Empire des Fourmis Géantes, L'
Titre original: Empire of the Ants
Genre: Science fiction , Agressions animales
Année: 1977
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Bert I. Gordon
Casting:
Joan Collins, Robert Lansing, John David Carson, Albert Salmi...
 

Sacré Bert ! Vingt ans après que l'âge d'or des drive-ins soit passé, il se consacre encore à sa principale préoccupation : le gigantisme monstrueux ! Dans la foulée de son "Soudain les Monstres", il s'attaque donc à "L'Empire des Fourmis géantes", adaptation de HG Wells dans laquelle une poignée d'investisseurs potentiels sont conviés à découvrir un bout de terrain marécageux, promis selon l'agent immobilier local à devenir un futur paradis terrestre. Tout le monde est sceptique, mais c'est pas grave, ça fait une petite sortie au grand air, se disent-ils tous, contents de découvrir qui un joli bateau pour les mener à destination, qui un buffet gratuit, qui une belle blonde etc etc... Mais la virée tournera au cauchemar : déjà il ne fait pas très beau, et ensuite il y a de grosses fourmis géantes nourries à coup de déchets radioactifs qui ne vont pas tarder à semer la désolation dans notre groupe de touristes ou d'employés immobiliers. Fuyons, se disent-ils disent tous alors !

Oui, évidemment, on pourrait légitimement penser que notre bon vieux Bert I. Gordon fait là preuve d'un passéisme confinant à l'anachronisme. Ce ne serait pas faux, tant effectivement certains ingrédients de son film sortent de la naphtaline, en premier lieu le coup des déchets radioactifs pour le coup plus débiles que naïfs : il s'agit tout bonnement d'un baril de produits toxiques qui ont échoué sur l'île, et sur lequel les fourmis sont venues se nourrir. Point à la ligne. Certains films des années 50 n'osaient même pas fournir un prétexte aussi gros, surtout qu'ici il ne s'agit pas de l'incruster dans les dialogues mais bien d'en faire l'introduction, sitôt montrée sitôt oubliée.
Puis vient l'arrivée de personnages bien dans la tradition : un jeune héros courageux, une belle (moui) jeune femme apeurée, un vieux marin taciturne, des vieux dépassés, un playboy sur le retour qui se révélera être un lâche et une agent immobilier mauvaise comme la galle. Liste non exhaustive. C'est tout pour la caractérisation, et ça fait a priori un peu trop léger pour donner autre chose qu'un divertissement bien ficelé, chose que Gordon faisait avec un certain talent dans les années 50, mais qu'il saupoudrait tout de même parfois d'une certaine dose d'intelligence dans les dialogues.

 

 

