Samoa, fille sauvage
Titre original: Samoa, regina della giungla
Genre: Aventures , Exotisme
Année: 1967
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Guido Malatesta
Casting:
Roger Browne, Edwige Fenech, Ivy Holzer, Ivano Staccioli, Andrea Aureli, Femi Benussi...
Aka: La Sauvageonne
 

Samoa fille sauvage (Samoa regina della giungla) par James Reed (alias Guido Malatesta, briscard de la série Z). Ça commence plutôt bien : scène d'ouverture, une bagarre dans un tripot de Hong Kong, on s'y casse des chaises sur la tête dans une ambiance bon enfant. OK. Répondant à la convocation d'un riche mafieux local, Clint Lomas (Roger Browne, quasi sosie de Jean Marais) interrompt le crochet du gauche qu'il s'apprêtait à délivrer, rajuste son col de chemise, s'époussette le costard et c'est parti, générique maestro. Sur un fond sonore dont les choeurs sont dirigés par Nora Orlandi (qui a composé l'excellente musique de L'étrange vice de Madame Wardh) s'affiche un beau travail graphique, dans le genre à motifs abstraits psychédéliques qui s'animent en couleurs primaires sur fond noir, tout à fait dans le goût de ce temps-là (on est à la fin des sixties). Fin du générique. On arrive dans le bureau du Mister Wang (ou Ming qu'importe, un grassouillet obséquieux à l'air sournois) et l'on enchaîne sur la présentation de la fine équipe : le scientifique, l'alcoolique, le jeune idéaliste, la garce, le fourbe. S'ensuit l'exposé de la mission. Très étonnamment, il ne s'agit pas moins que de localiser... une mine de diamants ! Ça alors. Les préparatifs sont zappés, on saute directement dans la jonque, direction Bornéo, et là... patatras... Les choses se gâtent.

 

 

Car il semble que la production n'ait pas eu les moyens requis pour envoyer l'équipe de tournage dans les contrées exotiques qu'appelait logiquement le scénario. Pas de problème, répond la production ! On a la solution. Et quelle solution ! Le film va dès lors se dérouler sur trois plans distincts, que toute la meilleure volonté du monde n'empêcherait pas de ne pas remarquer, tant cela saute aux yeux.

Les extérieurs où ne figurent pas les acteurs du film, s'ils paraissent bien avoir été pris quelque part dans le sud-est asiatique, ont été piochés dans un stock-shot ; la qualité de l'image en est très médiocre et la couleur de la pellicule a viré dans des tons d'un jaune pisseux. Pour ce qui est des extérieurs où apparaissent les comédiens : les scènes de jungle ont été tournées dans un studio transformé provisoirement en palmarium (le Truffaut du coin, dévalisé), tandis que les scènes situées en des lieux plus dégagés (embuscades, village indigène) ont été tournées dans le premier terrain vague venu (celui juste à gauche, en sortant de Cinecittà).

 

 

Il en résulte, tout au long de l'action qui va suivre, un patchwork visuel difficilement crédible où jamais (et pour cause !) les bêtes féroces qui rodent aux alentours du campement n'entreront dans le champ où évoluent les comédiens. Cela donne lieu à cette scène croustillante où notre héros aventurier accompagné par la garce (la blonde Ivy Holzer) observe avec une délectation blasée (pensez, il en a vu d'autres) une vieille bobine du National Geographic montrant un serpent en avalant goulûment un autre. Une fois que le reptile repu a émis son rôt salvateur, Clint Lomas de conclure : "eh oui, la nature est cruelle, Nancy". Effet de comique involontaire garanti.

Autre grand moment, à la trentième minute, tandis que l'expédition est prise en chasse par une tribu de féroces coupeurs de têtes (c'est-à-dire tout ce que Rome comptait de mecs aux yeux bridés courant le cacheton, ici emperruqués et affublés de pagnes très seyants), apparaît inexplicablement en gros plan le visage d'une splendide jeune fille en bikini. C'est la première (ou presque) apparition à l'écran d'Edwige Fenech, qui n'a ici que dix huit ans, et se trouve déjà dans la pleine possession de ses moyens expressifs généreusement sculptés par Dame Nature. On se gratte la tête : drôle d'endroit pour passer ses vacances, chérie… Cependant, récompensé de notre patience, on apprendra quelques instants plus tard que la belle n'est autre que la fille d'un explorateur élevée par une tribu voisine (qui a la délicatesse, elle, de ne pas jouer les Robespierre de la jungle) qui passait par là et sauve in extremis la petite troupe d'aventuriers en goguette. S'ensuit donc la visite d'un village indigène croquignolet loué par Gilbert Trigano, où habite la charmante Samoa (car c'est son petit nom) dans sa tribu d'adoption, de braves gens qui ne rechignent pas à vous passer leurs femmes pour vous tenir compagnie (la Samoa couche toi-là réconforte Lomas sur sa paillasse, car les nuits sont fraîches dans la jungle). Parmi les autochtones figure aussi, entre autre représentante de la gent féminine, Yasmin, incarnée par une certaine... Femi Benussi (trois minutes d'apparition, montre en main. Avec son paréo et sa frange, on dirait une figurante de "La croisière s'amuse"). Celle-ci, contrairement à Samoa, n'a malheureusement pas eu l'opportunité de suivre des cours d'italien à Berlitz. Le bel idéaliste tombant immédiatement amoureux d'elle, cela donne : moi Alain, toi Yasmin, toi comprendre ? Oui, moi Alain. Non, MOI Alain, TOI Yasmin ! Sur ce, il lui roule un patin – une langue somme toute plus universelle que l'espéranto ou le petit nègre.

 

 

La chasse au diamant commence alors sur fond de dissensions au sein de l'équipe, ce qui était prévisible vu la brochette explosive décrite plus haut (quel nigaud tout de même, ce commanditaire chinois). Le fourbe de service (Moreau – un Français tiens donc...) n'aura de cesse de contester l'autorité du gars Lomas. La rivière est passée au peigne fin mais la prospection fait peau de balle. Déception et amertume le soir à la cantine.

C'est là que le film révèle alors tout son cynisme ahurissant : le brave Alain a recueilli sur l'oreiller les confidences de Yasmin (qui a donc rapidement "assimilé" la méthode décrite plus haut), révélant la présence d'une quantité de diamants entreposés dans une grotte sacrée. Pour nos compères, ça ne fait ni une ni deux, sacrée pas sacrée, on va pas laisser ce pactole à cette bande de macaques. Ah ! Les lois de l'hospitalité... Et le héros n'a pas peur d'avouer à ses compères que s'il se tapait Samoa, c'était juste pour gagner sa confiance... Exception faite des galipettes précitées, on se croirait vraiment dans une vieille bande dessinée d'aventure raciste des années trente, type "Jungle Jim" ou "Bring'em Back Alive", cependant nous sommes en 1967 ! Ahurissant.

Samoa fille sauvage n'a en définitive pour seul intérêt que d'avoir dévoilé à la face du monde ébahi les qualités physiques exceptionnelles d'une jeune française d'origine italo-maltaise née en Algérie, appelée à un grand avenir, la dénommée Edwige Fenech. Pour le reste, ce genre de production tout à fait anachronique et moribonde connaîtra un dernier soubresaut en 1977 avec l'abjecte "Montagne du dieu cannibale" de Sergio Martino (tourné en décors naturels avec d'authentiques indigènes pourtant), qui prouvera qu'on peut toujours faire pire.

 

 

Pierre

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