Je suis une légende
Titre original: L'ultimo uomo della Terra / The Last Man on Earth
Genre: Fantastique , Anticipation , Post-apocalypse
Année: 1964
Pays d'origine: Italie / Etats-Unis
Réalisateur: Sidney Salkow & Ubaldo Ragona
Casting:
Vincent Price, Franca Bettoja, Emma Danieli, Giacomo Rossi Stuart, Umberto Raho, Christi Courtland, Antonio Corevi, Ettore Ribotta..
 

Aucune voiture le long des autoroutes. Personne ne marche dans la rue. Les rares humains encore visibles dans cette grande métropole sont des cadavres. Il semble que l'humanité ait été détruite par un terrible fléau ! Le scientifique Robert Morgan est immunisé des germes qui ont causé ce désastre dont il reste l'unique survivant... Jusqu'à ce que les victimes de la peste reviennent mystérieusement à la vie et se transforment en vampires assoiffés de sang. Les gousses d'ail qu'il parsème autour de son habitation ne sont pas suffisantes pour tenir en respect ces démons. A la nuit tombée, ils encerclent la maison et tentent, tant bien que mal, d'y pénétrer. Morgan doit essayer de découvrir le lieu où ils reposent, et les détruire... Sa vie en dépend.

 

 

Lorsque le roman de Matheson fut publié en 1954, il attira immédiatement l'attention des producteurs. Le premier à réagir fut le patron du studio anglais Hammer, qui invita le romancier en Angleterre pour écrire une adaptation de son roman. Le film, intitulé "The Night Creatures", devait être réalisé par Val Guest, mais fut abandonné car le scénario, jugé trop pessimiste, se vit refusé par la censure britannique. Quelques années plus tard, après une autre adaptation avortée (pour Fritz Lang), Matheson travailla sur un nouveau projet (cette fois, en Italie) nommé"The Last Man on Earth". On ne sait pas si Matheson utilisa le matériel qu'il proposa à la Hammer ; quoi qu'il en soit, l'auteur n'approuva guère les choix de la production, au point d'utiliser un pseudonyme (ce qui lui permettait malgré tout d'être payé).
Drôle de destinée pour ce film qui resta longtemps oublié et inédit, mais qui, par un incroyable imbroglio au niveau des droits, tomba dans le domaine public avec l'avènement d'internet et l'explosion du DVD. Le film revînt alors au premier plan (plusieurs éditions ont ainsi vu le jour aux Etats-Unis) car il avait la flatteuse réputation d'être l'adaptation la plus fidèle du roman de Matheson.

 

 

Malheureusement, il faut bien avouer que l'oeuvre est loin d'être impérissable. L'intérêt est plus thématique que cinématographique car, lorsqu'on visionne "The Last Man on Earth", on est étonné par les similitudes avec une certaine "Nuit des Morts Vivants" (que Matheson considère comme la meilleure adaptation de son roman). En effet, Romero fait plus qu'emprunter certains éléments du film de Sidney Salkow & Ubaldo Ragona ; il copie la démarche des vampires (qu'il transforme en zombies), pompe allégrement des plans entiers comme le siège de la maison et accentue le défaut majeur du film (l'insouciance de la réalisation) pour restituer le côté reportage "pris sur le vif", appuyé par le noir et blanc.
Alors que dans les deux dernières adaptations en date ("The Omega Man" avec Charlton Heston et "Je suis une légende" avec Will Smith), le salut de l'humanité passait par le personnage de Neville (ici Morgan) et son sang, seul antidote capable de sauver les non contaminés. Dans cette première version, Neville/Morgan (le héros change de nom on ne sait pas pourquoi ?) n'est plus la solution mais bien le problème, puisqu'une nouvelle race hybride est née grâce à un vaccin à base de sang défibriné, transformant les utilisateurs en un amalgame entre les vampires (car ils sont contaminés) et les humains (ils ont réussi à neutraliser les effets de la maladie). Ces néo-zombies représentent la nouvelle évolution de l'homme, et Morgan n'est plus que le reliquat d'une époque révolue. Il est devenu ce qu'il combattait, un monstre qui n'a plus sa place dans cette nouvelle société. Et dans sa croisade purificatrice, il est devenu une menace, car il supprime les prétendants néo-vampires ; ces derniers décident donc de l'éliminer.

