Hara-Kiri
Titre original: Seppuku
Genre: Chambara , Drame
Année: 1962
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Masaki Kobayashi
Casting:
Tatsuya Nakadai, Rentaro Mikuni, Shima Iwashita, Akira Ishihama...
 

Tsugomo, un ronin ruiné et sans travail, se présente à la cour du clan Lyi pour se suicider selon la tradition du seppuku. Tout au long de ses explications, la véritable raison de sa présence s'impose, transformant peu à peu la stupéfaction de ses auditeurs, si stoïques, en une incontrôlable colère.

"En France nous avions les Mousquetaires qui ne manquaient pas de travail. Là-bas [au Japon], c’était les samouraïs qui connaissaient le chômage et la misère... Une noblesse de ton, d’une pureté et d’une sobriété... Seulement attention, c’est du cinéma japonais, c’est-à-dire que le rythme est lent, avec un jeu étudié." - Le Canard enchaîné, le 31 juillet 1963.

 

 

1962, Kobayashi vient de consacrer trois ans de sa vie (1959 à 1961) à la réalisation d'une fresque humaniste telle que le cinéma en possède peu : "La condition de l'homme", pellicule de près de neuf heures, exploitée à sa sortie en trois parties. Dans un souci cathartique, ses fondements scénaristiques ont été ses expériences et souvenirs de la seconde guerre mondiale, durant laquelle il fut fait prisonnier un an à Okinawa par l'armée américaine. Désormais, cela fait près de deux ans que le traité signé entre le Japon et les USA a été reconduit, la politique de ces derniers agissant comme un voile sur la production cinématographique. La naissance d'un cinéma que l'on pourrait dire "de genre" (Godzilla d'Ishirô Honda en tête de file) incarne dès lors le réceptacle des révoltes et autres réflexions de la génération en cours.

Équipé de son solide savoir philosophique, Kobayashi médite alors sur le Japon et ses traditions, notamment le code Bushido, colonne vertébrale des samouraïs et, par extension, sur la hiérarchie militaire. Hara-kiri, sous ses aspects de chambara classieux et millimétré, semble avoir été pensé comme un poème antimilitariste et humaniste, deux sujets chers à Kobayashi, faisant donc écho au traitement de "La condition de l'homme" et au futur "Rébellion" qu'il réalisera avec le même acteur principal : Tatsuya Nakadai. Le regard de ce dernier apporte d'ailleurs à Hara-Kiri une dose d'expressionnisme peu courante dans le paysage cinématographique nippon et fait du personnage une "exception", tant par les idées que son personnage incarne que par sa valeur narrative.

 

 

Au scénario, l'on retrouve Shinobu Hashimoto, scénariste sur "Rashomon" et "Le Château de l'araignée" d'Akira Kurosawa. En adaptant le roman de Yasuhiko Takiguchi, il ajoute à celui-ci l'idée du flash-back, faisant de la confrontation des temporalités le coeur même du film ; à la manière de "Rashomon" qui, 12 ans plutôt, multipliait les temporalités et démontrait la capacité du cinéma à raconter une histoire non linéaire. Ici, le spectateur est amené, soit à nier les propos de Kobayashi, soit à épouser un antimilitarisme aussi acéré que la lame de Tsugomo. Et c'est cette liberté de ton, si travaillée par la tension des plans de Kobayashi, empêchant le regard de s'en détourner, qui provoque l'humain, qui provoque Tsugomo.

Hara-Kiri fait s'épouser le fond, la forme et le spectateur, les trois s'alliant en une rare réflexion sur le point de vue au cinéma. À la rudesse du présent est opposée la vérité du passé, une lame seule pouvant trancher : celle du spectateur. Rarement ce dernier n'aura été aussi libre de choisir son camp. Rarement l'enjeu d'un combat sabré n'aura été aussi important dans le cinéma Japonais. Et aux deux extrémités du film, l'armure d'apparat du clan Lyi : coquille vide, expression ironique du réalisateur vis à vis des traditions militaires et du code Bushido. A la manière d'un chorégraphe, il aura mené son ballet avec la précision d'un homme muet soucieux de se faire entendre dans un système où les artistes ne peuvent pas encore totalement s'exprimer.

 

 

Cet Hara-Kiri est un film que le temps peine à vieillir, et c'est tant mieux.

Notons que Takshi Miike a relevé le défi fou de revisiter ce film l'an dernier, et qu'il en est plutôt sorti vainqueur : la couleur (et la 3D dans une moindre mesure) apportant un certain relief au film. Mais c'est encore une autre histoire.

 

The Hard

 

 

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# La fiche dvd Carlotta Films de Hara-Kiri

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