Mais qu'avez-vous fait à Solange ?
Titre original: Cosa avete fatto a Solange
Genre: Giallo
Année: 1972
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Massimo Dallamano
Casting:
Fabio Testi, Joachim Fuchsberger, Karin Baal, Günther Stoll, Claudia Butenuth, Cristina Galbó, Rainer Penkert, Camille Keaton, Pilar Castel, Giovanna Di Bernardo, Maria Monti, Emilia Wolkowicz, Joe D'Amato...
 

Enrico Rossini (Fabio Testi), professeur d'Italien exerçant au sein d'une école pour filles vit une relation extra conjugale avec l'une de ses élèves, une dénommée Elisabeth (Cristina Galbó / "Le Massacre des morts vivants" / "La résidence"). En effet, celui-ci n'est plus satisfait de sa relation avec sa femme Herta (pas la saucisse, Karin Baal / "Le château des chiens hurlants" / "Voir Venise... et crever") avec laquelle il entretient des rapport conflictuels, car trop possessive, jalouse et contraignante. Tout n'irai finalement pas si mal si lors d'une ballade bucolique avec Enrico, Elizabeth n'avait cru apercevoir aux abords de l'eau et aux travers des feuillages, une jeune fille se faisant pourchasser puis sauvagement mutiler. Enrico prend tout d'abord la chose comme un fantasme zélé du à la jeunesse de sa compagne, jusqu'au moment où la presse annonce le meurtre. Il se rend alors à nouveaux sur les lieux du crime un peu à l'aveuglette pour tenter d'en savoir plus, la coïncidence étant trop grande.
La jeune Hilda Erikson (Maria Monti / "La Nuit des Diables" de Ferroni / "Moeurs cachées de la bourgeoisie" de Valerii) aurait été sauvagement assassinée à l'aide d'un couteau enfoncé dans le vagin ! Sur la thèse que l'assassin revient toujours sur les lieux du crime, Enrico se verra alors soupçonné, en plus de ne pas vouloir expliquer sa présence sur les lieux afin de ne pas ternir la réputation de l'étudiante... qui se verra surveillée dans un même temps par le tueur, celle-ci ne semblant en savoir que trop...

 

 

"Cosa avete fatto a Solange" est un très beau (et excellent) giallo qui aurait même tendance à prendre le genre à contre-pied par son parti pris réaliste, voire même à la lisière du sulfureux. Bien entendu, on y retrouve les meurtres à l'arme blanche, mais ici les couteaux sont plantés dans le vagin des jeunes victimes, tandis qu'ailleurs l'intrigue évolue sur les bases de viol, d'inceste et d'avortement. Autant dire que toute la violence dont regorge le film se situera là et non dans des morceaux de bravoures baroques inhérents à un genre qui il faut le dire, entre les scies circulaires et autres perceuses électriques, en a vu passer des vertes et des pas mûres. C'est donc ailleurs que sera canalisée toute la violence et celle-ci plus que jamais dérangera. Je noterai du reste au crédit de Massimo Dallamano d'avoir su introduire avec une certaine délicatesse, ce genre de sujet assez brûlant pour l'époque, sans pour autant tomber dans l'oeuvre à thèse et rester avant tout un spectacle assez prenant en plus d'être relativement bouleversant.
Assez prenant car si on pourra reprocher au film une certaine lenteur, qui aurait tendance au fur et à mesure, à le rapprocher du rêve lancinant aux relents mélancoliques. La partition (une fois de plus) du sieur Morricone n'y est bien sur pas étrangère et souligne parfaitement l'innocence meurtrie puis perdue des jeunes femmes, thème qui reste intelligemment en filigrane sans jamais prendre le dessus sur une histoire parfois un poil confuse, mais qui malgré tout, tient sans cesse en éveil. A cet égard, il reste dommage cependant que la psychologie des personnages, je pense notamment à la peinture de ces étudiantes, qui patine quelque peu en surface et peine à rejoindre dans un jusqu'au-boutisme qui aurait élever encore d'un cran l'impact du film en même temps que de rejoindre les thèmes très réalistes évoqués. Dommage que les caractères ne soient pas un peu plus développés, conférant à ces jeunes femmes un aspect un peu trop "esquissé" au gros pinceau pour que l'on puisse y croire vraiment à fond. En même temps, ce ne sont que des adolescentes et à cet âge ma foi... du coup il est possible à contrario que cette peinture légèrement grossière, soit un miroir fidèle d'une génération et dans le doute, on le notera finalement au crédit de Dallamano.

