Au pays de l'exorcisme
Titre original: Il paese del sesso selvaggio
Genre: Drame , Aventures , Cannibalisme
Année: 1972
Pays d'origine: Italie / Thaïlande
Réalisateur: Umberto Lenzi
Casting:
Ivan Rassimov, Me Me Lai, Pratitsak Singhara, Sullalewan Suxantat, Ong Ard, Prapas Chindang, Pipop Pupinyo, Tuan Tevan, Pairach Thaipradt...
Aka: Au pays du sexe sauvage / Sexe en liberté / Le Pays du sexe sauvage / Mondo Cannibale / Man from Deep River / Deep River Savages / Cannibalis : Au pays de l'exorcisme / Sacrifice !
 

Voici John Bradley (Ivan Rassimov), parti pour un voyage au sein de la jungle thaïlandaise afin d'y prendre d'exotiques photographies. N'est-ce point après tout son métier ? Toujours est-il qu'à peine débarqué, ce dernier se balade avec son guide, lequel lui fait, le soir venu, une sacrée bonne farce au coin du feu : John déguste un met qu'il trouve délicieux et qui s'avère n'être autre qu'un serpent ; il le recrache tandis que le guide se gondole avant que nos deux compères aillent se coucher. Au petit matin, John retrouve son ami le guide (Chaï paï Kisaï) égorgé aux abords de la jungle qui s'avère vite dangereuse. Un fait vite confirmé, puisque, peu de temps après, le voici fait prisonnier par une tribu qui voit sa venue d'un mauvais oeil (une tribu dont le sorcier tentera du reste plus tard à jeter le mauvais oeil en question sur notre reporter photographe).

 

 

Il est d'abord réduit à l'état d'esclave, et c'est tour à tour dans un filet, puis dans une fosse, que celui-ci criera tel Elephant Man revendiquant sa condition d'être humain : "Je suis un être humain, tout comme vous ! Pas un poisson !". Il subira alors pas mal d'humiliations, mais dans son malheur, on s'apercevra assez vite qu'il aurait pu tomber bien plus mal : d'une part, l'une des vieilles femmes du village parle anglais ; d'autre part, Marayå, une jeune et jolie femme de la tribu (Me Me Lai), flashe dès son premier regard sur le photographe jusqu'à se donner comme objectif de se le sucrer. Et puis, surtout, la tribu dans laquelle il est retenu prisonnier, et qui s'avère au final pacifiste, tente tant bien que mal de se défendre d'une tribu voisine quant à elle bien plus belliqueuse, et pratiquant en outre le cannibalisme.
John Bradley va apprendre à vivre auprès de la tribu, jusqu'à se fondre parmi elle, en faire sa propre famille, puis combattre la tribu ennemie, vivre une histoire d'amour avec Marayå, ce durant des mois, concevoir même un enfant avec elle. Tout ceci, il va sans dire, se terminera de manière tragique et John, dans son périple initiatique, aura bien du mal à vouloir retrouver sa vie d'avant...

 

 

Ne faisons pas l'anguille, vous l'aurez compris à la lecture du pitch ci-dessus (et au bout d'un quart d'heure de film à sa vision), Au pays de l'exorcisme (titre précédé à ce qu'il me semble, lors de sa sortie chez feu NeoPublishing, de "Cannibalis"), l'histoire est caïman la même que le classique d'Elliot Silverstein : "Un homme nommé cheval". Sauf qu'en lieu et place, et de la façon la plus opportuniste qui soit, Umberto Lenzi la replace dans un contexte dont il semble n'avoir que faire.
A propos du scénario, on pourrait également citer en référence La secte des cannibales, qui peut quasiment se voir comme une suite de celui-ci, puisque - et là, je dévoile un secret de polichinelle - on retrouvera l'ami Ivan Rassimov (ici blondi façon aryen de la jungle, histoire qu'on le distingue bien à l'image, notamment dans les plans larges) en gourou dans une jungle, et qu'à la fin de Au pays de l'exorcisme son personnage décidera de rester aux côtés de la tribu, refusant de retourner à sa civilisation initiale, en plus de subir un traumatisme que je ne vous ferai pas en revanche l'offense de dévoiler ici. Disons le également, ce, avant de rentrer dans un regard plus critique, et par la même occasion d'en énoncer les défauts, Au pays de l'exorcisme est un film plutôt plaisant à regarder dans l'ensemble. Le film a pour lui de reposer sur un scénario solide, même si, comme dit avant, celui-ci a déjà fait ses preuves de manière personnelle et fort brillante ailleurs, et qu'il n'en est ici qu'un calque sans véritable contexte. Le contexte est hors film, et Lenzi n'a bien évidemment aucune intention de rendre un quelconque hommage à des peuplades dont il semble du reste ne rien connaître, et dont il est manifeste qu'il se contrefiche comme du premier lézard venu. Non, si le film demeure plutôt plaisant à suivre, c'est que, outre son ossature solide, il s'agit avant tout d'un petit film d'aventures exotiques, baigné par une musique lounge signée Daniele Patuchi (Frankenstein 80, Sans sommation, ...E tanta paura), qui possède le même caractère lancinant que celle d'un Morricone pour Cosa avete fatto a Solange, tant et si bien qu'on s'attendrait presque à voir surgir à bicyclette, Camille Keaton, de derrière un bananier...

