Poupée d'amour, La
Titre original: Nana
Genre: Erotique , Drame
Année: 1970
Pays d'origine: Suède / France
Réalisateur: Mac Ahlberg
Casting:
Anna Gaël, Gillian Hills, Lars Lunoe, Keve Hjelm, Gérard Berner, Rikki Septimus, Yvonne Ekmann...
Aka: Nana 70 / Take Me, Love Me/ Girl of Pleasure
 

Nana possède un joli filet de voix et surtout un corps de rêve. Il n'en faut pas plus pour qu'elle attire l'attention de quelques producteurs et hommes influents dans le show-business, parmi lesquels Hoffman et Werner Von Falke. Ces derniers lui offrent donc sa chance et Nana ne les déçoit pas : tous les regards, tant masculins que féminins, sont tournés vers elle lors de sa première prestation. C'est alors le début d'une carrière prometteuse qui s'annonce pour la jeune femme, et celle-ci enchaîne rapidement séances-photos, spectacles... et amants. Des hommes fortunés de préférence, ou tout du moins susceptibles de la faire grimper dans la hiérarchie sociale.
Consciente de sa beauté, Nana profite de son physique pour s'exhiber à la première occasion et faire tourner la tête des mâles conquis par ses formes sculpturales. Très à l'aise dans les soirées mondaines, Nana s'arrange pour être la maîtresse de cérémonie et diriger les débats, en attendant les ébats. Après un nouveau spectacle, son entourage proche lui présente le Comte Haupt, membre du gouvernement. Celui-ci, plutôt réservé, tombe à son tour amoureux de Nana...

 

 

Nana est un roman d'Emile Zola, publié en 1880, qui constitue le neuvième volet de la série des Rougon-Macquart. Il raconte l'histoire d'une courtisane sous le Second Empire depuis son ascension jusqu'à sa chute. Dans l’oeuvre de Zola, Nana est la fille de Gervaise, héroïne de L'Assommoir.
Au cinéma, on compte bon nombre d'adaptations de ce roman, dont une muette en 1926 par Jean Renoir. Une version hollywoodienne avec le fameux Lionel Atwill dans le rôle du Comte Muffat fut tournée en 1936. Toutefois, c'est la version de 1955 qui demeure la plus célèbre, avec Christian-Jaque à la réalisation et dans le rôle titre celle qui était son épouse à l'époque, Martine Carol. Si les générations les plus récentes ne se rappellent pas forcément de Martine Carol (ce qui serait dommage), elles n'ont peut-être pas oublié, par contre, Véronique Genest qui incarna à son tour Nana en 1981 dans le cadre d'une série télévisée, et où elle dévoilait ses charmes pour le plus grand plaisir des téléspectateurs.
Enfin, citons une dernière adaptation, "Nana : le désir", en 1983, signée Dan Wolman, le réalisateur de Maid in Sweden (Inga... bonne à tout faire) dans lequel Christina Lindberg débutait pour le cinéma.

 

 

Avec La Poupée d'amour (titre d'exploitation français), Mac Ahlberg a tourné une version contemporaine d'un roman classique. Ce fut également le cas pour ses précédents films, et il en sera de même pour ses futurs longs métrages, adaptant sur un ton résolument moderne le Marquis de Sade ("Le marquis sadique", "Justine & Juliette"), Daniel Defoe ("Molly") ou encore Guy de Maupassant (Bel Ami).
Si ses films posséderont la plupart du temps une bonne dose de comédie, ici ce n'est pas du tout le cas. Nana est une arriviste en quête de gloire et de fortune, et le réalisateur en profite pour dresser un portrait au vitriol de la haute bourgeoisie et du monde du spectacle. A l'arrivée, Mac Ahlberg égratigne la plupart de ses personnages, n'épargnant pas son héroïne qui n'inspire guère la sympathie, aussi jolie soit-elle. Logique, en cela le metteur en scène reste fidèle au roman d'Emile Zola, où le personnage principal est décrit comme une artiste sans réel talent, mais qui parvient à grimper les échelons grâce à son physique et son comportement provoquant. Le ton est d'ailleurs donné dès l'ouverture du film, qui voit les principaux protagonistes se retrouver dans un night-club afin d'assister à la première représentation de Nana. A la question posée par l'un d'entre eux : Qui est cette Nana ? Werner Von Falke répond d'un air détaché et narquois : Je ne sais pas. Je crois que c'est une pute.