 

 

Non pas que la direction d'acteurs soit délaissée, puisque par ailleurs on a droit en autres, à un impeccable Fabio Testi ("La Guerre des gangs" / "4 de l'apocalypse" pour ne citer qu'eux). Celui-ci donne même une dimension humaine à son personnage, soupçonné, soupçonneux, dépassé, à l'affût, qui permet un processus d'identification assez fort avec le spectateur, en même temps que de donner de la crédibilité à une histoire multipliant pourtant les fausses pistes. On notera également une autre qualité non négligeable du film, celle d'en faire presque oublier son titre en passant pour n'évoquer que le personnage de Solange qu'à l'heure de film et dans une enquête faisant écho à sa disparition. C'est là une sorte de tour de force du script que de laisser ce personnage central qui détient pourtant toutes les clés, en retrait, sinon totalement absente du récit. En passant on remarquera aussi l'épatante prestation de la jeune Camille Keaton ("I spit on on your Grave" et accessoirement petite fille du grand Buster), que l'on retrouvera, et je ne pense pas trop en dévoiler là, dans un état de régression infantile très crédible. Très crédible, hormis cette alliance superficielle et à laquelle on a du mal à croire entre les jeunes lycéennes, me semble un terme convenir assez parfaitement à cette oeuvre qui reste dérangeante, voire même vénéneuse et là je m'explique plus largement...

 

 

L'un des points de vue les plus réussi selon moi du film, c'est la façon de filmer toute en subjectivité, qu'ont su élaborer en harmonie Dallamano et son photographe Joe d'Amato.
Cette manière là de montrer du doigt tout en se glissant soi-même dans un rôle de voyeur, donnant ainsi un aspect réellement vénéneux à ce qui n'aurait pu être sans cela, qu'un "social giallo", alors que le réalisateur aidé par une photographie au diapason, parvient à insuffler une dimension perverse, au sein de thèmes pourtant plus que délicats, voire sulfureux et provocateur pour l'époque. On a le sentiment tout le film durant, que Dallamano lui-même est attiré par ces jeunes filles, si bien qu'il pourrait être presque tenu pour responsable des horribles meurtres. Ce qui frappe également c'est l'extrême violence de ceux-ci et la manière sournoise et maligne qu'a le réalisateur de tout sous-entendre sans rien nous montrer explicitement, distillant alors dans ses morceaux de bravoure ainsi qu'ailleurs, notamment dans la recherche de Solange, une atmosphère totalement glauque, en même temps que d'autant plus efficace et inquiétante. Bien plus en tout cas que d'autres meurtres évoqués ci-dessus, entrevoir subrepticement une jeune fille nue dans les bois, morte, un couteau enfoncé dans le sexe, fait ici son effet qui déteint ensuite partout ailleurs, tant on aura du mal (tout comme l'une des héroïne qui ne cesse d'avoir cette image de pénétration à l'arme blanche) à s'en défaire. Dans cette démarche là, pas de doute, Dallamano marque des points et même temps que de définir les bornes assez espacées à son film.

 

 

A ce titre, je n'omettrai pas de citer à nouveau son photographe Joe d'Amato (et que l'on aperçoit dans un petit rôle dans un parc), qui avec ses images léchées, propres en général aux flashs back, non seulement ne vient pas contredire le réalisme du film, par son côté flou sépia, mais paradoxalement, donne un résultat à la fois décalé et en symbiose avec le côté perversement voyeuriste du film, emmenant également alors le spectateur de ce côté obscur du désir.
C'est là ce qui fait la différence et l'on n'oublie pas de sitôt cette sorte d'apesanteur perverse dont est empreint tout le film, et je me rangerai pour le coup du côté de ceux qui trouveront que la très bonne réputation de cette "Solange" bien tordue, n'a rien d'usurpée. Le film avance à son rythme (lent), mais toujours il sait rester savamment dans un trip à la fois lancinant, pervers, nauséeux, dérangeant et malgré les menus défauts évoqués ci-dessus, toujours fascinant.

 

Note : 8,5/10

 

Mallox
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