Matalo !
Titre original: ¡Mátalo!
Genre: Western spaghetti
Année: 1970
Pays d'origine: Italie / Espagne
Réalisateur: Cesare Canevari
Casting:
Corrado Pani, Claudia Gravy, Lou Castel, Antonio Salines, Luis Davila...
Aka: Kill Him ! / Willkommen in der Hölle
 

Dans une petite ville perdue dans le désert américain, tandis qu'une diligence s'apprête à partir et que des enfants jouent sur la terre battue, plusieurs hommes sortent du bureau du shérif. Un bandit notoire, Bart (Corrado Pani - Interrabang, Watch Me When I Kill), est sur le point d'être pendu. Derrière la fenêtre d'une bâtisse, une veuve au visage dissimulé sous un voile observe la scène.
C'est alors qu'une bande de Mexicains surgit et commet un massacre en règle. Seul le pasteur reste miraculeusement debout au milieu des cadavres qui jonchent le sol. Armée d'un fusil, la veuve menace Bart qui vient d'être libéré. Il l'embrasse... puis l'abandonne sans mot dire. Tandis qu'il monte sur un cheval, une déflagration se fait entendre ; la veuve s'est suicidée. Bart et ses complices s'enfuient dans le désert, laissant derrière eux un paysage de désolation et le pasteur récitant la Bible inlassablement.

 

 

Un peu plus tard, les chemins de chacun se séparent. Bart paie ses libérateurs. Les Mexicains retournent chez eux. Du moins, le croient-ils, car celui qui a échappé à la pendaison décide de buter ses complices un par un, jusqu'au dernier.
Bart récupère alors son argent et attend l'arrivée de ses trois véritables complices. D'abord Theo (Antonio Salines - Monella, Senso'45) et son comparse Philip (Luis Davila - "4, 3, 2, 1, Objectif Lune", Paranoïa), et plus tard Mary (Claudia Gravy - Byleth, La proie des vierges), la seule femme de la bande et la maîtresse de Philip.
Le quatuor prend ses quartiers dans une ville fantôme, Benson City, un endroit idéal pour être tranquille, du moins en apparence. Le lendemain, ils attaquent une diligence de l'armée nordiste. Durant la fusillade, Bart est laissé pour mort. Les trois survivants retournent à Benson City avec un magot de 200 000 dollars.
Ils pensaient avoir fait le plus dur, mais c'était sans compter avec les arrivées successives de Ray (Lou Castel - El Chuncho, Une folle envie d'aimer), un mystérieux étranger à moitié mort de soif et portant une sacoche remplie de boomerangs, Bridget, une jeune femme venant de subir une attaque de diligence dans laquelle elle a perdu son mari, et Constance Benson (la veuve de celui qui fonda la ville).
Trois bandits sans foi ni loi d'un côté, trois victimes en puissance de l'autre... cela semble joué d'avance. Mais un septième individu arrive à son tour à Benson City, restant volontairement en retrait. Toujours caché, mais bien présent. Que veut-il, et surtout... qui est-il ?

 

 

Après l'attaque sanglante d'une diligence, une bande de pillards laisse sur place l'un des leurs pour mort et va se réfugier dans une ville fantôme. Les bandits, dont une femme fait partie, vont croiser sur leur route des innocents qui vont être pris en otage et torturés.
Non, ceci n'est pas un autre résumé du Matalo ! de Cesare Canevari, mais celui de "Dieu ne paie pas le samedi", réalisé par Amerigo Anton (de son vrai nom Tanio Boccia) en 1967. Il va sans dire qu'au niveau du fond, Matalo ! est un copié/collé du film d'Anton. En ce qui concerne la forme, si l'on excepte des dialogues rares dans les deux cas, Matalo ! se démarque de son aîné par le look de ses bandits (paraissant échappés de Woodstock, à l'instar des babos croisant Johnny Hallyday dans Le Spécialiste), sa musique aux accents de rock tantôt psychédélique, tantôt progressif, ancrant parfaitement le film dans son époque malgré son côté décalé (pour un western) et la manière dont Canevari parvient à transformer la ville fantôme en décor gothique, rajoutant ainsi une touche de surnaturel dans une oeuvre qui baigne donc dans un surréalisme total.
Dernier point, l'un des quatre scénaristes ayant travaillé sur Matalo !, Mino Roli, était déjà responsable du scénario pour "Dieu ne paie pas le samedi".

