Portraits de la beauté soumise
Titre original: Dan Oniroku shoujo shibari ezu
Genre: Roman Porno
Année: 1980
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Masaru Konuma
Casting:
Kumiko Hayano, Hideaki Esumi, Yûko Asuka, Mayumi Minato, Akira Takahashi...
 

Masaru Konuma roi de la corde ? Certainement. Mais aussi un esthète de grande classe, qui sait faire rimer bondage avec plaisir, jeux de lumières et tourments de l'âme. L'ouverture de "Portrait de la beauté soumise" est radicale : plan fixe sur un corps attaché, de dos, avec le titre apparaissant en lettres rouges. Pas de son diégétique, seule la propre respiration du spectateur. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour se croire dans un Wakamatsu période 60 - début 70. Mais, à peine passe ce froid déroutant qu'un repas de famille est mis en scène : trois soeurs bavardent à propos de leurs maris, laissant transparaître des jalousies mutuelles et un esprit de compétition, où seule semble régner l'apparence pour les faveurs du grand-père. Le mari de l'une d'elles, artiste, esseulé dans un coin, rend très vite compte de l'incapacité - de l'artiste donc - à se sociabiliser. Manque de chance, son fils est le préféré de l'aîné qui lui souhaite une carrière politique. Et ce car bien évidemment, il ne faut pas finir comme le père, entretenant une passion infinie pour les estampes. Un art qu'il enseigne, et qui l'érotise plus que la chair...
Il rencontre alors une jeune étudiante auprès de laquelle il se prêtera à un curieux jeu de soumission/transformation ; et certains diront, d'éducation... Cela sous le modèle des patrons d'un bar où il se rend ponctuellement.

 

 

En 1980, Masaru Konuma a la plus grande partie de sa carrière derrière lui et le roman porno entame la décennie qui connaîtra sa fin. Il réalise ici une nouvelle adaptation des oeuvres littéraires d'Oniroku Dan, dont il avait déjà signé les "Fleur Secrète", "Wife to be Sacrified" et autre "Hana to Hebi". Néanmoins, cela se fait sans Naomi Tani qui a alors pris sa retraite l'année précédente, premier signe du déclin des films érotiques de la Nikkatsu. La nouvelle venue, Kumiko Hayano (alors tout juste âgée de vingt ans), la remplacera avec honneur (elle inaugure d'un futur sous-genre à succès, le lolita SM : Cinq secondes avant l'extase...) ; mais ses traits enfantins et délicats ne résisteront pas plus de quatre films à l'impitoyable monde du cinéma érotique. A l'écriture du scénario se trouve aussi Fumio Konami, scénariste sur L'été de la dernière étreinte et La femme scorpion. Ça ne fait aucun doute, Portraits de la beauté soumise est un film annonciateur de changements décisifs.

Ce qui surprend et saisit à la gorge le spectateur, tel lors d'une lecture d'une des nouvelles d'Oniroku Dan, ce sont les moments de silence, où seuls résonnent les grincements des cordes. Masaru Konuma dote ainsi son film de somptueux temps morts, tels des deuils répétés envers cette fille et son innocence, mourant peu à peu, au fur et à mesure que le professeur la transforme ; la confection d'une poupée de fantasmes. La difficulté avec laquelle il y parvient fera aussi écho à la facilité de leur rencontre, magnifiquement éclairée au passage : sous la pluie, alors que de part et d'autre fusent les néons de la ville. Une composition incroyable qui pourrait faire aimer le roman porno à ses derniers détracteurs.

 

 

Aussi, Portraits de la beauté soumise est un bel exemple du jeu avec la censure auquel pouvaient s'amuser certains réalisateurs de romans porno. L'un des moments les plus raffinés, et pour le coup extrêmement érotique, est celui où le professeur rase le vagin de la jeune fille, cadré en gros plan. Bien évidemment, celui-ci est couvert de mousse à raser, qui partiellement sera enlevée... Cette dernière sucera aussi un godemichet rouge, ainsi que le pénis du professeur à travers son caleçon. L'autocensure dynamise ici l'érotisme, et interroge sur la place du sexe à l'écran.

On apprécie donc cette oeuvre de bonne facture du maître Konuma ; purement SM, on retiendra l'aspect poétique de l'ensemble, ne serait-ce que dans la composition des scènes "chaudes" : de vraies estampes vivantes. C'est ainsi que Portraits de la beauté soumise rend compte d'une toute autre demande de la part d’un public autrefois amateur des excès de l'infernale Naomi Tani : un érotisme plus doux, toujours aussi sadique mais avec plus d'enrobage. Les temps changent, je vous le disais...
Il serait aussi honnête de vous signaler la drôle de fin du film, en happy end ; surprenante il est vrai, elle revendique le sexe comme résolution de nombreux problèmes de couple, et rend "heureuse" et "bénéfique" la séparation du couple. Aller jusqu'au bout de ses fantasmes, les vivre aussi fous soient-ils... une philosophie bien orientale.

 

 

The Hard

 

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