Warren Ellis
John Cassaday
Laura Depuy, David Baron, Laura Martin
Alex Nikolavitch, Jérémy Manesse
L'organisation Planetary a pour vocation de mettre à jour les secrets d'un monde décidément bien étrange, et parcourt le monde pour rassembler les informations et cartographier tous les mystères que des décennies ont dissimulés. Elijah Snow, l'homme virtuellement immortel et capable de geler n'importe quoi, dernière recrue de Planetary, remplace le précédent "troisième homme" aux côtés de Jakita Wagner, une jeune femme à la force colossale et du Batteur, capable d'entrer et de pirater tous les réseaux d'information par la pensée. Ensemble, ils décident d'utiliser leurs nouvelles connaissances pour prendre une part plus active dans la protection de l'humanité et vivront de nombreuses aventures. Une humanité menacée entre autres par "les quatre", un quatuor d'individus aux capacités également étonnantes mais aux ambitions nettement moins philanthropiques.Rendu amnésique au départ de l'histoire, Elijah Snow devra pour sa part tenter de renouer avec son passé et découvrir l'identité du mystérieux "quatrième homme", mentor de l'organisation. Pour entrer dans l'univers de cette étonnante et ô combien foisonnante série comprenant cinq tomes (+ un album crossover dont je parlerai une autre fois), il est préférable de savoir dans quoi on met les pieds. Dans le cas contraire, le touriste risque quelques déconvenues, ou encore de ne pas bien saisir le propos ambitieux de Warren Ellis, ne voyant dans le premier tome qu'une série d'historiettes (une vingtaine de pages environ pour chacune) sans lien entre elles si ce n'est la présence du trio de base, mi-superhéros mi-agents très spéciaux, et à la rigueur quelques adversaires récurrents. Hors, Planetary s'inscrit dans une perspective plus vaste, un puzzle narratif dont on apprend, au fur et à mesure, à rassembler les pièces éparses. Cette approche fragmentée qui en appelle à une structure qui l'est tout autant demande de la part du lecteur un certain effort et une certaine patience, un peu à l'instar des séries d'Andreas.La richesse de la série est telle qu'elle apparaît comme un kaléidoscope d'informations mais aussi d'influences, de thèmes, de références, puisées dans toute la culture populaire du XXiè siècle en matière de fantastique et de science-fiction où les considérations sur la physique quantique s'allient à l'ésotérisme. Plus concrètement, nous voyons ainsi notre trio affronter un monde peuplé de monstres gigantesques, de savants fous, de fourmis géantes, de cosmonautes perdus dans l'infini, de justiciers masqués, de fantômes vengeurs, de complots militaires et de secrets ancestraux. Mais Planetary fait également honneur aux héros populaires en multipliant les clins d'oeil, en faisant apparaître certains sous leur véritable patronyme (comme Sherlock Holmes), en déguisant d'autre sous des identités différentes mais parmi lesquels l'amateur un tant soit peu éclairé pourra reconnaître des avatars de Tarzan, Fu-Manchu, Doc Savage, The Shadow, Dracula, l'homme invisible, tous faisant par ailleurs partie d'une de ces ligues qu'on peut retrouver dans certains comics.Les super-héros ne sont pas négligés, même si le lecteur aura parfois la surprise du rôle que leur fait jouer Warren Ellis. Ainsi, les fameux "quatre", ennemis de Planetary, sont à l'évidence calqué sur les Quatre Fantastiques, mais dans une version négative. Sous une intrigue sinueuse, fragmentée, parfois digressive, ayant recours à pas mal de flash-backs et un propos où le thème du multivers joue un rôle important (avec la Plaie, cette espèce de portail ouvert sur des mondes parallèles) le scénariste se livre à un vaste jeu métatextuel mais aussi revisite le XXiè siècle - et un peu le XIXiè - et ses fantasmes issus de l'imaginaire collectif, entre expérimentations monstrueuses durant la guerre froide et son climat de paranoïa, conquête spatiale, rêve du surhomme, contact avec des extraterrestres