Enfant du Diable, L'
Titre original: The Changeling
Genre: Maisons hantées , Drame
Année: 1980
Pays d'origine: Canada
Réalisateur: Peter Medak
Casting:
George C. Scott, Trish van Devere, Melvyn Douglas...
 

Tout d'abord ce qui m'intrigue le plus concernant ce film, c'est son metteur en scène et son parcours singulièrement épars ; né à Budapest il hésitera sans cesse ensuite entre l'Angleterre et les Etats-Unis.
Peter Medak, après avoir fait ses armes sur "Mes funérailles à Berlin" de Guy Hamilton en 1966 comme second réalisateur, puis comme co-producteur de quelques films qui ne sont pas restés dans les annales, ainsi qu'un premier film, "Négatives", en 1968, se tourne alors au début des années 70 vers la télévision ; il oeuvrera alors pour la série "Amicalement votre" avant de tourner son second film "Dieu est mon droit" avec Peter O'Toole puis deux autres fours oubliés aujourd'hui. C'est alors qu'en 1979 il fait un bon coup, surfant sur la vague "maisons hantées", il tourne "The Changeling" avec le toujours excellent George C. Scott.
Las pour Medak, il change alors de registre et nous livre deux films mémorables qui se feront latter la tronche, la bien nommée "Grande Zorro" et le quasi-inconnu "Men's club" (avec Roy Sheider et Harvey Keitel quand même !) ; le bonhomme s'en retourne à la téloche tournant tout et n'importe quoi ("Pour l'amour du risque", "Remington Steele", "Magnum").
Arrivent heureusement les années 90 où il sort coup sur coup quatre bons films, "Les frères Krays", "L'âge de vivre" (en Angleterre, puis convaincu par son pote Gary Oldman, retourne aux States...), "Romeo is bleeding" et "La Mutante 2" ; les propositions stagnant quelque peu, il se tourne à nouveau fin 90 / début 2000 vers la télévision où il ne s'arrête plus de tourner à droite à gauche jusqu'à nouvel ordre.
Citons en vrac : "New-York, unité spéciale", "The wire", "La caravane de l'étrange", "The triangle" et d'autres encore... et bientôt un épisode de la série "Masters of horror".
Voilà, j'espère ne pas avoir trop soûlé le lecteur ou qu'il aura zappé ce prologue s'il lui a paru barbant, mais je trouve la carrière de Monsieur Medak totalement révélatrice d'un artisan qui non seulement se faufile habilement dans les commandes mais ailleurs possède une âme indépendante et personnelle qu'on ne soupçonnerai de prime abord ; pour preuve : cet "Enfant du Diable"...

 

 

John, un musicien-compositeur vit heureux, avec sa femme et sa petite fille jusqu'au jour où victimes d'un accident de la route dont il sera témoin, sa vie bascule tragiquement ; après pas mal de mois de dépression celui-ci trouve l'énergie de remonter plus ou moins la pente, décide de reprendre sa vie en main et accepte alors un poste d'enseignant à l'université de Seattle ; il emménage alors dans une splendide maison d'époque, longtemps inhabitée mais en totale adéquation avec son état d'esprit du moment et son statut de compositeur.
Malheureusement, celui-ci va assez vite déchanter lorsque d’abord les portes vont commencer à s'ouvrir et se fermer d'elles-mêmes et que chaque matin en guise de réveil il subit des cognements assourdissants ; convaincu alors d'une tierce présence, il entreprend de fouiller chaque recoin de la maison et tombe finalement sur une pièce condamnée dans laquelle se trouve des affaires et un fauteuil roulant d'enfant ; ce n'est alors que le début de ses surprises que je dévoilerai pas.
Ce genre de postulat de départ, on le connaît, et il faut se l'avouer, le genre "Maison hantée" pullule davantage de navets que de réussites, et en parlant de réussite, celui-ci en est une bien bonne.
"The changeling" parvient à installer par petites touches une réelle ambiance à la fois romantique et de plus en plus prenante au fil que le film avance ; Peter Medak prend son temps, s'attarde sur son personnage, le fouille en profondeur dans sa solitude mélancolique ; il est à la recherche de lui-même et cette maison trop grande pour lui seul, est à l'instar de son âme, hantée ; elle n'est du reste que la métaphore de ses tourments, et lorsqu'il fouille la maison, c'est une introspection qu'il pratique ; et puis celle-ci le renvoie tellement à ce qu'il a perdu que cette demeure finit par être sa propre identité au final.

 

 

Et faut dire, que tout cela, Peter Medak le filme à la perfection ; toutes les scènes où John erre dans la bâtisse qui semble de plus en plus immense à l'instar de sa quête, sont magnifiques ; fluides, posées, et toutes en retenue, on frémit d'autant plus aisément que le réalisateur arrive à faire en sorte que tout semble s'inverser ; le compositeur se fond si bien dans la maison qu'elle finit par ne plus exister sans lui bref, il la hante tant et si bien qu'elle devient lui-même.
A ce titre, l'un des éléments les mieux exploité du film, c'est le son ; et ceci me semble extrêmement bien vu puisque le héros est compositeur ; et c'est du reste par le son que les scènes les plus effrayantes surgissent, c'est par le son que l'ambiance naît dans son oppression qui va crescendo (un peu à l'instar du classique de Robert Wise) ; la boîte à musique, les cognements sourds, la voix le l'enfant mort sur la bande trouvée dans la chambre, et puis surtout ces battements sourds ne sont pas sans faire penser à un métronome, autant dire que l'on est dans le coeur même de John... Quant à la partition qui vient appuyer le climat, elle reste très classique, presqu'en retrait, même si elle souligne efficacement l'angoisse latente.
Il y a bien deux trois concessions au genre et quelques scènes plus physiques, mais elles sont également fortement réussies ; cette balle rouge appartenant jadis à la fille de John, qui en rebondissant descend du haut des marches fait peur à elle seule, et cette chaise roulante qui s'emballe n'est pas mal non plus ; quoique c'est la seule scène un petit peu hors-jeu dans sa forme au sein de l'harmonie que constitue ce film ; en effet, le fauteuil se met à "attaquer" Georges C. Scott et c'est alors filmé en caméra subjective du point de vue du dit fauteuil, ce qui même si la scène est techniquement bien fichue, reste un peu drôle, au regard de toutes les économies d'effets dont fait preuve partout ailleurs Medak.

 

 

Pour conclure, je dirai que "The Changeling" est un film classique au sens noble du terme, et ce classicisme humble ne fait que contribuer à l'intérêt croissant pour l'histoire de cet homme perdu dans la solitude de ses hantises ; ce film est presque l'antithèse d'un "Amityville" bourré d'effets futiles qui eux n'ont jamais fait peur à personne, avec des personnages dont on se contrefiche tant ils sont dénués d'âme ; et d'âme, "The changeling" en regorge, marquant d'une vraie pierre blanche le genre accédant tranquillement avec sa partition classique au statut de vrai classique.

 

Note : 7,5/10

 

Mallox
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