Savage Weekend
Genre: Horreur , Slasher , Psycho-Killer
Année: 1976
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: David Paulsen
Casting:
Marilyn Hamlin, David Gale, William Sanderson, Caitlin O'Heaney, Christopher Allport...
Aka: The Upstate Murders / The Killer Behind the Mask
 

David Paulsen fait partie de cette catégorie assez courante des réalisateurs oubliés. A y regarder de près, cela paraît presque logique, avec une filmographie aussi brève qu'hétéroclite, culminant à la fin de sa carrière avec une spécialisation dans le soap opera (ou le roman-savon, comme disent nos cousins du Québec). L'homme a en effet produit, scénarisé et réalisé plusieurs épisodes de trois des plus célèbres soaps de la télévision, à savoir Dallas, Côte Ouest et Dynastie. Un virage radical quand on sait que Paulsen débuta dans la mise en scène avec deux films à tendance horrifique : Savage Weekend et "Schizoïd" ("Schizoïde" chez nous en vidéo, ou encore "L'homme aux ciseaux" lors de sa brève et confidentielle sortie en salles, en 1981).

Ceux qui ont subi à une époque de leur vie (de gré ou de force) quelques unes de ces séries interminables le savent, les ingrédients qui firent le succès des Dallas (357 épisodes), Côte Ouest (344 épisodes) ou Dynastie (220 épisodes, mais on reste très loin des 2 137 épisodes de Santa Barbara, néanmoins ridicules face aux 7 400 de Amour, Gloire et Beauté et aux 11 000 des Feux de l'Amour – Mon Dieu, qu'est-ce que j'écris ?!) sont les suivants : le sexe, l'argent et l'ambition, le plus souvent sous fond de mélodrame. Les personnages répondent généralement à certains stéréotypes ou aux tendances du moment, afin que le spectateur puisse facilement s'identifier à eux.

 

 

Mais revenons à Savage Weekend, à ses personnages, ainsi qu'à sa structure narrative. D'une certaine manière, David Paulsen a pondu avec cette première œuvre une ébauche de soap, en y rajoutant un ingrédient, celui du psycho-killer.

Qu'avons-nous en effet durant une bonne partie du film, en attendant le premier meurtre qui intervient à la... 52ème minute (et là, je vois les visages des fans de slasher se décomposer lentement mais sûrement) ? Un récit resserré autour de cinq personnages, plus ou moins proches, et donc avec plus ou moins d'affinités, qui se retrouvent à quitter provisoirement New-York pour un séjour à la campagne. Les raisons de ce voyage sont multiples et diverses. Marie Sales Pettis est en instance de divorce avec son mari Greg, un politicien mêlé à un scandale. Afin de se changer les idées, elle part donc se mettre au vert en compagnie de son nouveau compagnon, Robert Fathwood, sa sœur cadette Shirley, et deux hommes que tout oppose tant sur le plan physique que moral : Jay Alsop (un agent de change) et Nicky (le confident). Ce petit groupe se retrouve ainsi au fin fond de la cambrousse, dans un lieu retiré où il est question de réparer un bateau. Dans cette tâche, ils doivent être aidés par deux locaux : le sinistre et peut-être fou Otis (qui passe une partie de son temps au cimetière à discuter avec un pote décédé), et le non moins inquiétant Mac Macauley, au regard torve (surtout lorsqu'il commence à mater Marie avec concupiscence).

 

 

C'est ainsi que le réalisateur convie le spectateur à une longue étude de caractères, s'attardant avec minutie sur les personnalités de nos sept personnages, et sur leurs multiples différences. Les deux femmes d'abord, avec d'un côté l'aînée qui est sexuellement inhibée (Robert ne semble pas être un foudre de guerre), à l'inverse de sa frangine qui s'assume pleinement comme une exhibitionniste (ce dont Jay ne va pas manquer de profiter). Shirley possède une libido épanouie alors que Marie commence à avoir un trouble pour Mac Macauley, un frisson dont elle a honte. En ce qui concerne notre trio de citadins, il est intéressant de constater que le plus viril d'entre tous se trouve être l'homosexuel du groupe, Nicky. Alors que Robert, bien que gentil, possède un physique ordinaire, et que Jay n'a pas non plus une silhouette spécialement attirante (mais il compense par une activité sexuelle importante), Nicky est grand, bien bâti, sait se battre (voir l'étonnante scène du bar) et possède de surcroît un sens de l'humour aiguisé. Bref, il a tout pour plaire aux hommes comme aux femmes, et sur ce dernier point David Paulsen développe une attirance mutuelle entre Shirley et Nicky (voir l'autre scène étonnante du tango), laissant entendre que ce dernier est plutôt bisexuel. Tout le contraire d'Otis, qui paraît quant à lui parfaitement asexué et dans un autre monde. L'autre "vrai" mâle du film est à chercher du côté de Mac Macauley, qui parle peu mais n'en pense pas moins. Sa virilité attire Marie malgré elle, frustrée sexuellement, et tout va basculer dans une autre scène étrange durant laquelle le campagnard rustre initie la bourgeoise citadine à la traite d'une vache. La manière dont la jeune femme malaxe (maladroitement) le pis de l'animal a évidemment un sous-entendu sexuel non feint.

