Electra Glide In Blue
Genre: Polar , Drame , Road-movie
Année: 1973
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: James William Guercio
Casting:
Robert Blake, Billy Green Bush, Mitch Ryan, Jeannine Riley, Elisha Cook Jr., Royal Dano...
Aka: Dérapage contrôlé
 

1973 - Sur son "Electra Glide", le motard de la police américaine John Wintergreen sillonne les routes désertiques de l'Arizona, accompagné de son ami Zipper. Ensemble, ils dressent quelques contraventions ; mais John, plus ambitieux, rêve de devenir inspecteur. Le meurtre d'un vieil homme sera pour lui l'occasion rêvée, mais...

 


A vingt sept ans, le producteur, compositeur et musicien James William Guercio est au sommet de sa carrière artistique. Parmi ses poulains on compte notamment le groupe "Chicago" (vous vous souvenez sûrement de ces hippies barbus qui chantaient "If you leave me now", un des slows les plus crapuleux jamais enregistré). Fils et petit fils de projectionniste, Guercio a passé son enfance dans une salle de cinéma à visionner des classiques comme "la Prisonnière du Désert" ou "L'Homme de la Vallée Perdue". Depuis cette époque, il caresse l'espoir de réaliser un jour un film. Le hasard faisant quelques fois bien les choses, l'un de ses amis, David Picker, le patron de l'United Artist, lui propose de financer un petit film indépendant. Il exige deux conditions sine qua non : ne pas dépasser le budget d'un million de dollars, et terminer le film à une date précise. En contre partie, Guercio reçoit le contrôle artistique total de son film sans aucune ingérence. Il choisit alors de porter un scénario de Robert Boris inspiré d'un fait divers authentique (la mort mystérieuse d'un motard en plein désert).

 


Pour sa première et unique réalisation, James William Guercio conçoit une étude de caractères rarement égalée, tout en réalisant une œuvre captivante et visuellement réussie, soutenue par une interprétation sans faille de Robert Blake (devenu célèbre grâce à la série télé "Baretta"), et une bande son de qualité. Guercio nous présente John Wintergreen, un motard de la police dont le rêve est de devenir inspecteur. En attendant, il sillonne les routes désertiques de l'Arizona avec son coéquipier Zipper, amateur de bandes dessinées et de grosses cylindrées. Sans jamais porter le moindre jugement, Guercio colle littéralement à son personnage qui, malgré ses défauts, devient bien vite attachant. Le spectateur partage alors son obsession et ses désillusions. Car, loin de faire une quelconque apologie de la police, le film dresse un portrait amer et peu flatteur de cette institution, comme le montre le personnage de Zipper, archétype du flic raciste et flingueur, et heureux de l'être. Pour John, ces escapades en moto ne sont qu'un intermède en attendant une éventuelle mutation. Le destin va alors lui donner un coup de pouce : remarqué par un shérif pour son zèle lors d'une pseudo affaire de suicide, John va devenir son chauffeur / disciple. Cette expérience tant attendue sera pour notre héros une douloureuse désillusion. En effet, celui qu'il prenait pour un exemple va s'avérer aussi brutal, raciste et stupide que son coéquipier. Complètement désabusé, John finira quand même par résoudre lui-même l'enquête en découvrant le meurtrier. Lors d'une superbe séquence nocturne, il explique calmement les tenants et aboutissants de l'histoire, et surtout comment le shérif, trop occupé à tabasser les hippies, est passé à côté de l'essentiel. John, n'ayant plus que du mépris envers une profession qu'il admirait, décide alors de retourner vers sa destinée et sa moto.

 


Inévitablement, "Electra Glide in Blue" s'est vu comparé à l'autre film de motards : "Easy Rider". Pourtant, à part la présence des motos, les deux œuvres n'ont que peu de choses en commun. En effet, les héros d'"Easy Rider" vivent le rêve américain en le fuyant (moto, drogue...) ; alors que le héros d'"Electra Glide" va le vivre de l'intérieur en l'affrontant, avec un résultat qui en fin de compte sera le même. Pour ma part, le film de Guercio est nettement supérieur à son surestimé et intouchable homologue, qui est devenu au fil du temps le symbole et l'emblème d'une génération (les hippies), au contraire du film de Guercio qui est plus un instantané d'une époque troublée. Un personnage à la John Ford égaré dans un film de Peckinpah, voilà peut être comment résumer le film de Guercio. En effet, dans un monde brutal ou tout le monde semble se haïr (constat de l'Amérique post Viet Nam), les policiers haïssent les hippies et vice versa. John est un anachronisme, policier intègre (il n'hésite pas à dresser une contravention à un inspecteur furieux) et réfléchi (contrairement à son coéquipier, il ne sort que rarement son arme). Ancien du Viet Nam (ce qui explique peut-être son aversion envers toute forme de violence), il ne vit que pour son rêve (qui en fait va s'avérer bien utopique), qu'il arrivera néanmoins à exaucer pendant quelques instants. Mais le rêve américain selon Guercio est bien amer. Certes, tout le monde semble en mesure de le réaliser, mais à quel prix ! Pour John, c'est renoncer à des valeurs qui lui sont chères ; pour son co-équipier, ce sera bien pire.

 


Malgré la gravité du propos, Guercio ne tombe jamais dans le drame, et parsème au contraire son film de quelques moments de comédie surréaliste. On peut citer pour exemples John qui drague deux midinettes devant le marchand de glaces, en leur racontant des anecdotes sur Alan Ladd ; ou le même essayant son costume pour s'apercevoir une fois dehors qu'il a oublié son pantalon. On a même droit à quelques clins d'œil savoureux comme les photos des héros de "Easy Rider" qui servent de cible aux policiers. Cerise sur le gâteau, le réalisateur réussit à intégrer à son histoire une réjouissante poursuite en moto, filmée dans les règles de l'art (avec des effets de ralentis particulièrement efficaces). C'est ce mélange constant de rythme et de genre quelque fois atypique et surprenant qui rend le film passionnant d'un bout à l'autre. En résumé, il s'agit d'une œuvre rare, épique, majeure et essentiele, qu'il faut avoir vu et qui démontre une nouvelle fois la richesse du cinéma américain des années septante.

 

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