Diabolique docteur Flak, Le
Genre: Expérimental
Année: 1980
Pays d'origine: Belgique
Réalisateur: Jean Jacques Rousseau
Casting:
Victor Sergeant, Alfred Carbillet, Véronique Delforge, Pierre Rousseau, Fabienne Dekeulener, Jean Deprez, Jean Janssens, Sergio Pelizani...
 

Un savant fou nommé Flak a pour objectif de transformer en on ne sait trop quoi un maniaque qui se prend pour Hitler... Le diabolique docteur Flak pense ainsi devenir un génie de la médecine moderne.

 

 

Voilà de quoi traite ce film dont je vais tenter, je dis bien tenter, de vous dire quelques mots. Sachez auparavant amis lecteurs que ce film est quasiment invisible, et ce dans le monde entier, c'est donc une véritable exclusivité qui vous est proposée, celle d'en apprendre un peu plus sur ce long métrage que l'on peut déguster uniquement dans certains festivals, lors de cartes blanches offertes à quelques anti-conformistes notoires, des iconoclastes tels Noël Godin lors du festival d'Amiens en 2003 ou Jean-Pierre Bouyxou à la Cinémathèque en 2007. Malgré les apparences, Le diabolique docteur Flak n'est pas une série Z, il est beaucoup plus. Il dépasse toutes les limites de ce que vous pouvez imaginer, l'impensable est atteint ici ; c'est bien d'anti-cinéma dont il s'agit. La narration, la bande originale, les dialogues, les personnages, l'espace-temps, le jeu d'acteur, tout cela Jean Jacques Rousseau (c'est son vrai nom) n'en a rien à faire, ou plutôt si ; il va tout mettre en oeuvre pour les exploser, les rendre caduques.
Jean Jacques Rousseau est un artiste et son film une véritable oeuvre d'art. Le film - qui s'appelle aussi Dramaticon - commence avec une vue de Paris et un encart indiquant "Paris 20 ans après", alors qu'il n'y avait rien avant ! On suit les tribulations d'une cloche qui va retrouver sa famille en Belgique, et quelle famille ! Son père et sa mère sont plus jeunes que lui, un de ses frères est un travelo militaire à ses heures perdues, un autre un tueur fou obsédé par Hitler qui s'attaque à n'importe qui (j'y reviendrai). La dessus apparaît le fameux docteur Flak, l'homme qui fait passer Kinski pour un monstre de sobriété. Le docteur Flak veut devenir un génie de la médecine moderne.

 

 

L'aventure peut commencer... Mais il est impossible pour moi - ni pour quiconque - de vous raconter en quoi consiste l'aventure, ni celle du film, ni celle vécue par le spectateur. On y voit cependant des nazis faire... n'importe quoi ! Le fils maniaque se prendre pour Mad Max en moto avant d'aller écraser à coups de pied un bébé dégagé de sa poussette (!), étrangler un passant à la sortie d'une église sur laquelle figure une gargouille en forme de tête de mort, on y croise aussi une décapitation par un bourreau indécis devant des nazis improbables, une plante carnivore, un tranchage de bras en gros plan par un docteur Flak orné de deux lampadaires sur la tête, une découpe d'un visage dont les morceaux de chair atterrissent dans un petit bocal, une danseuse érotique moche comme un poux que notre maniaque trouve splendide alors qu'il ne la voit qu'à travers une vitre et des doubles rideaux...
Mais le chef d'oeuvre de Rousseau n'est pas une bizarrerie trash et gore, c'est au-delà de ça, c'est un film inconcevable pour tout être humain, une oeuvre unique, bourrée d'hommages indescriptibles à tous les classiques de l'horreur, Ilsa compris, la musique d'Orange Mécanique et de Suspiria (!) y est reprise n'importe comment, et le miracle fonctionne : on ne s'ennuie pas un quart de seconde. Fascinant. Surtout quand le film vous est présenté par Jean Jacques Rousseau lui-même, cagoulé comme toujours - personne n'a jamais vu son visage - et par son bonimenteur à canne et chapeau haut de forme. Rousseau n'aura tourné que trois films, dont les deux autres il y a peu, et des dizaines de courts métrages. On n'explose pas de rire à tous les instants ici, on n'est pas non plus consterné, il n'est plus question de ridicule, mais de poésie.

 

 

Le diabolique docteur Flak est un film admirable, que peu pourront apprécier, mais si vous arrivez à saisir la portée libertaire et anarchiste de cette oeuvre qui renvoie Ed Wood et Al Adamson au rang d'auteurs chiants et petits bourgeois, alors vous percevrez la poésie en question. Et vous ressentirez aussi l'amour et la sincérité avec lesquelles Rousseau a fait son film. Picasso disait que le bon goût était l'ennemi ultime de la création. Jean Jacques Rousseau l'a entendu.

 

Xawa
A propos du film :

 

# Tourné en français et filmé dans la région de Charleroi.

 

# Le générique est fait main sur des feuilles de papier.

 

# Le diabolique docteur Flak ne sortira sûrement jamais en dvd pour des problèmes de droit, la musique utilisée (les Goblin, Claude Francois notamment) l'ayant été sans accord.

 

# Avant le film étaient proposés à la Cinémathèque trois courts métrages sélectionnés par Jean-Pierre Bouyxou : Barbara rêveuse (Angleterre, années 1970), une compilation d'images oniriques, pop, horrifiques et pornographiques du plus bel effet. Absolument splendide. Apotheosis de John Lennon et Yoko Ono, qui date de 1970 et expose un village sous la neige, puis la caméra s'élevant dans le ciel elle nous montre des paysages enneigés, puis un écran blanc pendant plusieurs minutes, avant de monter au ciel et de caresser les nuages. Surréaliste, magnifique et absurde, comme le film de Rousseau d'ailleurs. Le troisième était Nu lacté de Lionel Soukaz (2002), et suit dans un noir et blanc confus le rasage d'un homme qui finira par tremper son sexe dans un verre de lait. Etrange.

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