L'intelligence, cela dit, n'est pas tout à fait absente de "l'Empire des Fourmis Géantes". Mais cette fois, elle n'est plus à rechercher chez les humains, mais chez les monstres ! Car le prologue, en plus de nous parler de radioactivité, nous parle aussi de l'intelligence des fourmis, de la faculté de leur reine à donner des ordres via les phéromones et de leur pratique de l'élevage, puisque tout comme l'homme cultive les bêtes qu'il mangera par la suite, les fourmis cultivent leurs propres futurs repas. Chose qui est très bien vue de la part de Gordon, puisque le film évitera ainsi la routine du cache-cache entre les humains et les monstres pour se concentrer sur la fuite des humains, une fuite qui n'est en réalité rien d'autre que ce que les fourmis préparent pour leurs futures proies. Mais en bon artisan qu'il est, Gordon ne perd pas de vue que le film doit rester un film d'horreur, et que de ce fait il ne suffit pas de montrer les fourmis barrant la route aux humains. Il s'arrange régulièrement pour envoyer un de ses personnage à l'abattoir, généralement en ayant recours à une ficelle qui sera plus tard centrale au genre "slasher" : quelqu'un qui s'isole du groupe, et qui donc devra payer le prix fort.
C'est paradoxalement là que le film se fait le plus problématique : Gordon, lui-même spécialiste en effets spéciaux, n'arrive pas à gérer les attaques des fourmis. Au corps à corps, les opposant aux humains, la caméra se promène dans tous les sens, rendant incompréhensible ce qui figure à l'écran, et annihile toute la férocité de ces attaques. Peut-être s'agit-il d'une façon de ne pas s'attarder sur des monstres dans l'ensemble plutôt moches, qui relèvent soient du caoutchouc, soit, plus souvent, de l'incrustation d'une image de fourmis tournée à part et rajoutée en post-production dans le film. Il est aisé de voir l'artifice : certains plans mettant à l'écran à la fois les humains et les bestioles sentent le bricolage à plein nez, et généralement les fourmis sont isolées du reste de l'écran par un élément du décors, souvent des branches d'arbres. L'arrière plan n'est pas le même du côté des humains et du côté des fourmis, et malgré les efforts consentis pour que l'on y croit, rien ne marche : les acteurs ont eu beau faire comme si ils avaient effectivement eu des fourmis géantes en face d'eux, le comportement des fourmis n'est pas crédibles (on en trouve même parfois qui semblent grimper au ciel, Gordon ayant probablement gommé le vrai arrière plan des stock shot pour rajouter du bleu ciel).

 

 

Ce ratage dans les effets spéciaux est malheureusement un obstacle de taille au plaisir que l'on peut éprouver à la vision du film, et on se dit que finalement, le passage du noir et blanc à la couleur n'a pas joué en faveur du réalisateur. A partir de là, on devra donc se contenter du récit d'aventure dans lequel les personnages essaient de survivre au milieu d'une nature hostile. Car si les fourmis ne sont pas réussies, le look général du film l'est davantage : les personnages avancent dans un marais assez putride et rien n'est fait pour les aider. Mais ce n'est certainement pas sur ce côté "aventures" que voulait jouer Gordon, et de ce fait, son scénario ne présente pas assez d'embûches autre que les fourmis pour être palpitant. Il faudra attendre la dernière partie et la sortie du marais pour que l'intrigue se renouvelle vraiment.
Si la plus grande partie du film s'était concentrée sur la faculté des fourmis à "cultiver" leurs proies, le dernier acte se concentrera lui sur le don qu'a leur reine à transmettre des ordres de façon biologique (et auxquels du coup on est obligés d'obéir). Les humains seront ainsi "endoctrinés" et serviront d'esclaves : ils ont pour mission de se consacrer tout entiers à la fabrique de sucre d'un patelin voisin ! Cela peut certes faire sourire, mais n'empêche qu'à travers ça, Gordon montre qu'il a su faire évoluer ses thématiques entre les années 50 et leur peur des rouges et du nucléaire aux années 70 et leurs théories du complot nées des scandales politiques type Watergate. Aussi ridicule que puisse être la domination des fourmis sur les hommes, elle sert avant tout dans cette dernière partie à démontrer une société dominée par la pensée unique et par la dévotion aveugle à ceux qui nous contrôlent et qui, avec les moyens qui sont les leurs (chez les fourmis, c'est une sorte de gaz émis par la reine) parviennent à endormir nos consciences.

 

 

Si sa forme générale est rudement mal conçue (et encore, j'ai pas parlé des visions subjectives kaléidoscopiques des fourmis !) et que pour une fois la présence de monstres géants a clairement joué contre les intérêts de Bert I. Gordon, on peut en revanche penser que "L'Empire des Fourmis Géantes" annonçait la remise au goût du jour d'un autre genre classique de la science-fiction des années 50 : les envahisseurs invisibles, type "Les Profanateurs de sépultures", dont l'excellent remake (ou plutôt l'actualisation) signé Philip Kaufman sortira l'année suivante.

 

Note : 5/10

 

Walter Paisley
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