A la vue de Mirror Mask, on pouvait se demander ce qu'il y avait de si bien à voir travailler McKean et Gaiman ensemble. Je dois dire que je l'attendais ce film, imaginez donc ce que pouvait donner l'alliance de deux prodiges ! Et pourtant... Si l'univers visuel de McKean tient du génie et si le scénario de Gaiman proposait quelques bonnes choses, Mirror Mask n'a pas eu sur moi l'effet escompté... Pourtant, les deux hommes ont débuté ensemble dans l'univers du Comic. Et de quelle façon ! Car ce Violent Cases, première véritable collaboration entre les deux hommes, est absolument génial, que dis-je fabuleux ! Il y a plusieurs façons de lire ce comic, ou plutôt ce roman illustré, ce délire graphique, ce chef-d'oeuvre du verbe.
Dès la couverture, peinture de McKean, on a compris. Sous ce faux Bacon se cache une réalité insaisissable, un univers fait de distorsions, de souvenirs, que jamais le narrateur n'arrive à véritablement fixer, où tout se mélange et où tout fuit. En parcourant les pages de ce petit bijou, on est frappé par les formats des cases, les matières utilisées, fausses photos, peintures, crayonnés, dessins primitifs etc...Un véritable déluge de beauté et d'originalité.
Violent Cases commence sur un personnage, Gaiman lui-même. Un Gaiman qui se souvient d'un épisode de son enfance, d'un homme qui a connu Al Capone. Au détour des pages on trouve alors des références aux grands mythes du film noir, on retrouve une ambiance étrange où perle la mélancolie, la tristesse, des images sur lesquelles viennent se greffer une voix monocorde, celle de l'auteur. Beau à pleurer, triste à pleurer.
Drôlement original ce livre qui n'a pas véritablement d'histoire mais qui nous plonge dans d'étranges sentiments, dans un état bizarre...A la limite du surréalisme. Très court, trop court, Violent Cases se lit, se regarde et peut-être même s'écoute.
Etrangement, on retrouve dans ce comic des délires graphiques, des cadrages pareils à ceux de Sandman, preuve que Gaiman scénariste ne se contente pas d'écrire une situation et quelques dialogues, non, il cherche, il agence et il invente, allant là où personne d'autre n'est allé avant lui.
Voilà un livre beau tout simplement, l'histoire d'un homme qui se souvient de son enfance, de son père qui est un géant pas toujours sympa, d'un magicien qui l'effraie et qui rêve d'Al Capone et de cinéma. C'est l'histoire d'un homme qui a attrapé une drôle de maladie, la nostalgie, l'histoire d'un homme qui se rend compte combien tout ce qui était beau n'a pas fichu le camp mais est resté derrière lui, là bas, dans son enfance pas forcement la plus belle mais qui fut la sienne. Peut-être est-ce pour cela que Gaiman est devenu l'un des plus grands conteurs de notre époque et Mc Kean le plus grand illusionniste qui soit à mon avis.
Violent Cases est court, trop court mais c'est plus qu'un chef-d'oeuvre, c'est une oeuvre et jamais Gaiman n'a été aussi proche de nous. Ecoutez-le murmurer à votre oreille. Fermez les yeux...
Note : 10/10
Le Cimmerien
A propos de ce roman graphique :
- Violent cases a été édité en France par Zenda en 1992 puis par Au Diable Vauvert en 2006.
- Site de l'éditeur : http://www.urban-comics.com/