme", "Le Cid") et une bien chouette partition de Ron Goodwin ("Quand les aigles attaquent", L'exécuteur, "Frenzy"...).

 

 

Pour finir, faisons une addition simple : Vous avez ici le meilleur film de Sidney Hayers, les meilleurs rôles d'Oliver Reed et de Rita Tushingham, moult péripéties intégrées dans du fond et de la forme, un tout qui non seulement se tient, mais tient en plus le spectateur en haleine... Vous, petits cinéphiles-trappeurs qui vous seriez égarés sur ce petit sentier d'un modeste et sauvage psycho-scribouillard, vous savez ce qui vous reste à faire...

 

 

Mallox

 

 

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