Morphine
Genre: Roman graphique , Fantasy
Année: 2012
Pays d'origine: France
Editeur: Editions Emmanuel Proust
Collection: Atmosphère
Scénario:
Juliette Fournier
Dessin:
Juliette Fournier
Couleurs:
Juliette Fournier
 

Morphine est une curieuse petite fille. Son job ? Elle "chasse" pour un éminent Professeur d'étonnantes créatures appelées "Chimères". Or la capture d'une chimère supérieure à toutes les autres s'accompagne, pour Morphine, d'étranges visions. Soudain, des papillons de nuit, avec un oeil sur l'abdomen, gravitent autour d'elle...C'est en surmontant ces visions qui la hantent qu'elle apprendra qui elle est vraiment.

Cette maison d'édition a la réputation de proposer des albums souvent audacieux et singuliers, comme en témoignent les oeuvres de Pascal Croci ou plus récemment l'adaptation du roman de Dick Do androïds dream of electric sheep ? La qualité est toujours présente au niveau de la présentation (c'est aussi le cas pour Morphine) même si, du coup, le prix de l'album s'en ressent. Tant que j'y suis, j'en profite pour noter quand même quelques erreurs de typographie indignes d'une maison qui prétend accorder "un soin particulier à la fabrication et au design". Mais ne chicanons pas.

J'ai surtout été intrigué par une couverture au style manga évident, ce qui est bien la première fois à ma connaissance chez cet éditeur.

Juliette Fournier fait partie de cette génération de jeunes auteur (e)s français (es) qui s'illustrent dans le "manga de luxe" si on peut dire, avec des planches plus soignées et une présentation/édition à l'européenne.

Et on est d'emblée interpellé par un dessin certes assez naïf, mais plaisant et, surtout, une colorisation qui privilégie les tons chauds. L'ensemble donne donc une impression très agréable et plutôt gaie, voir enfantine, du moins en apparence. De plus, l'auteure note dans ses influences le cinéma d'animation et, effectivement, les planches donnent souvent le sentiment de se trouver devant une adaptation en BD d'un japanimé des studios Ghibli. Bref, c'est joli, soigné, frais, "kawaï" (en japonais dans le texte ^^).

 

 

 

 

Côté scénario, je ne peux m'empêcher de remarquer au passage que l'accroche de quatrième de couverture "Quand Miyazaki rencontre David Lynch ?" est à la fois facile, opportuniste (il faut bien appâter le chaland avec des références prestigieuses) et fausse. Car il ne suffit pas à une oeuvre de s'autoriser quelques échappées oniriques pour être "miyazakienne", pas plus que d'être un peu étrange ou mettre un oeil sur le dos d'un papillon de nuit pour être "lynchienne".

 

Ceci dit, l'histoire imaginée par Juliette Fournier est relativement originale, intriguante, et surtout crée une atmosphère très particulière vite palpable et qu'il est difficile de définir. Peut-être est-ce dû en partie au décalage entre une imagerie parfois enfantine (la fillette prenant le thé en compagnie d'un loup dessiné de manière rudimentaire, une scène qui pourrait rappeler les illustrations de St Exupéry pour Le Petit Prince) et un scénario/un propos plus complexe qui ne destine pas l'album à un jeune public.

Car, après une première partie aux allures de récit d'aventures assez limpide où notre duo est chargé de trouver un poisson étrange baptisé "Smiling fish" dans une petite ville où pullulent chasseurs de chimères dont la seule motivation est le prix qu'ils pourront en obtenir, le scénario prend une direction plus sombre et l'ambiance devient peu à peu plus oppressante. Exit les "chasses" aux Chimères : Morphine, l'enfant sans passé apparue un soir d'hiver, commence à avoir des visions qu'elle ne s'explique pas, mais qui l'angoisse et on se focalise davantage sur le personnage assez trouble du professeur Wolfgang - employeur de Morphine et fabricant de chimères à ses heures - lancé dans une quête obsessionnelle pour découvrir le secret de fabrication du génie invisible (que l'on connaît sous le nom de Grand Sphinx) qui a créé les "véritables" Chimères et à côté desquelles celles réalisées par Wolfgang pour une clientèle fortunée ne font office que de pâles pis-aller.

Ajoutons l'existence d'une Guilde que le savant a un fâcheuse tendance à contrarier et une Morphine qui se dirige lentement mais sûrement vers la découverte de ses origines.

 

Dommage que l'apparence des Chimères elles-mêmes, censées être l'oeuvre audacieuse d'un mystérieux démiurge, ne sont guère mémorables par leur aspect très rudimentaire et banal. Sans doute ce détail fâcheux est-il imputable au style de Juliette Fournier, proche du dessin animé pour la jeunesse. On est tout de même plus proche de pseudo-Pokémon que de créatures à la sophistication autrement plus fascinante. Heureusement, l'histoire est loin de se limiter à ces bestioles.

Malgré tout, je ne voudrais pas finir cette chronique sur un reproche : Morphine est un album qui reste plaisant et ne manque pas de charme, graphiquement agréable et chaleureux dans le choix de ses tons proches des oeuvres d'un Mattoti par exemple, bénéficiant d'une histoire singulière qui met en balance deux types de création aux motivations divergentes (la première mercantile, la seconde plus personnelle et reflet des hantises du créateur) et qui baigne dans une atmosphère mystérieuse.

Je conseille toutefois l'emprunt plutôt que l'achat.

 

Note : 7/10

 

Vorpalin

 

A propos de cette BD :

 

- Blog de l'auteur : http://juliettefournier.canalblog.com/

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