Cet album est paru en 1998. Cette critique est écrite en 2010. Entre les deux dates ? Douze ans, certes, merci aux lecteurs mathématiciens. Mais surtout, plus d'une trentaine d’albums de la série Donjon, dont "Cœur de Canard" fut le premier épisode. Sfar et Trondheim ont profité de ces douze années pour devenir des stars de la bande-dessinée française, et pour faire de cette histoire qui avait commencé comme une blague une saga tentaculaire et ambitieuse à plus d’un titre.
Mais n’allons pas trop vite, et défendons-nous contre la tentation de faire de la critique de cet album précis celle de toute une saga.
L'exercice est difficile, mais j’ai foi en mes forces. Je saurai ne parler que de "Coeur de Canard". Juré. Enfin... Je vais essayer.

Herbert est un employé du Donjon. Un employé feignant et tout à fait remplaçable, qui n'a qu'un rôle de messager subalterne dans l'entreprise surpuissante et économiquement très viable qu'est le Donjon.
Oui, d'ailleurs, hein, c'est quoi, le Donjon ? C'est un immense château visible à des jours de marche. Un château rempli à ras-bord de monstres belliqueux et de trésors légendaires. Deux raisons qui attirent à lui tout un tas d'aventuriers chevronnés dont les yeux brillent à la perspective d'une bonne bagarre et d'un bon butin.
Sauf que le Gardien du Donjon, un vieux grippe-sou aguerri au monde et à ses travers, connaît son affaire, et ne laisse jamais les aventuriers aller bien loin dans son territoire. Les suscités monstres belliqueux sont ses salariés, et le "business plan" du Donjon est rôdé : les aventuriers viennent pour les trésors, se font tuer, et laissent derrière eux leurs armes et artefacts, ce qui ne fait qu'augmenter le butin de guerre du Donjon, et donc son attrait auprès des autres aventuriers du pays. De temps en temps, les monstres ont pour ordre de laisser repartir quelques visiteurs sains et saufs, les bras chargés d’armes légendaires et de bijoux magiques. C'est le budget publicité.
Bref, une affaire qui marche.
Mais revenons-en à Herbert, un canard pleutre qui n'a qu'un rôle administratif au sein de cette belle entreprise... Du moins jusqu'à ce que, suite à un hasard malheureux, il se retrouve avec une ceinture maudite autour de la taille et une mission secrète sur les bras.
Secondé de Marvin, le dragon garde du corps du Gardien, Herbert va devoir remonter la piste d'une secte cherchant à prendre le contrôle du Donjon. Beaucoup de dangers l'attendent... Et sa ceinture maudite lui refuse le droit de se servir de l'épée qu'elle protège (ou de quelconque autre arme, d'ailleurs) tant qu'il n'aura pas accompli trois hauts faits... Ce qui va s'avérer difficile vu son manque de courage et sa force tout à fait relative...

 

 

Les personnages sont des animaux anthropomorphes. Les dialogues sont parfois à pleurer de rire. Le dessin, très coloré, effleure du doigt une esthétique "gribouillis d’enfants" sans jamais irriter la cornée. Herbert est un personnage d'un comique total. Et l’univers global de "Cœur de Canard" est un hommage aux poncifs de l’heroic-fantasy qui s'approche de la parodie sans y sombrer complètement.
Oublions la narration expérimentale et l’univers de plus en plus sombre qui ont suivi ce tout premier album, et savourons-le pour ce qu'il est : une proposition comique mais cohérente dans l’univers de la bande-dessinée française. Une proposition tout à fait réussie.

Note : 8/10

 

Vincent

 

A propos de cette BD:

 

- Site de l'éditeur : http://www.editions-delcourt.fr/