Dario Argento's Dracula
Genre: Horreur , Vampirisme , Thriller , Drame
Année: 2012
Pays d'origine: Italie / France / Espagne
Réalisateur: Dario Argento
Casting:
Rutger Hauer, Asia Argento, Thomas Kretschmann, Marta Gastini, Morgane Slemp, Unax Ugalde...
Aka: Dracula 3D
 

Ce dimanche 20 mai 2012, à 0h30, avait lieu au festival de Cannes l'avant-première mondiale du dernier film de Dario Argento. Un événement ? Forcément. Le réalisateur italien, maître du giallo qui a écrit sans doute les plus belles pages de ce genre, a été totalement ignoré par la critique officielle dans le meilleur des cas ou traité de fou dangereux dans les pires. C'est donc à l'âge vénérable de 71 ans que le réalisateur, autrefois maestro dans l'art de distiller la peur à l'écran, est donc salué par le festival de Cannes.

 

 

Toutefois, ses derniers films ont fait l'unanimité contre lui. Si "Le fantôme de l'opéra" était déjà bien faible, Le Sang des innocents était, quant à lui, très recommandable. Un manqué pour un réussi. Mais les trois films suivants, à l'instar du faiblard The card player, à l'intrigue et à l'intérêt rivalisant à peine avec un téléfilm, ont beaucoup déçu. Le pire fut sans doute son troisième volet des trois mères faisant enfin suite, après trente ans, à "Suspiria" et Inferno ; un film dont l'attente était très forte en termes de créativité et de renouvellement artistique, or ce fut une calamité ! Rien ou presque, dans ce film qui tutoie la série Z, n'était digne des deux premiers volets. Le scénario était inepte, les réactions des personnages peu crédibles, la retranscription de notre monde gagné par la folie (des automobilistes qui se battent tels des supporters de l'AS Roma ou encore une femme qui jette son bébé) plongeait le spectateur le plus indulgent dans la consternation. Ajoutons une résolution du film pour le moins ridicule et cédant à la facilité – découvrir où se trouvait les sorcières occupait les héros des deux premiers volets alors que cela est dénoué en très peu de temps dans ce troisième volet - et le fan de cinéma d'horreur exigeant ne pouvait qu'enrager. La sortie du film "Giallo" où l'on ne pouvait rien sauver, si ce n'est une belle séquence splendidement éclairée, chacun se posait une seule question pleine de bon sens : qu'était-il advenu du talent de Dario Argento ?

 

 

On peut dire que l'annonce du film Dario Argento's Dracula, anciennement Dracula 3-D, faisait craindre le pire à absolument tous les fans de cinéma de genre. Non seulement Dario Argento était qualifié de has been, mais en plus les producteurs étaient ceux de films incroyablement nuls de Bruno Mattei, les déplorables Land of the death et "Cannibal World". Non seulement ces films étaient bâclés, sans idées ou inventivité dans la mise en scène, mais ils plagiaient énormément "Cannibal Holocaust" !

Autant dire qu'étant donné l'essoufflement artistique du réalisateur, son alliance avec les derniers (ou presque) ou les plus mineurs producteurs d'Italie encore voués au fantastique (au rabais), ainsi que les premiers bruits de critiques insistants sur la médiocrité des premières minutes présentées ici ou là, Dario Argento's Dracula était donné comme l'ultime naufrage du maître, celui dont il ne se relèverait jamais plus et qui mettrait un point final à sa longue carrière à laquelle il avait tout donné et dans laquelle il ne restait plus rien en terme d'inspiration ou de créativité. C'est donc à un film donné perdant que je me rendis sans enthousiasme, néanmoins assez heureux d'avoir obtenu une place, par une grande chance et un bon coup de pouce d'un ami. Qu'allait-il donc se passer ? S'agissait-il en effet de l'ultime naufrage de réalisateur, jadis grand ?

 

 

La projection s'est donc déroulée dans la plus grande salle du palais, une marque d'honneur pour notre réalisateur qui a enfin monté les marches en compagnie de sa fille, Asia, Thomas Kretschmann ainsi que quelques acteurs de ce film. Il s'en est suivi une ovation de sa personne, une présentation de sa carrière, agrémentée d'un montage accompagné d'une musique de Claudio Simonetti qui remixait les meilleures musiques des Goblin. Puis, le film put enfin commencer, en 3-D. Mais les premières secondes rencontrèrent les huées du public : les lunettes 3-D ne reflétaient que des images plates ! Allait-on voir ce film gâché de cette manière ? Nenni. Une mise au point technique fut vite entreprise et le film reprit, enfin...

Les premières minutes de Dario Argento's Dracula étaient déjà de bon augure et la 3-D utilisée l'une des meilleures vues jusqu'à présent ! Bien mieux que certaines productions américaines telles que "Tron Legacy" ! Les champs de profondeur sont multiples et variés tandis que des éléments tels que des mouches semblent en fait se diriger droit vers le spectateur. Mais l'essentiel est bien le film. Il reprend donc dans les grandes lignes l'arrivée de Johnathan Harker dans une petite ville étrange où il se déroule, en de rares occasions il est vrai, des meurtres de nature surnaturelle. Mais la population locale ne semble pas particulièrement se méfier du Comte local, qui s'est montré très généreux pour leur petite ville en contribuant financièrement à son essor économique tout en la dotant d'infrastructures...