 

 

L'intérêt de l'intrigue ne va ainsi pas se résumer à la plastique de son héroïne, mais à la manière dont celle-ci va manipuler les hommes... ou pas. Car si bon nombre d'entre eux vont effectivement tomber amoureux d'elle jusqu'à en perdre la tête, d'autres au contraire vont cerner assez rapidement la trouble personnalité de la jeune femme et savoir lire dans son jeu.
C'est la ravissante Anna Gaël qui incarne Nana. Française d'origine hongroise, l'actrice s'est fait connaître à travers des oeuvres aussi diverses que "Zeta One" (au casting féminin exceptionnel, puisqu'on y recense Valerie Leon et Yutte Stensgard de la Hammer, de même que Brigitte Skay et Dawn Addams) et "Le pont de Remagen", en passant par le sulfureux "Thérèse et Isabelle" de Radley Metzger, la sympathique comédie de Michel Deville "Benjamin ou les mémoires d'un puceau", "Le démoniaque" de René Gainville" sans oublier le mémorable "Dracula père et fils". Elle joua aussi au côté de Jean Marais dans une série TV intitulée "Karatekas and Co", en 1973, qu'on aimerait bien voir sortir un jour en dvd par l'INA. Au début des années '80, Anna Gaël met un terme à sa carrière pour se consacrer au journalisme, en tant que correspondante de guerre. Elle se rend ainsi dans le Vietnam du Sud, en Irlande du Nord ainsi qu'en Rhodésie. Elle témoigne de ses expériences dans son roman "La guerre est plutôt malsaine pour les enfants".

 

 

Pour en revenir avec Nana, Anna Gaël s'offre une très jolie scène saphique avec Gillian Hills, chanteuse et actrice anglaise née en Egypte, que l'on vit notamment dans un très bon Hammer, "Les démons de l'esprit". Après avoir débuté dans "Les liaisons dangereuses" de Roger Vadim, Gillian Hills va côtoyer Christopher Lee et Oliver Reed dans "Scotland Yard enquête sur les party girls", plus connu sous le titre (moins original) de "L'Aguicheuse". Elle a ensuite la chance de jouer dans "Blow Up" puis "Orange mécanique" avant de finir sa carrière dans deux films de Juan Bosch, "Dallas" (un western) ainsi que "The Killer Wore Gloves", un honnête giallo dont elle est l'héroïne.
Mais Gillian Hills s'est aussi fait connaître en tant que chanteuse, donc, et particulièrement en France grâce à Eddie Barclay qui produit ses premiers disques. Elle va connaître un certain succès dans le milieu yé-yé au début des années '60, chantant en duo avec Serge Gainsbourg, Eddy Mitchell et les Chaussettes Noires, Henry Salvador et Eddie Constantine. Parmi ses tubes, on retiendra des titres comme on n'en fait hélas plus de nos jours : "Cou-couche panier" et "Zou bisou bisou". Après avoir arrêté le cinéma, Gillian Hills se reconvertira en tant qu'illustratrice de livres et magazines.

 

 

Un duo féminin de charme et jouant tout en justesse, par conséquent, auquel on peut ajouter un casting masculin dans l'ensemble très performant, chacun jouant son personnage à sa juste mesure, avec une mention spéciale pour Keve Hjelm qui compose un Von Falke avec un cynisme remarquable. Notons que Mac Ahlberg a laissé la direction de la photographie à un confrère français (le film étant une production franco-suédoise). Celui-ci, Andreas Winding, possède également une filmographie impressionnante en tant que directeur de la photographie, ayant travaillé sur "Playtime" de Tati, "La Prisonnière" de Clouzot, "Le passager de la pluie" ou encore "Le Trio infernal". Son fils Romain a repris le flambeau après la mort d'Andreas en 1977, opérant sur "Noce blanche", par exemple, ainsi que sur "La discrète".
Quant à la partition musicale, excellente si l'on apprécie le rock psychédélique de cette époque, elle est due à Georg Riedel, connu essentiellement pour avoir composé la musique de la série TV "Fifi Brindacier". Il travaillera pour Mac Ahlberg en plusieurs occasions.

 

 

La Poupée d'amour sortit en France un 14 juillet, en 1971. Le feu d'artifice se transformera en pétard mouillé lors de la parution de la Saison Cinématographique 72, le futur scénariste/réalisateur/acteur/écrivain et déjà essayiste Noël Simsolo se montrant particulièrement virulent dans son propos, qualifiant le film de médiocre et sans intérêt. Le plus étonnant restant sa charge pudibonde digne d'un prêtre intégriste, condamnant un étalage gratuit de chair et d'orgies. Avec le recul, il est amusant de lire Simsolo s'offusquer de cette abondance de nudité gratuite, quand on sait que quelques années plus tard l'historien du cinéma jouera dans "Les deux gouines" et "La chatte sur un doigt brûlant" avant d'être scénariste pour Jean-Claude Roy et Michel Caputo.
En vérité, Nana démontre une fois encore le savoir faire de Mac Ahlberg pour élaborer une histoire fortement chargée en érotisme, certes (on recense même un bref plan hard aux alentours de la quarantième minute, ce qui était encore rare en 1970), mais qui est aussi un drame et une étude de moeurs réussie dans laquelle Anna Gaël compose un personnage plus ambigu qu'il n'y paraît au premier abord. Avec le recul, Mac Ahlberg s'impose comme l'un des meilleurs réalisateurs qu'ait connu le cinéma érotique durant son âge d'or, au même titre que Radley Metzger, Shaun Costello, Gerard Damiano ou Werner Hedman.

 

 

Flint



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