Tecumseh
Genre: Euro-Western (hors spagh) , Historique
Année: 1972
Pays d'origine: Allemagne de l'est (RDA)
Réalisateur: Hans Kratzert
Casting:
Gojko Mitić, Annekathrin Bürger, Rolf Römer, Wolfgang Greese, Mieczysław Kalenik, Milan Beli...
Aka: Tescumseh - Der Übermacht unterlegen
 

Ce film est une biographie romancée (ici le mot est faible) du célèbre (là, par contre, le mot est un peu fort) chef indien éponyme, de son entrée dans "l'histoire" vers 1805, comme le précise un carton lors du générique, jusqu'à sa mort au combat en 1813.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Tecumseh (et j'avoue que c'était mon cas avant d'avoir vu ce film et même après d'ailleurs) j'aurais aimé vous dire qu'il fut un Machiavel amérindien au niveau de la vision politique, le Danton des peaux rouges du point de vue de ses capacités oratoires et le Napoléon des grands lacs en tant que stratège militaire, comme ont pu le dépeindre quelques thuriféraires de la cause des Indiens d'Amérique. Mais si on ne s'en tient qu'aux faits historiques, il n'était rien de tout cela. Accordons au présent film, d'ailleurs, qu'à aucun moment on a l'impression d'avoir à l'écran un génie politique et militaire, mais il n'est pas sûr que ce soit volontaire. Disons que Tecumseh fut un ennemi farouche mais chevaleresque des jeunes États-Unis d'Amérique, qui tenta sans succès de créer une fédération indienne et qui s'allia aux Anglais durant la guerre anglo-américaine de 1812.

 

 

Le présent métrage est considéré comme le plus atypique des Indianerfilme de la Defa. Avant d'aller plus loin, une définition du terme Indianerfilm s'impose (pour plus de détails je vous invite à lire la critique du premier du genre, Die Söhne der großen Bärin). Le terme local d'Indianerfilme regroupe les 16 westerns produits en Allemagne de l'Est de 1966 à 1985, la plupart avec l'acteur serbe Gojko Mitić en vedette dans le rôle d'un chef indien noble et courageux, combattant les perfides envahisseurs "états-uniens". Reconnaissons malgré tout que ces films n'étaient pas plus manichéens (voire, à bien des égards, beaucoup moins) que les westerns américains pro-indiens post soixante-huitards. En tout cas, du point de vue de la dichotomie méchants blancs / gentils indiens, leur charge anti-impérialisme américain était par contre assez peu subtile.
Comme écrit plus haut, Tecumseh se différencie des autres Indianerfilme dans l'aspect et dans les intentions, sinon dans l'esprit. Déjà, la période évoquée est différente, alors que la quasi-intégralité des autres Indianerfilme est censée se dérouler dans le dernier tiers du 19e siècle (et l'agonie des "nations" indiennes) ; celui-ci dépeint les luttes du tout début du 19e.
Mais Tecumseh se distingue principalement par son plus gros budget et sa volonté de faire dans le grand spectacle, si ce n'est dans l'épique. Tecumseh est en quelque sorte le plus "hollywoodien" des Indianerfilme.

 

 

Mais d'"hollywoodien" Tecumseh a surtout la liberté prise avec la réalité historique, ce qui, dans un genre loué principalement pour son vérisme ethnographique, fait un peu tache. Ainsi le film se voit encombré d'une romance hautement fantaisiste et rapidement sans espoir, respectant en cela les plus beaux clichés des romans à l'eau de rose, entre notre héros et une américaine blanche. Certes, on comprend l'intérêt de cet ajout pour humaniser un Tecumseh qui, dans le film est digne d'un Mucius Scaevola : si on lui mettait un brandon enflammé dans le fondement, c'est à peine si ses traits se barreraient d'un léger rictus de douleur (et qui dans la réalité, si on s'en tient à ses discours, était violemment raciste).
Concernant le côté épique et spectaculaire, par contre, on repassera. S'il y a bien un point commun entre les films historiques à "gros budgets" des différents pays de feu "le pacte de Varsovie", c'est l'extraordinaire réussite des scènes de combats, ceci quel que soit le pays et quel que soit le genre du film (de l'heroïc-fantasy au film sur la Seconde Guerre mondiale) ou le style du réalisateur. Bref, sans faire de généralisation abusive, les scènes de batailles des films de Ptushko, Nicolaescu, Bondartchouk ou même Jerzy Hoffman enterrent largement celles tournées par Kubrick ou Mann. Même un film comme "Le Pharaon" de Kawalerowicz, globalement médiocre du fait d'un scénario abscons et d'un montage à la hache, contient une fabuleuse scène de combat en caméra subjective qui à elle seule sauve le métrage.

 

 

Mais ici rien de tout cela : c'est mou, languissant, peu réaliste, les figurants en tenues napoléoniennes courent ou galopent dans tous les sens sans vraiment savoir que faire. Bref, en un mot, c'est complètement raté ; qui plus est, des bruitages hors de propos de tirs d'obusiers de la Seconde Guerre mondiale (pour les tirs de canons) et de tintements métalliques (pour les corps-à-corps à l'arme blanche) achèvent de ridiculiser l'ensemble. Et comme les scènes intimistes et disons... géopolitiques ne relèvent pas le niveau, Tecumseh est globalement moins bon que Die Söhne der großen Bärin qui n'était déjà pas terrible. Hormis son statut de curiosité, de par son thème et son origine, ce film n'a pas grand-chose pour lui.
Son jeune réalisateur (tout juste trentenaire) Hans Kratzert n'avait jusque-là tourné que des films pour enfants (une branche numériquement importante des productions Defa). Tecumseh sera son premier et pour ainsi dire unique film tout public, car au vu du résultat la Defa ne lui reproposera plus que des films pour chiards. Concernant le casting plurinational (pour caricaturer, les Yougoslaves jouent les Indiens, les Est-allemands les Américains blancs et les Polonais les Anglo-Canadiens), pas grand-chose à dire ni en bien ni en mal, Mitić reprend son rôle de chef indien, Rolf Römer celui du "gentil blanc" qui, ici, par un concours de circonstances, deviendra l'adversaire du héros ; et comme d'habitude (dans les Indianerfilme) les actrices, qu'elles jouent des blanches ou des Indiennes, ne se démarquent pas par leur sex-appeal.
Postérieurement, un critique allemand avait qualifié de façon lapidaire mais assez juste les Indianerfilme "d'aussi authentiques et excitants qu'un documentaire historique de l'Éducation nationale". Mais si en plus, l'authenticité est sujette à caution...

 

 

Sigtuna

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