Concerto de la peur, Le
Titre original: La drogue du vice
Genre: Polar , Film noir
Année: 1962
Pays d'origine: France
Réalisateur: José Benazeraf
Casting:
Yvonne Monlaur, Hans Verner, Jean-Pierre Kalfon, Michel Lemoine, Régine Rumen, Sylvie Bréal, Marcel Champel...
Aka: Night of Lust / Notte érotique
 

Nora Rivière travaille dans un laboratoire. A la fin de la journée, l'un de ses collègues, Chevrel, l'invite à boire un verre dans un café. Il paraît anormalement nerveux, sur le qui-vive. Et pour cause, Chevrel est mêlé à un trafic de drogue pour le compte des frères Voltay. Le problème est, qu'en acceptant de travailler pour eux, il s'est attiré l'inimitié de Sacha Markriff, ancien partenaire des deux frangins, et qui désormais travaille pour son propre compte. Sacha est un immigré ayant soif de revanche, avide d'agrandir son territoire tout en réduisant celui de ses adversaires. Dans cette lutte pour le contrôle de la drogue, Sacha fait assassiner Chevrel par un tueur à gages, tandis que Nora, devenue un témoin gênant, est kidnappée par Waldo, le bras droit d'Eric Voltay. Mais un peu plus tard, Fred Voltay est à son tour enlevé par la bande de Sacha. L'affrontement paraît inévitable.

 

 

En dehors de sa passion pour le cinéma allemand des années 30, José Benazeraf a également profondément admiré les polars noirs américains des années 40/50. Non pas les films de Bogart, que Benazeraf détestait, mais ceux mettant en lice John Garfield, George Raft ou encore James Cagney. Aussi, dès qu'il en a eu la possibilité, le cinéaste a pu coucher sur pellicule cet amour du polar noir. Et, effectivement, "Le concerto de la peur", adapté d'un roman de Dominique Dorn, "Le parfum de la peur", baigne totalement dans cette ambiance. Si l'histoire en elle-même est relativement classique, José Benazeraf crée un univers tout à fait particulier en incorporant dans son histoire des personnages atypiques. Eric Voltay est un chef de bande aveugle et musicien, passant des heures à jouer de son instrument favori, la trompette. Pour incarner le truand mélomane atteint de cécité, Benazeraf a choisi Hans Verner, un acteur qui aura été cantonné trop souvent durant sa carrière à des rôles d'officier allemand, à l'instar d'un Rudy Lenoir. On a pu voir également Verner dans "Une ravissante idiote". Dans ce "Concerto de la peur", Hans Verner a donc pour rival un débutant nommé… Jean-Pierre Kalfon. Le moins que l'on puisse dire est que Benazeraf a eu du nez.

 

 

Bien que novice dans le monde du 7ème Art, Kalfon paraît déjà avoir plusieurs années d'expérience, crevant l'écran à chaque fois qu'il est présent. Il s'agit là probablement de l'un de ses plus beaux rôles, où déjà son regard trouble et sa voix à la fois chaleureuse et inquiétante font merveille. Enfin, pour interpréter Waldo, le bras droit fidèle et impitoyable, le réalisateur refait appel au héros de "L'éternité pour nous", à savoir un Michel Lemoine dans une composition également étonnante, et un rôle évolutif puisque de personnage secondaire il deviendra l'un des protagonistes principaux.
Si les hommes jouent évidemment de la gâchette dans ce polar désespéré, les femmes utilisent quant à elles leur corps comme une arme véritable. Des femmes fortes, une fois encore, marque de fabrique de l'auteur, qui, loin d'être soumises, se servent aussi du verbe pour se défendre. Avec elles, les mots fusent comme des balles, les tirades partent en rafales, et malheur à celui qui les sous-estiment. Dans "Le concerto de la peur", les femmes fatales ont pour nom Régine Rumen, Sylvie Bréal, mais surtout Yvonne Monlaur.

 

 

D'abord victime (mais forte dans sa tête, voir le début du film où elle domine le personnage de Chevrel), la jeune et belle laborantine va s'adapter à son nouvel environnement, pourtant hostile, un repaire de dealers. Yvonne Monlaur jouait déjà dans "Le lavandières du Portugal", premier film produit par José Benazeraf, en 1958. Mais c'est en 1960 qu'elle connaîtra la consécration, jouant tour à tour dans trois œuvres majeures du cinéma britannique : "Le cirque des horreurs", "L'empreinte du Dragon Rouge", et "Les maîtresses de Dracula". Hélas, par la suite on ne lui confiera que des seconds rôles, et la française arrêtera sa carrière en 1967.
"Le concerto de la peur" possède une structure narrative peu courante pour l'époque, faite d'un long teaser (treize minutes environ, entamées par un propos du réalisateur et une citation de Montherlant) se résumant à des joutes verbales dans l'esprit Nouvelle Vague de l'époque. Puis survient le générique, et la musique du trompettiste Chet Baker. Le film amorce alors un virage, et le spectateur plonge dans le monde des malfrats, et aussi dans celui des cabarets l'espace d'une séquence où Benazeraf entre d'ailleurs en scène dans un petit rôle. Au fil des années, le cinéaste montrera qu'il est très attaché à l'ambiance des boîtes de striptease, des cabarets de Pigalle, et de sa faune particulière.

 

 

Sorti dans les salles françaises en 1963 sous le titre "La drogue du vice", "Le concerto de la peur" connut un bon succès aux Etats-Unis, rebaptisé "Night of Lust" pour sa commercialisation. Même si le style Benazeraf, et l'esprit Nouvelle Vague peut agacer par moments, le film n'en est pas moins intéressant. Comme c'était déjà notable dans "L'éternité pour nous", le metteur en scène démontre une habileté dans sa manière de filmer, alliant un esthétisme des angles et une science du cadrage. Le Benazeraf première époque est bien aux antipodes des pornos qu'il réalisera à partir de la seconde moitié des années 70. Et des films comme "Le concerto de la peur", qui ressortent aujourd'hui en DVD, permettent de voir une facette plus attrayante de ce cinéaste iconoclaste et provocateur.

note : 7/10

 

Flint
 
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