 

 

C'est d'ailleurs l'un des intérêts de Savage Weekend, le fait d'avoir comme protagonistes des adultes purs et durs, et non des adolescents. Contrairement à pas mal de slashers, on ne suit pas ici les états d'âme de jeunes uniquement préoccupés par la baise, l'alcool et la fumette pour les plus dégourdis, ou la branlette et le voyeurisme pour les moins chanceux. David Paulsen se concentre sur la psychologie de ses personnages et notamment leur libido (pour certains), le tout dans un cadre rural où Otis et Mac Macauley présentent les caractéristiques typiques du redneck, ce qui n'est pas sans instaurer un climat de malaise et de danger dans un lieu pourtant idyllique. Double contraste, donc, entre cette menace latente et la beauté des lieux, ajoutée à la cohabitation presque contre-nature entre les gens de la ville et les autochtones.

 

 

Tandis que le film semble prendre l'orientation propre au genre hicksploitation, l'intrigue bascule alors dans le slasher pur et dur (il était temps, diront certains, et je ne peux qu'abonder dans leur sens), avec l'intrusion d'un mystérieux tueur affublé d'un masque (un fait non prémédité mais improvisé, il convient de le souligner) qui va se mettre en tête de décimer nos cinq vacanciers.

A ce propos, il est ironique de constater, à la fin du film, que du groupe initial ne restera qu'un survivant, et que la personne en question était en fait celle que notre psycho-killer tenait le plus à éliminer.

Les meurtres, puisqu'on en parle, pourraient également décevoir les amateurs de gore ou tout du moins de mises à mort spectaculaires. Celles-ci sont dans l'ensemble conventionnelles, mais l'une d'entre elles sort du lot. Astucieusement, Paulsen nous offre un moment de suspense efficace où l'une des victimes a été attachée sur une table où se trouve une scie circulaire. Or l'assassin ne parvient pas à mettre l'appareil en marche (à cause d'un système de dérivation) et finit par abandonner sa victime à son triste sort, à savoir que la première personne qui allumera la cave depuis le haut de l'escalier mettra en route la scie circulaire sans le savoir.

 

 

Un mot enfin sur le teaser, sortant particulièrement des sentiers battus. Il reprend le dénouement, en gros les cinq dernières minutes, sauf que le découpage est différent de manière à mettre le spectateur sur une fausse piste. Des quatre personnes impliquées dans le final, seules deux d'entre elles sont visibles dans l'ouverture. Le dénouement rétablit l'exactitude des faits. Même si la ficelle est un peu grosse et que l'on aura vite fait de déjouer le piège, l'idée de David Paulsen n'en est pas moins originale.

Le casting, s'il ne comporte pas de pointures, permet de voir quelques "gueules" du cinéma qu'on affectionne : William Sanderson ("Fight for Your Life", "Oeil pour Oeil"), David Gale ("Re-Animator") ou encore Christopher Allport ("Dead & Buried", L'invasion vient de Mars version Tobe Hooper). Sans oublier la petite fille (six ans à l'époque du tournage) que l'on voit vers la fin du film, interprétée par Yancy Butler qui allait devenir bien plus tard une figure récurrente des séries B, voire Z, tournant autour de méchantes créatures style crocodiles ou requins ("Shark Week", "Lake Placid vs Anaconda"), même si on avait pu la voir auparavant au côté de Jean-Claude Van Damme dans "Chasse à l'homme".

 

 

En résumé, pour être clair, Savage Weekend a légitimement de quoi décevoir les amateurs de slasher, qui risquent d'être décontenancés sinon déçus par le scénario qui privilégie à outrance l'étude de mœurs au détriment de l'horreur pure. Mais à y regarder de plus près, le film possède des qualités indéniables, comme évoqué plus haut, des passages étonnants détournant les codes du genre, le tout agrémenté d'une bande musicale pour le moins originale, qui colle parfaitement à l'ambiance si particulière de Savage Weekend.

 

Flint



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