et j'en passe. Et c'est bien Elijah Snow, l'homme né en 1900 et qui a traversé tout le siècle comme témoin d'une foule de mystères et parfois acteur de premier plan, qui sert de fil rouge à cette généalogie de l'incroyable, tel une sorte de Benjamin Button de SF qui semble en avoir fréquenté tous les arcanes mais tout en conservant plus ou moins le même âge.La division en courts chapitres, qui ne se suivent pas toujours et se situent parfois en dehors de l'intrigue principale pour explorer d'autres chemins, peut surprendre comme je l'ai dit. On pourra ainsi demeurer perplexe lors d'un chapitre, visuellement assez psychédélique et au propos un peu obscur, montrant Snow rendant visite à une sorte de shaman qui le mènera à visiter l'au-delà de l'infini petit qui ne serait autre que le royaume des âmes ou encore celui qui a trait à la mystique aborigène du "temps du rêve", concept d'un espace au-delà du nôtre où la réalité est née. Le temps de quelques chapitres de ce genre, on se croirait dans l'univers ésotérique d'un Jodorowsky, l'emphase kitch en moins. Heureusement, Ellis a l'intelligence de ne pas trop insister sur ces aspects et, dès le chapitre suivant, sait revenir aux considérations plus terre-à-terre du roman d'aventures et ses péripéties. Ceux qui auront apprécié le travail graphique de John Cassaday sur l'excellent Je suis légion publié aux Humanoïdes Associés ne devraient pas être dépaysés.Vu l'éclectisme dans l'inspiration dont fait preuve le scénariste, couleurs et découpages varient également, pour créer des ambiances parfois forts contrastées selon les chapitres et dont les couvertures elles-mêmes donnent déjà une idée.En conclusion, une série riche, intelligente, cohérente malgré ses détours et qui ravira les amateurs de science-fiction et de culture populaire par ses nombreuses références. Tome 1 : Tout autour du monde et autres histoiresTome 2 : Le quatrième hommeTome 3 : Adieu, vingtième siècleTome 4 : Enigmes et percussionsTome 5 : Le dernier mystère Note : 9/10 Vorpalin
L'organisation Planetary a pour vocation de mettre à jour les secrets d'un monde décidément bien étrange, et parcourt le monde pour rassembler les informations et cartographier tous les mystères que des décennies ont dissimulés. Elijah Snow, l'homme virtuellement immortel et capable de geler n'importe quoi, dernière recrue de Planetary, remplace le précédent "troisième homme" aux côtés de Jakita Wagner, une jeune femme à la force colossale et du Batteur, capable d'entrer et de pirater tous les réseaux d'information par la pensée. Ensemble, ils décident d'utiliser leurs nouvelles connaissances pour prendre une part plus active dans la protection de l'humanité et vivront de nombreuses aventures. Une humanité menacée entre autres par "les quatre", un quatuor d'individus aux capacités également étonnantes mais aux ambitions nettement moins philanthropiques.Rendu amnésique au départ de l'histoire, Elijah Snow devra pour sa part tenter de renouer avec son passé et découvrir l'identité du mystérieux "quatrième homme", mentor de l'organisation. Pour entrer dans l'univers de cette étonnante et ô combien foisonnante série comprenant cinq tomes (+ un album crossover dont je parlerai une autre fois), il est préférable de savoir dans quoi on met les pieds. Dans le cas contraire, le touriste risque quelques déconvenues, ou encore de ne pas bien saisir le propos ambitieux de Warren Ellis, ne voyant dans le premier tome qu'une série d'historiettes (une vingtaine de pages environ pour chacune) sans lien entre elles si ce n'est la présence du trio de base, mi-superhéros mi-agents très spéciaux, et à la rigueur quelques adversaires récurrents. Hors, Planetary s'inscrit dans une perspective plus vaste, un puzzle narratif dont on apprend, au fur et à mesure, à rassembler les pièces éparses. Cette approche fragmentée qui en appelle à une structure qui l'est tout autant demande de la part du lecteur un certain effort et