 

 

Là où Au pays de l'exorcisme pourra bien prendre également à revers, c'est qu'il est précédé de la réputation d'être le premier film de genre "cannibales", genre qui allait sévir (la plupart du temps pour le pire dans les années 80, après que "Cannibale Holocaust", basé quant à lui sur un concept bien plus original avec le succès que l'on sait) et que Lenzi tentera ensuite de reprendre à son compte en livrant les pires âneries comme "Cannibal Ferox" (dans lequel on voyait carrément des policiers américains déserter leur commissariat pour s'en aller, sur un coup de sang, rechercher un homme porté disparu en pleine jungle amazonienne). Avec le même couple Rassimov/Me Me Lai, on pourra également préférer l'opus de Deodato, "Le dernier monde cannibale", en lieu et place des deux films torchés par Lenzi. A chacun de voir selon affinités, il va de soi.
Il convient de spécifier qu'ériger Lenzi en père du film de cannibales n'est pas tout à fait exact. Finalement, Cannibalis ne recèle, à proprement dit, qu'une seule et unique scène d'anthropophagie, destinée à montrer la dangerosité du clan adverse. A contrario, et au crédit de Lenzi, le fait d'avoir tenté de marier le film d'aventures avec le mondo, ce qui, à ce qu'il me semble, n'avait pas été fait jusque lors (s'en référer au très bon ouvrage de Sébastien Gayraud et Maxime Lachaud qui lie intelligemment les deux). L'aspect mondo se révèle ici du domaine de sacrifices réels envers des animaux, avec quelques scènes se voulant chocs : un bébé crocodile éventré vivant qui s'agite la tripaille à l'air tandis que la caméra se fige sur lui, une mangouste attachée se faisant becter par un serpent, ou encore ailleurs, une chèvre se faisant égorger dans un rituel soit disant destiné à célébrer la naissance de l'enfant de John et de Marayå, offrant alors au spectateur, dans une cérémonie douloureuse, un hymne à la vie, entériné par la mise à mort d'un animal qui n'en demandait pas tant...

 

 

Il ne s'agit pas forcément de faire ici un procès moral et de relancer l'éternel débat sur le bien-fondé de telles scènes, que de mettre en cause la nécessité de celles-ci lorsque derrière la caméra il n'y aucun point de vue ; surtout lorsqu'on sait, qui plus est, ce dont nos amis transalpins furent capables en termes d'effets spéciaux, parfois même de manière décomplexée et souvent peu convaincante lorsqu'il s'agissait d'êtres humains (énucléations, décapitations, j'en passe et des meilleures). On pourra bien arguer qu'un Coppola fit décapiter un boeuf pour son Apocalypse Now, devenu un classique sans que personne ne s'en offusque plus que cela ; le problème subsistant étant que chez Lenzi, ces scènes n'ont aucune valeur symbolique et que, de plus, d'un point de vue cinématographique, elles ralentissent le rythme d'un film qui déjà à maintes reprises en manque cruellement. A fortiori même, puisqu'il s'agit d'un film d'aventures, quand bien même romantique.

D'ailleurs, en termes de romantisme, le réalisateur n'hésite pas à nous infliger des scènes dignes d'un "Lagon bleu" à venir, lesquelles deviendraient carrément horripilantes si ce n'était l'agréable partition de Daniele Patuchi déjà citée auparavant.
Quant à sa vision ou un éventuel regard culturel sur la façon de vivre d'autres peuplades, elle ne dépasse pas ici la simple imagerie du bon et du mauvais sauvage ; et on pourra également s'amuser devant certaines scènes comme l'une, récurrente, où le sorcier de la tribu roule des yeux de manière maléfique à travers les feuillages. Du fait d'aborder une autre civilisation d'une manière totalement caricaturale, le message même du film, consistant - dans un final se voulant tragique - à nous dire une fois de plus que l'amour est plus fort que la mort, celui-ci tombe à plat. L'inintérêt manifeste pour ses personnages autres qu'occidentaux (notre Ivan) rend ce message complètement stérile sinon même cucul-la-praline, ne trouvant aucun écho dans une quelconque réalité (et allant même, en cela, à l'inverse du mondo).

 

 

Reste donc une seule alternative pour le spectateur afin d'apprécier un tant soit peu le film : regarder Il paese del sesso selvaggio (on préfèrera comme souvent le titre original vu qu'il n'y a pas d'exorcisme non plus) comme une bande dessinée inégale, avec pas mal de chutes de rythme, quelques passages choquants de par l'intrusion d'un réalisme qui n'a pas lieu d'être ; ainsi que d'autres scènes plus réussies, à l'instar de l'attaque du village par la tribu cannibale, le dégoût de notre photographe qui, à coups de machette, se met à détruire les crânes humains suspendus comme décors et trophées, en plus de quelques passages plutôt rigolos à force de forcer le trait en plus de faux ou mauvais raccords. Disons-le également, les acteurs, Ivan Rassimov en premier lieu, s'y montrent plutôt convaincants, tant et si bien que si le spectacle est vain, il ne demeure pas complètement déshonorant ou désagréable pour autant. Plus qu'un film initiateur du genre, Au pays de l'exorcisme tient avant tout du paradoxe.

Mallox

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