Body Puzzle
Genre: Giallo
Année: 1992
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Lamberto Bava
Casting:
Joanna Pacula, Tomas Arana, François Montagut, Gianni Garko, Erika Blanc, Giovanni Lombardo Radice, Bruno Corazzari...
Aka: Mit blutigen Grüssen / Puzzle mortal / Misteria
 

L'inspecteur Michele est chargé d'enquêter sur le meurtre du tenancier d'un salon de thé, assassiné sauvagement de plusieurs coups de couteau dans sa boutique. En parallèle, il est confronté à un événement peu ordinaire s'étant déroulé dans le cimetière municipal, à savoir une profanation de sépulture. Le corps d'un homme a été enlevé de sa tombe, un certain Abraham J. Grant. Michele va donc à la rencontre de sa veuve, Tracy. Or, celle-ci trouve dans son réfrigérateur, le lendemain du crime, un paquet contenant un morceau de chair humaine. Il s'avère qu'il a bien été prélevé sur la victime du salon de thé. Les deux affaires sont donc liées, et le policier va se mettre en quête de rassembler les pièces du puzzle afin d'éviter d'autres crimes. Mais sera-t-il en mesure de stopper ce mystérieux tueur dont le mobile semble incompréhensible ?

 

 

Au début des années 1990, Lamberto Bava a pris un virage décisif dans sa carrière, œuvrant essentiellement pour la télévision dans un créneau entièrement consacré à la fantasy. Il va rencontrer un grand succès populaire dans cette voie, notamment grâce à la série "Fantaghiro", connue chez nous sous le nom de "La Caverne de la rose d'or". Ainsi vont se succéder, tout au long de cette décennie, séries et téléfilms utilisant les mêmes recettes : conte de fées, médiéval-fantastique, légendes populaires... le tout avec d'importants moyens financiers et la présence de grandes vedettes (Franco Nero, Ursula Andress, Anna Falchi, Max von Sydow, Christopher Lee, Brigitte Nielsen...).
Pourtant, au milieu de toutes ces productions télévisuelles à gros budgets, Lamberto Bava va néanmoins tourner un nouveau thriller pour le cinéma, Body Puzzle. Il s'agit d'un giallo alambiqué dans lequel le cinéaste mêle habilement plusieurs thèmes, à savoir le don d'organes, l'amour fou, l'homosexualité masculine et la musique. Sur ce dernier point, il convient d'ailleurs de signaler que la bande originale, due à Carlo Maria Cordio, est relativement anecdotique, même si ce compositeur est l'auteur de partitions marquantes, parmi lesquelles on peut citer Horrible (Joe D'Amato), Aenigma (Lucio Fulci) et Le Sadique à la tronçonneuse (Juan Piquer Simon). Elle est anecdotique parce que la musique de Body Puzzle est en partie axée sur deux morceaux de musique classique : "Jésus que ma joie demeure" de Johann Sebastian Bach et "Une nuit sur le mont Chauve" de Moussorgski. Deux thèmes qui reviennent tels un leitmotiv, dans la mesure où ils déterminent chacun l'humeur du tueur, mélancolique pour Bach et colérique pour Moussorgski. Ainsi "Une nuit sur le mont Chauve" annonce-t-elle les mises à mort particulièrement violentes du criminel, que le réalisateur dévoile dès le teaser comme un être tourmenté, aux portes de la folie, alors qu'il fait semblant de jouer sur un piano désarticulé en se remémorant les circonstances de la mort de son amant.

 

 

Body Puzzle part donc sous de bons auspices et parvient à maintenir un rythme constant jusqu'au retournement final plutôt surprenant, relativement tordu sans que cela ne nuise à l'intrigue. La violence est présente dans les homicides, mais le metteur en scène préfère d'une façon générale laisser la caméra sur le tueur plutôt que sur la victime lors des scènes de meurtre. Le pouvoir de suggestion du spectateur permet de deviner sans peine toute l'horreur de ces crimes, et Lamberto Bava fait preuve de suffisamment de savoir faire afin de ne pas frustrer le public en utilisant systématiquement le hors-champ. Par exemple, lorsque l'assassin tue une institutrice dans une salle de classe où se trouvent des enfants aveugles, la caméra ne montre pas l'impact des coups de couteau portés sur la malheureuse, mais s'attarde sur le visage de l'un des enfants, éclaboussé du sang de la victime.
Pour ce giallo tardif (le genre ayant connu son âge d'or durant la première moitié des années 1970), Lamberto Bava dispose d'un couple fort élégant afin d'interpréter respectivement Tracy Grant (la veuve) et Michele (l'inspecteur de police). Ils sont incarnés par la très belle Joanna Pacula, révélée par "Gorky Park" en 1983, et Tomas Arana, vu notamment dans deux films de Michele Soavi, "Sanctuaire" et "La Secte". Si le réalisateur n'évite pas l'inévitable romance entre les deux personnages (n'arrivant toutefois que dans le dernier tiers du métrage), celle-ci ne plombe cependant pas le rythme du film. De plus, le jeu des acteurs étant convaincant, on pardonnera volontiers à Lamberto Bava d'avoir cédé à ce cliché usé jusqu'à la corde.