 

 

Cette nouvelle espèce n'apparaît pas dans les dernières versions cinématographiques qui simplifient la donne à deux camps (les contaminés et les non contaminés). Par contre, deux idées (qui ne sont pas dans le roman mais figurent dans "The Last Man on Earth") seront reprises dans les versions ultérieures : la transfusion sanguine (donc le vaccin au mal), et la profession de Neville/Morgan, qui devient scientifique.
Le roman de Matheson aborde un thème intéressant et ambitieux qui ne s'accorde guère avec ce film peu convaincant, dont le budget réduit peine à restituer l'ampleur du drame. L'une des pierres d'achoppement entre Matheson et les producteurs était le choix de Vincent Price dans le rôle titre. Il faut malheureusement avouer que le romancier avait raison, non pas que le grand Vince joue mal, mais son jeu outrancier, s'il fait merveille dans les adaptations de Poe, de Corman ou dans "L'abominable Dr Phibes", ne convient absolument pas dans le cadre du film. Ajoutons que l'on a beaucoup de mal à imaginer que Price puisse avoir survécu aux attaques des zombies, tant il paraît amorphe dans l'action pure (voir la poursuite finale qui a l'air d'être totalement improvisée). Heureusement, le film comporte plusieurs scènes intéressantes, comme la fameuse fosse où l'on incinère les morts, Morgan qui fabrique ses pieux sur un tour à bois, le retour de sa femme fraîchement enterrée (le meilleur moment du film) ou le chien. Pourtant, les réalisateurs n'arrivent jamais à trouver un quelconque rythme, et surtout à passionner. Ajoutons qu'il est difficile de croire que quelques planches clouées aux fenêtres et des gousses d'ail puissent empêcher les zombies/vampires d'entrer.

 

 

Autre incohérence flagrante, le film fut tourné en Italie dans la région de Rome et Lazio, qui ressemble très peu à une ville américaine. Et même si la localisation géographique n'est jamais clairement établie, les personnages parlent cependant d'une maladie venant d'Europe et pouvant se répandre par le vent.
Malgré tous ces défauts, le film est en train d'être réhabilité comme étant le précurseur des zombies modernes. Certains le considèrent même comme un classique du genre et le meilleur film de Vincent Price. Si cette petite série B est indéniablement une référence, c'est surtout grâce à son script (c'est-à-dire le roman de Matheson), et sûrement pas pour sa qualité artistique. Il manque un réalisateur digne de ce nom qui aurait pu transcender son budget ridicule, comme Roger Corman ou Val Guest (qui, avec trois bouts de ficelle, avait réalisé "La Marque" et "Le Monstre"). Hélas, les deux réalisateurs choisis sont loin d'avoir le talent requis pour une telle entreprise. Sidney Salkow (choisi parce qu'il est le frère de l'agent de Price) est un vétéran qui réalisera nombre de séries B (entre 1936 et 1953) : aventures, WIP, pirates, drames... avant de passer à la télévision ; et son homologue italien, Ubaldo Ragona (présent pour être crédité sur la version italienne), ne réalisera que quatre films (dont des documentaires). Les deux hommes n'ont jamais rien réalisé de transcendant, leur seul mérite est de savoir tenir une caméra et d'avoir insufflé au film un côté brut et impersonnel qui le rapproche du reportage.

 

 

"The Last Man on Earth" est donc plus une curiosité qu'un chef d'oeuvre oublié. Les amateurs de Vincent Price y trouveront sûrement leur bonheur (le film étant plutôt rare chez nous, à part quelques diffusions sur des chaînes payantes) ; et d'autres pourraient même y trouver leur compte. Dans tous les cas, c'est une oeuvre à visionner au moins une fois rien que pour se faire une idée.


The Omega Man


En rapport avec le film :

# La fiche dvd Wild Side de "je suis une légende"

# La critique du film "Le survivant" (1971)

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