Woods, The
Genre: Horreur , Epouvante , Drame
Année: 2004
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Lucky McKee
Casting:
Lauren Birkell, Agnes Bruckner, Jane Gilchrist, Bruce Cambell, Emma Campbell...
 

Je rentre vite dans le vif du problème, afin d'évoquer le sérieux dilemme que m'a suscité la vision du dernier film de Lucky McKee. En effet, comment dois-je considérer une oeuvre (c'est d'une oeuvre et non d'un film de plus dont il s'agit là), lorsqu'on sait les déboires qu'il a pu rencontrer avec la production ?
Dois-je le commenter tel qu'il est, ou bien dois-je en parler en spéculant sur ce qu'il aurait dû être ?
Après que le studio d'origine ait changé de propriétaire, ce qui commençait déjà plutôt mal, le film a ensuite été honteusement charcuté par ses débiles et mercantiles producteurs, certaines scènes se sont vues amputées, et la fin qui reste son principal point faible, mal montée, totalement remaniée, jusqu'à la défigurer créant ainsi une disharmonie manifeste avec le reste.
La haine totale, lorsque l'on attendait avec impatience, comme moi, la confirmation, voire l'affirmation d'un cinéaste dont les premiers essais étaient plus que prometteurs, des réussites presque inespérées (May, la belle relecture sombre et poétique du mythe de Frankenstein via les errements d'une jeune adolescente peu ordinaire, et Sick Girl qui, sans être le meilleur opus de la série, réussissait tout de même a être un apéritif de choix).

 

 

Je laisse mon désarroi un instant pour rentrer maintenant dans l'histoire, qui après un générique de toute beauté et une musique faussement euphorique, nous plonge en 1965, au moment où une adolescente (Heather Fasulo / Agnes Bruckner par ailleurs remarquable) ayant quelques troubles de comportement est placée en pension par sa mère et son père (Bruce Campbell qui n'a jamais été aussi sobre, est étonnant).
Acceptée en dépit de son dossier peu flatteur (colères violentes et intempestives, ainsi qu'une très fâcheuse tendance à la pyromanie), celle-ci, sitôt arrivée, capte très vite une ambiance troublante qui règne à l'intérieur de cet endroit dans lequel les pensionnaires lui paraissent bien trop sages, excessivement soumises, et ceux qui gouvernent, employés et professeurs, bien trop étranges.
Elle apprend ensuite que ces derniers ont inspiré à toutes ces filles une immense crainte pour une force supérieure obscure tapie dans les bois environnants, si bien qu'aucune étudiante n'a jamais osé s'y aventurer.
Sa curiosité peu assouvie d'autant qu'elle commence a être victime d'hallucinations visuelles (meurtres à la hache par d'anciennes pensionnaires) et sonores provenant du boisé, et que des pensionnaires commencent à disparaître, les autres étudiantes lui apprennent alors avoir entendu parler d'une légende selon laquelle des sorcières auraient pris le contrôle de l'école il y a plusieurs décennies et hanteraient encore les lieux aujourd'hui. Constatant en plus les comportements de plus en plus étranges des professeurs et autres employés, tout cela ne fait que confirmer ce que les bruits et chuchotements provenant du bois, qu'elle prenait jusqu'alors pour des hallucinations, ne sont pas fortuits... mais quoi alors ?

 

 

Tout ça s'exécute sous nos yeux sans qu'il n'y ait a priori beaucoup de surprises ; nous sommes ici en terrain connu, et l'on se dit en tant que spectateur que l'on assiste là à un maelström de toutes les conventions d'un genre déjà bien galvaudé dont on semble détenir d'avance toutes les clés.
Mais The Woods s'avère un faux digest bardé d'influences, avec comme principal mentor Dario Argento et son "Suspiria" ; de par son contexte déjà (pensionnat de jeunes filles en fleur et sorcières), mais aussi parce que "Suspiria" est clairement emprunté dans plusieurs scènes ; ailleurs également, on a le droit à un hommage à "Evil dead" avec la présence de Bruce Campbell bien sûr, mais aussi dans une surprenante scène du reste, très réussie, dans laquelle les branches s'animent en lianes pour retenir celui-ci qui tente de sauver sa fille. D'autre part, il m'a été difficile esthétiquement de ne pas penser aux "Créatures célestes" de Peter Jackson, de par son traitement rétro avec ses filtres jaunes et sépias.
En effet, la marque McKee s'avère bien présente dans l'histoire elle-même puisque comme dans May ou dans Sick Girl, qui partaient tous deux d'un argument fantastique pour finalement parvenir à d'autres sujets (les troubles adolescentes avec ses cristallisations du désir et son sentiment de solitude…), le cinéaste triture une fois de plus les mythes de l'horreur, payant en route son tribu avec humilité pour les metteurs en scène précités, détourne les codes du genre et les peurs primales qui vont de pair, à savoir l'obscurité, l'isolement, la forêt possédée pour, au final, approcher une fois de plus les angoisses intimes d'adolescentes, et autopsier le mal-être inhérent à cette période.
On notera du reste comment il situe l'histoire dans un contexte de puritanisme rigide rétro, afin également, de continuer à nous dire de manière aussi prononcée que dans ces précédents films tout le mal qu'il pense de l'autorité, de la bienséance et de l'éducation qui ne servent qu'à formater dans des moules bien précis, pour finalement parvenir à brider totalement notre véritable personnalité. McKee malmène avec ténacité croyances et idées reçues, et par extension remet en cause ce qui est censé être bon pour l'homme (le lait que l'on donne à boire aux jeunes pensionnaires ne sert qu'à les préserver dans un état de candeur pour mieux les façonner puis les dominer enfin).

 

 

Dommage alors de constater comment les pontes intermédiaires du cinéma viennent s'arroger le droit de gâcher un film magnifique à tous points de vue par une fin totalement mutilée (comme d'autres scènes qui génèrent ellipses et chutes de rythme flagrantes et incompréhensibles vu la cohérence et l'unité de l'ensemble), une fin donc quasi-incompréhensible qui vient gâcher le nouveau coup de maître d'un réalisateur qui confirme ici tout son talent car, loin de se résumer à un beau guide cinéphilique, il accouche au final d'une oeuvre imparfaite et sensible, originale et poignante, belle et organique bref, confirme sa personnalité hors norme dans le paysage de l'horreur.

Note : 7/10

 

Mallox

A propos du film :


# On restera désabusé quant aux choix des distributeurs et producteurs, vu que le film ne sortira finalement qu'en dvd : on se demandera ce que leur connerie leur rapporte au final et s'ils ne finissent pas par se mordre la queue dans leur mercantilisme dépassé ; on ne pourra plus alors rêver à long terme d'un dvd director's cut, avec ses quelques dizaines de minutes manquantes et un autre montage, afin de pouvoir l'apprécier enfin à sa juste mesure. Evidemment dans le dvd dispo en zone 1 actuellement, Lucky McKee n'a pas souhaité figurer dans les bonus. Du reste il a renié son film.
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