Travaux d'Hercule, Les
Titre original: Le fatiche di Ercole
Genre: Peplum
Année: 1958
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Pietro Francisci
Casting:
Steve Reeves, Sylva Koscina, Fabrizio Mioni, Gianna Maria Canale, Mimmo Palmara, Gabriele Antonini...
 

Alors que Iole, la superbe fille de Pélias tyran de Thessalie, conduit son char à proximité d'une falaise, son attelage s'emballe. Mais un inconnu à la force herculéenne, passant par là, maîtrise les chevaux en déracinant un grand arbre. Iole, fine mouche, devine qu'il ne peut s'agir que du demi dieu Hercule en personne, que son père Pélias a invité à Iolcos, sa capitale, pour se charger de l'éducation de son fils Iphitos (et donc le frère de Iole, si vous avez bien suivi), l'héritier du trône. Mais en venant en Thessalie Hercule a un autre but, celui de prouver l'innocence de son ancien mentor Chiron (qui ici n'est pas un centaure) dans l'assassinat du précédent souverain Eson, frère de Pélias (et donc oncle de Iole et Iphitos, si vous suivez toujours), et la disparition de son fils Jason (neveu de Pélias et cousin germain d'Iole et Iphitos, si vous suivez encore). Si une idylle s'amorce entre Hercule et Iole, le courant passe mal entre le demi dieu et Iphitos.
En attendant, Hercule est devenu l'idole de la jeunesse locale et des rejetons de la noblesse hellénique, dont les Dioscures Castor et Pollux (jumeaux et demi frères putatifs d'Hercule par l'entremise d'un cygne ; comme il n'en est fait aucune mention dans le film, cette précision n'est destinée qu'à nos lecteurs amateurs de généalogie mythologique, que je sais fort nombreux - la précision sur le cygne dans cette précision étant, elle, destinée à ceux qui en plus étaient lecteurs de feu Animalattack) et Ulysse (fils de Laërte, mais apparemment, et après d'intenses recherches bibliographiques, sans lien de parenté avec les autres protagonistes)...

 

 

Voici donc le film qui lança la mode des péplums fantastiques avec culturistes, les "muscles operas" comme on les baptisera outre atlantique. Convenons qu'il fallait avoir du flair et du culot pour, comme Pietro Francisci, aller chercher un culturiste inconnu hors du milieu de la "gonflette" et en faire le héros du premier film "à l'antique", inspiré de la mythologie gréco-latine. Certes, à ce moment là, le péplum historique alimentait les salles obscures italiennes depuis plus d'une décennie, et Francisci avait déjà commis quelques films dans ce genre alors dominé par le grand Riccardo Freda, dont un Attila fléau de dieu de sinistre mémoire (le film, mais Attila aussi). C'est pourquoi d'ailleurs, aux cotés de l'inconnu Steeves Reeves et de la presque débutante Sylva Koscina, Pietro Francisci a pris deux des collaborateurs habituels de Freda : celle qui était alors son épouse : la sculpturale Gianna Maria Canale, reine du péplum pré-herculéen ; et son adjoint et chef op' (à Freda), le génialissime Mario Bava, en tant que directeur de la photo et responsable des effets spéciaux. Comme on ne prête qu'aux riches, Bava est parfois crédité en tant que co-réalisateur, et on lui attribue généralement la réussite de ce film et de sa suite (Hercule et la reine de Lydie, réalisé aussi par Francisci). Sans pouvoir trancher dans le qui a fait quoi (la grande modestie de Bava, aux antipodes d'un Sergio Leone qui, une fois devenu célèbre, s'attribua a posteriori la paternité de tous les films pour lesquels ils passa au moins une journée sur les plateaux de tournage, empêchant d'en savoir plus), il faut reconnaître que la photo est superbe et magnifie la beauté juvénile de Sylva Koscina et la musculature huilée de Reeves.