une certaine patience, un peu à l'instar des séries d'Andreas.La richesse de la série est telle qu'elle apparaît comme un kaléidoscope d'informations mais aussi d'influences, de thèmes, de références, puisées dans toute la culture populaire du XXiè siècle en matière de fantastique et de science-fiction où les considérations sur la physique quantique s'allient à l'ésotérisme. Plus concrètement, nous voyons ainsi notre trio affronter un monde peuplé de monstres gigantesques, de savants fous, de fourmis géantes, de cosmonautes perdus dans l'infini, de justiciers masqués, de fantômes vengeurs, de complots militaires et de secrets ancestraux. Mais Planetary fait également honneur aux héros populaires en multipliant les clins d'oeil, en faisant apparaître certains sous leur véritable patronyme (comme Sherlock Holmes), en déguisant d'autre sous des identités différentes mais parmi lesquels l'amateur un tant soit peu éclairé pourra reconnaître des avatars de Tarzan, Fu-Manchu, Doc Savage, The Shadow, Dracula, l'homme invisible, tous faisant par ailleurs partie d'une de ces ligues qu'on peut retrouver dans certains comics.Les super-héros ne sont pas négligés, même si le lecteur aura parfois la surprise du rôle que leur fait jouer Warren Ellis. Ainsi, les fameux "quatre", ennemis de Planetary, sont à l'évidence calqué sur les Quatre Fantastiques, mais dans une version négative.
Sous une intrigue sinueuse, fragmentée, parfois digressive, ayant recours à pas mal de flash-backs et un propos où le thème du multivers joue un rôle important (avec la Plaie, cette espèce de portail ouvert sur des mondes parallèles) le scénariste se livre à un vaste jeu métatextuel mais aussi revisite le XXiè siècle - et un peu le XIXiè - et ses fantasmes issus de l'imaginaire collectif, entre expérimentations monstrueuses durant la guerre froide et son climat de paranoïa, conquête spatiale, rêve du surhomme, contact avec des extraterrestres et j'en passe. Et c'est bien Elijah Snow, l'homme né en 1900 et qui a traversé tout le siècle comme témoin d'une foule de mystères et parfois acteur de premier plan, qui sert de fil rouge à cette généalogie de l'incroyable, tel une sorte de Benjamin Button de SF qui semble en avoir fréquenté tous les arcanes mais tout en conservant plus ou moins le même âge.La division en courts chapitres, qui ne se suivent pas toujours et se situent parfois en dehors de l'intrigue principale pour explorer d'autres chemins, peut surprendre comme je l'ai dit. On pourra ainsi demeurer perplexe lors d'un chapitre, visuellement assez psychédélique et au propos un peu obscur, montrant Snow rendant visite à une sorte de shaman qui le mènera à visiter l'au-delà de l'infini petit qui ne serait autre que le royaume des âmes ou encore celui qui a trait à la mystique aborigène du "temps du rêve", concept d'un espace au-delà du nôtre où la réalité est née. Le temps de quelques chapitres de ce genre, on se croirait dans l'univers ésotérique d'un Jodorowsky, l'emphase kitch en moins. Heureusement, Ellis a l'intelligence de ne pas trop insister sur ces aspects et, dès le chapitre suivant, sait revenir aux considérations plus terre-à-terre du roman d'aventures et ses péripéties. Ceux qui auront apprécié le travail graphique de John Cassaday sur l'excellent Je suis légion publié aux Humanoïdes Associés ne devraient pas être dépaysés.Vu l'éclectisme dans l'inspiration dont fait preuve le scénariste, couleurs et découpages varient également, pour créer des ambiances parfois forts contrastées selon les chapitres et dont les couvertures elles-mêmes donnent déjà une idée.En conclusion, une série riche, intelligente, cohérente malgré ses détours et qui ravira les amateurs de science-fiction et de culture populaire par ses nombreuses références.
Tome 1 : Tout autour du monde et autres histoiresTome 2 : Le quatrième hommeTome 3 : Adieu, vingtième siècleTome 4 : Enigmes et percussionsTome 5 : Le dernier mystère
Note : 9/10
Vorpalin