Johnathan se rend donc au manoir du Comte où il a pour tâche de cataloguer l'impressionnante bibliothèque. Mais des éléments étranges le troublent : des loups semblent garder la forêt, la "nièce" du Comte est étrangement entreprenante à son endroit, le Comte lui-même parait fort singulier et Johnathan réalise qu'il ne voit que son reflet et lui seul dans un reflet d'une vitre. Cela est sûrement dû à un effet de lumière ! Mais la nièce du Comte l'agresse et Johnathan ne tarde pas à devenir la proie tout en succombant à l'emprise du Comte qui se révèle être un vampire aux pouvoirs surpuissants.

 

 

Peu de temps après, sa jeune femme nommé Mina arrive à son tour dans la ville. Elle est accueillie par son amie Lucy qui est soudainement prise d'un étrange mal, un mal qui se semble frapper de plus en plus les habitants de cette petite ville et dont les autorités commencent à s'inquiéter. C'est là que la vérité apparait. Les légats du village, autorité de police en tête, ont passé un pacte avec le Comte Dracula. En échange d'une certaine soumission, les autorités, à l'exception du prêtre du village totalement terrifié, bénéficient d'une certaine prospérité. Mais l'arrivée de Johnathan, puis de Mina, semble avoir déclenché une certaine frénésie meurtrière chez le Comte. Si les quelques morts dues à des imprudentes étaient jadis tolérées puis camouflées à la population soigneusement tenue dans l'ignorance, l'accumulation de morts trouble nos potentats, tant et si bien qu'ils se demandent s'ils doivent se rebeller contre le Comte Dracula. Et la solution pourrait bien provenir d'un certain Abraham Van Helsing...

L'histoire de Dracula, l'une des plus adaptées au cinéma, connait dans cette version quelques aménagements bienvenus et qui servent bel et bien le film. La population ignore tout ou presque du Comte, le côté film sombre et gothique des films de la Hammer est mise de côté, enfin, et Dario Argento ne nous rabâche pas la version que Francis Ford Coppola a, en quelque sorte, établie comme définitive. Nous avons donc un traitement neuf qui permet aux spectateurs connaissant cette histoire, c'est-à-dire presque tous, de ne pas s'ennuyer.

La principale interrogation concernant la mise en scène peut –enfin- être levée... Oui, Dario Argento a réalisé un bon film, solide, bien rythmé, fort bien éclairé par son directeur de la photographie de l'époque de "Suspiria", Luciano Tovoli, et le film est rythmé, sanglant et dynamique. Cependant, nous ne sommes clairement plus en présence des fulgurances artistiques de la grande époque du maître. Dario Argento's Dracula ne parvient pas à restituer les effets d'emphase et de subtilité de ses premiers films. La réalisation, bien qu'à la hauteur contrairement à "La troisième mère", ne possède pas le souffle, l'innovation, la subtilité dans la distillation du suspens, ou encore le caractère viscéral de la menace, mais la mise en scène reste plus qu'honorable et là est le principal.

 

 

Les acteurs sont assez convenables, souvent un des points faibles de longue date de notre réalisateur, et Thomas Kretschmann campe un Comte Dracula des plus intéressants, des plus magnétiques, aux pouvoirs encore jamais vus jusqu'à présent, faisant preuve d'une mélancolie et conscient de sa malédiction de mort arraché aux ténèbres. Une belle performance pour cet acteur qui parvient à proposer une variation intéressante de ce personnage déjà tant de fois personnalisé, Bela Lugosi et, bien sûr, Christopher Lee en tête. L'autre point fort du casting est Rutger Hauer qui mène la lutte contre cet ennemi réellement invincible sans douter, sans vaciller. L'acteur sert bien ce personnage qui apparait comme le dernier rempart contre ce mal omnipotent et omniscient. Asia Argento, l'interprète de Lucie, apparait un peu comme un personnage secondaire, puisque le personnage de Mina est censé avoir 20 ans. On peut regretter que le talent de cette actrice ne soit pas davantage mis en avant mais son personnage, et surtout son sort, restent dans la mémoire.

En définitive, Dario Argento's Dracula n'est pas le four artistique annoncé et il est même plutôt recommandable, mémorable. Alors que Dario Argento avait livré en 1998 une version décevante du "Fantôme de l'Opéra", aux motivations et à la nature trouble, cette version de Dracula est même l'une des toutes meilleures de ces dernières années, et ce à tous les postes du film, interprétation, scénario habile et dynamique, photographie soignée et des décors qui évitent soigneusement les poncifs des films de la Hammer. L'utilisation de la 3-D, là-aussi et contre toute attente, demeure une heureuse surprise et un heureux tour de passe-passe. En revanche, si la musique de Claudio Simonetti souligne avec efficacité les séquences du film, elle ne parvient pas à créer un thème principal qui restera dans les esprits des spectateurs, tout comme les Goblin aux grandes heures de Profondo Rosso ou encore de "Suspira". Vous pouvez donc vous réjouir du retour de Dario Argento à l'écran et je vous souhaite, pour votre plaisir, de voir ce film au cinéma, dans des conditions optimales.

 

 

Bastien

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