 

 

Quoi qu'il en soit, le film sera un succès considérable, non seulement dans la péninsule et les pays limitrophes mais surtout, et pour la première fois pour un film italien depuis le muet, aux Etats-Unis puis dans le monde entier. Un succès mérité qui, comme écrit précédemment, lancera la vague du péplum fantastique, dont ce film sera le maître étalon.
Tous les éléments que l'on retrouvera par la suite, avec des variantes, dans la plupart des autres "muscles operas" sont déjà présent ici :
La superbe et virginale jeune femme, incarnée ici par Koscina, et la moins jeune mais non moins superbe tentatrice (ici, la calabraise aux yeux de braise, je sais la rime est facile, Gianna Maria Canale). Les méchants perfides portant leur infamie sur la figure (on a droit ici aux deux futurs spécialistes, dans des genres différents, du méchant de péplum : Mimmo Palmara en présomptueux musculeux, et Arturo Dominici en fourbe criminel). Le héros secondaire campé par un acteur italien à la fois plus jeune et plus expérimenté que le culturiste anglo-saxon de service, et correspondant plus à l'image du jeune premier de cinéma (ici, Fabrizio Mioni, mais les spécialistes de l'emploi seront Ettore Manni et Rick Battaglia). Le comparse comique : ici, on en a deux reprenant les stéréotypes de l'ado gaffeur (Gabriele Antonini campant Ulysse) et du vieillard lubrique (G.P. Rosmino dans le rôle d'Esculape), même si par la suite l'emploi sera plutôt occupé par un nain (qui n'a pas besoin de trait moral humoristique, le nain étant drôle par son nanisme), en général le grand (haha) Salvatore Furnari. Et bien entendu, le héros (très) musculeux et mono expressif, ici, donc, Reeves.
Coup de chance ou coup de génie de la part de Pietro Francisci, l'air hautain et ennuyé (constipé, diront les mauvaises langues) qu'arbore en permanence Steve Reeves correspond parfaitement au rôle (bon, hélas, il saborde complètement la scène, théoriquement dramatique, où il renonce à son immortalité pour partager les joies et les souffrances de l'humanité, en se montrant incapable d'exprimer la moindre émotion). Les meilleurs péplums seront ceux capables de tirer partie des limitations de leur acteur principal, utilisant leur "expression" unique pour donner la tonalité de leur personnage (agressif et énervé pour Mark Forest, débonnaire et bon enfant pour Reg Park, pour évoquer les deux autres plus célèbres interprètes d'Hercule).

 

 

Si Les travaux d'Hercule servira de modèle à de nombreux films, il a par contre une structure scénaristique étrange en deux parties égales et clairement séparées, que l'on ne retrouvera que dans sa suite Hercule et la reine de Lydie. Dans cette seconde partie, l'expédition des argonautes, Hercule n'a plus qu'un rôle secondaire, laissant la vedette à Jason (Fabrizio Mioni). En effet, le scénario mêle une partie des aventures d'Hercule au mythe de la toison d'or (mais il est vrai que Hercule était un des argonautes), Apollonios de Rhodes, auteur des "argonautiques" au 3ème siècle avant J. C., étant même crédité au générique. Francisci nous refera le coup pour le film suivant, mélangeant cette fois le "mythe herculéen" avec "les sept contre Thèbes" d'Eschyle. Autre différence avec la plupart des péplums qui suivront : l'inversion des couples, ici plutôt mal assortis. Alors que l'on pouvait s'attendre à ce qu'Hercule "s'apparie" avec l'expérimentée tentatrice et le jeune premier avec la virginale jeune fille, c'est le contraire qui se produit.
Notons aussi un titre légèrement mensonger, car de "travaux d'Hercule" le film se montre plutôt chiche, puisque l'on n'en verra que trois sur les douze (le lion de Némée, le taureau de Crête et la reine des Amazones). N'oublions pas l'indispensable "craignos monster", qui en fait n'a rien de craignos et apparaît même plutôt bien foutu (car signé Bava).
Je n'en rajouterai pas sur les interprètes principaux, sauf pour souligner l'incroyable photogénie de Sylva Koscina, croate d'origine gréco-polonaise (sic), et ses très seyantes jupettes ; et que si Fabrizio Mioni ne fit pas une grande carrière par la suite c'est qu'il tenta sa chance à Hollywood, après ce film, où il sera cantonné aux rôles d'italien (ou de français) de service dans les feuilletons télévisés, et épousera l'interprète de Vampira (re sic).

 

 

Bref, si l'on apprécie un tant soit peu les péplums, on ne peut pas ne pas aimer Les travaux d'Hercule. Certes, il paraîtrait qu'il existe, comme il existe des coprophages, des gens qui n'aiment pas les péplums (sans doute les mêmes), voire (la bêtise étant universellement répandue) qui s'en gaussent. Savoir que de tels individus ont non seulement le droit de vote mais même celui de se reproduire m'enlève tout espoir dans l'avenir de l'humanité.
Alors, ignorons les, et donnons à ce métrage un 8/10 bien mérité.

Sigtuna

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