 

 

Mais la plus belle surprise de ce film, pour les amateurs du cinéma populaire des années 60 à 80, est probablement l'opportunité de voir plusieurs vedettes du genre parmi les seconds rôles. Un casting de choix composé d'Erika Blanc dans le rôle d'une psychiatre, Gianni Garko dans celui du commissaire de police (le supérieur de Michele), Bruno Corazzari en médecin et Giovanni Lombardo Radice campant un collectionneur de calèches homosexuel. Sans trop s'attarder sur ce quatuor prestigieux qui n'a qu'un temps de présence restreint à l'écran, on peut rappeler quand même qu'Erika Blanc a marqué les esprits avec L'Appel de la chair, Amour et mort dans le jardin des dieux et "La plus longue nuit du diable" (l'actrice écuma aussi le western spaghetti durant des années) ; Gianni Garko fut quant à lui une des figures récurrentes du western italien, incarnant Sartana en maintes occasions (bien qu'on l'ait vu aussi dans des films comme La Nuit des diables et L'Emmurée vivante), tandis que Bruno Corazzari se fit plutôt remarquer dans le polar et le thriller (L'étrange vice de Madame Wardh, Le Tueur à l'orchidée, Rue de la violence, L'homme sans mémoire...). Quant à Giovanni Lombardo Radice, on se rappelle avant tout de lui pour ses rôles tourmentés dans Pulsions cannibales, "La Maison au fond du parc" ou "Cannibal Ferox".

 

 

Body Puzzle laisse la part belle à son tueur, personnage complexe qui orchestre ses meurtres à la manière d'un écrivain de polars. Les scènes en question sont variées, originales et bien filmées. Dans le passage où l'assassin suit sa prochaine victime dans une galerie commerciale, Lamberto Bava joue avec les reflets des silhouettes par le biais des vitres et autres miroirs faisant partie intégrante du décor. Dans celui se situant dans une piscine, le meurtrier plonge sous l'eau et fond sur sa proie tel un prédateur, le long couteau solidement empoigné ne semblant plus être qu'une simple prolongation de son bras.
Oscillant sans cesse entre la peine inconsolable de l'être aimé et la rage démentielle le conduisant au meurtre, il est sans nul doute le personnage central du film, plus encore que la veuve ou le policier.
Dans ce film où la scène finale est en partie calquée sur celle du début, bouclant ainsi la boucle de la meilleure des façons, Lamberto Bava a également participé à l'écriture du scénario, avec l'aide de deux personnes. L'un de ces scénaristes, Teodoro Corra, est avant tout un acteur, qui a joué entre autres dans pas mal de westerns, mais aussi dans "L'Ile de l'épouvante" de Mario Bava. Le second, Domenico Paolella, est un réalisateur relativement connu à qui l'on doit plusieurs films d'aventures, dont "Le Boucanier des îles" et "L'île aux filles perdues" (tous deux avec Michèle Mercier), quelques péplums ("Hercule contre les tyrans de Babylone") et deux nunsploitations de bonne facture, "Les Religieuses du Saint Archange et "Une Histoire du XVIIème siècle".

 

 

Contrairement à son précédent thriller, Le foto di Gioia, il n'y a pas une once d'érotisme dans Body Puzzle, malgré la présence de Joanna Pacula. Les fans de l'actrice polonaise auront pu se consoler avec un film tourné l'année précédente par Mauro Bolognini, "La villa del venerdi", dans lequel Joanna Pacula n'était pas avare de ses charmes (elle était aussi très sexy dans The Kiss, tourné en 1988).
Après ce Body Puzzle, sorti en France en 1992 uniquement dans quelques villes de province, Lamberto Bava retourne donc à sa passion pour la fantasy, ce jusqu'en 2005 où il profitera de la vague en cours du torture-porn pour réaliser un bien glauque "The Torturer".

 

 

Flint



À propos du film :

# Body Puzzle est le cinquième giallo/thriller horrifique réalisé par Lamberto Bava, après "Baiser macabre" (1980), La Maison de la terreur (1983), Midnight Horror (1986) et Delirium (1987).

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