 

 

Difficile de cerner exactement ce qu'a voulu faire Cesare Canevari avec Matalo ! (mot signifiant "Tue-le "). Son film s'ouvre sur un désert écrasé par un soleil de plomb et cette citation : Il n'existe que deux hommes bons : le premier est mort, le second n'est pas encore né.
Le film prend donc du départ une tournure ésotérique (à tendance pseudo-biblique), et bascule rapidement dans le surréalisme lors de la première tuerie, avec ce pasteur errant au milieu des cadavres, le nez collé dans sa Bible, tandis que des riffs de guitares nerveux et saturés accompagnent cette scène d'apocalypse.
Canevari ne va cesser alors de se livrer à des expérimentations tout au long du film, prenant à contre-pied les bases établies du western spaghetti. Après avoir dessoudé la quinzaine de Mexicains, Bart se tourne face à la caméra, s'adressant directement au spectateur, et explique les raisons de son geste, tenant à justifier son acte.
On pense légitimement que Bart est le personnage central, mais Canevari le fait disparaître à la fin de la première demi-heure, lors de l'attaque de la diligence. Au milieu du film arrive (enfin) le héros, en la personne de Ray, mais ce dernier va faire figure de Christ portant sa croix jusqu'au calvaire durant une bonne partie de l'intrigue, avant que la vengeance n'intervienne fatalement, avec pour apothéose l'utilisation de boomerangs pour se défaire de l'ennemi.

 

 

Cesare Canevari est un réalisateur bien connu dans le monde du cinéma-bis, même s'il n'a tourné finalement qu'une dizaine de films. Et de ceux-ci, on n'en connaît que très peu. On peut citer "Moi, Emmanuelle" (1969), première adaptation cinématographique du roman d'Emmanuelle Arsan publié en 1959, "Parties déchaînées" ("The principessa nuda", 1975) qui offrit à Ajita Wilson l'un de ses plus beaux rôles, et bien évidemment son incursion dans la nazisploitation avec Des filles pour le bourreau ("L'ultima orgia del III Reich", 1976).
Matalo ! est une expérience visuelle et sonore assez déstabilisante, tant ce western sort des sentiers battus. On a ici un huis-clos prenant pour cadre une ville fantôme, avec suffisamment de trouvailles pour lui trouver une atmosphère gothique et donc un aspect surnaturel (comme la balançoire bougeant toute seule). Canevari semble vouloir utiliser toutes les possibilités apportées par une caméra : courtes et longues focales, zooms intempestifs, flous "artistiques" par le biais d'un élément du décor (l'eau qui coule de la fontaine) ou d'un objet (un bijou en cristal).

 

 

Le réalisateur multiplie également les angles de vue improbables, certains rappelant un autre western étrange tourné par Tinto Brass en 1966, "Yankee". Canevari utilise enfin le concept de l'image subliminale d'un oeil en gros plan (celui du "septième personnage"), comme le fera peu après Dario Argento dans Le Chat à neuf queues.

En l'absence répétée de dialogues, Canevari compense donc par une recherche au niveau du visuel, avec un résultat plutôt efficace, il faut le reconnaître. Et la musique de Mario Migliardi (La planète des hommes perdus) concourt à faire basculer cette oeuvre dans un surréalisme toutefois très éloigné d'une oeuvre baroque comme "El Topo" de Jodorowsky, tourné en cette même année 1970.

Essentiellement parce que Cesare Canevari reste classique, dans les grandes lignes, en ce qui concerne les archétypes de ses personnages. On a en effet un héros mystérieux dont on ne connaît rien à propos de son passé, un méchant impitoyable flanqué de deux bras droits tout aussi cruels que sadiques, et une "femme fatale" prête à trahir à la première occasion. Au final, cela nous donne un Corrado Pani qui en fait un peu trop, et un Lou Castel qui en fait... trop peu. Dommage, mais Antonio Salines est très bon quant à lui, en plus d'avoir vraiment la gueule de l'emploi, et Claudia Gravy compose une parfaite salope, toujours prompte à jouer les tortionnaires.
Et si l'on devine aisément qui est le "septième homme" dont on ne voit longtemps qu'un bras tenant un fusil, Matalo ! n'en reste pas moins une belle réussite du western. Cette coproduction italo-espagnole atypique prouve ainsi que l'on peut mélanger des spaghettis dans la paella sans que le résultat soit indigeste.

 

 

Flint

 

 

En rapport avec le film :

 

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