Incident, L'
Titre original: The Incident
Genre: Thriller , Drame
Année: 1967
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Larry Peerce
Casting:
Tony Musante, Martin Sheen, Beau Bridges, Thelma Ritter, Brock Peters, Gary Merill, Ruby Dee, Ed McMahon, Donna Mills, Jack Gilford...
 

Vers trois heures du matin dans le métro de New-York, Joe Ferrone et Artie Connors, deux voyous sans scrupules, terrorisent les passagers du wagon où ils se trouvent...

 

 

The Incident démarre comme une sorte de thriller dans la mesure où nos deux racailles tabassent un type dans une ruelle, tout cela dans une ambiance nocturne de film noir, presque crépusculaire et destinée à nous faire mesurer la dangerosité potentielle des deux hommes...
Une fois les présentations faites, on entre alors dans une sorte de chronique de quartier : on passe en revue plusieurs personnages ou couples, à la même heure, dans les mêmes parages, comme pour prévenir d'une fatalité, quasiment à la façon des films catastrophe, non loin non plus des films chorals qu'on a vu fleurir depuis la fin des années 90.
C'est chose faite au bout d'une demi-heure, durant laquelle on doute de revoir Tony Musante et Martin Sheen, et tout ce beau monde se retrouve au même endroit : dans une rame de métro...

Une nuit d'apparence ordinaire ; on se retrouve donc en plein à New York, dans un métro ramenant les gens présentés avant, chez eux. Les deux voyous, deux psychopathes en puissance, entrent dans un wagon et commencent à humilier tour à tour les passagers. Confrontés à cette agressivité dangereusement gratuite, les passagers ne réagissent alors pas de la même façon, et au film de dérouler de façon un peu téléphonée, passant en revue (et à tabac parfois) chacun d'eux.
Dès lors, les loulous vont leur servir de révélateur ; Joe Ferrone (Tony Musante), bien que mentalement dérangé, a l'art de jouer sur les points sensibles des passagers. Quant à Artie Connors (premier rôle de Martin Sheen au cinéma, avec une composition évoluant non loin de celle qu'il effectuera dans La petite fille au bout du chemin), il donne le sentiment d'un homme violent, sadique, avec lequel le pire peut arriver, de la façon la plus soudaine qui soit.

 

 

A partir de là, on a le sentiment constant d'évoluer dans une pièce de théâtre aménagée pour le cinéma. Une pièce qui évoluerait non loin de ce qu'aurait pu faire, par exemple, Sidney Lumet. Drôle d'impression vu qu'il s'agit d'une histoire puis d'un scénario originaux signé Nicholas E. Baehr (auteur de nombreux scripts pour des séries américaines bien connues : "Opération danger" principalement, dont il fut dans les années 50 producteur associé).

On se retrouve donc avec un panel qui, grosso-modo, peut se décliner ainsi :
un ancien alcoolique repenti qui craque en premier, leur dit le fond de sa pensée avant d'être réduit au silence, renvoyé à sa lâcheté ; un homosexuel bafoué publiquement ; un jeune couple dont l'homme (raciste et homophobe au dernier degré - bon courage à la dame !) joue les caïds jusqu'au moment où il est lui-même emmerdé ; deux militaires en permission, dont l'un, par peur, ne pipe mot... quant à l'autre (Beau Bridges), le bras dans le plâtre, il semble garder son sang-froid, pour un temps en tout cas et en apparence ; un couple de noirs également (à ce sujet et au-delà du propos sur l'insécurité, l'intervention des flics sera elle aussi révélatrice puisque directement et par réflexe, ce n'est pas vers les deux hommes dangereux qu'ils iront mais vers l'homme de couleur qu'ils plaqueront contre la porte de la rame) ; un couple de vieux juifs également, très apeuré, comme pour signifier leur lourd passé et un complexe qui va de pair) ; enfin un homme pas mal en colère et son épouse qui ne cesse de supplier jusqu'à... l'incident !

 

 

La tension monte ainsi, graduellement, au rythme des brimades.
Là où The Incident est très réussi, c'est dans ce sentiment d'oppression croissante, fort bien rendue à l'écran. Il y a une scène terrifiante où Thelma Ritter gifle, de rage contenue, puis libérée, Tony Musante.
A partir de là, le sentiment distillé est que tout peut arriver, les réactions des deux psychopathes demeurant imprévisibles. La fin ne déçoit pas et l'on reste hébété, un peu médusé par l'explosion de violence soudaine d'un des passagers, même s'il convient de ne point trop en dire à ce sujet.

En revanche, d'un point de vue psychologique ou plutôt même social, le film de Larry Peerce ("Un tueur dans la foule"), en concentrant ce panel dans une rame, "compartimente" un peu trop les communautés, jusqu'à parfois les caricaturer et les surcharger. Ainsi, si les réactions de lâcheté, aussi bien individuelles que collectives, sont crédibles, à-propos et encore d'actualité à ce jour (ce qui en fait un film moderne, tout du moins de ce point de vue là), leurs traits sont également un peu trop épais en plus d'être ancrés dans des considérations d'époque. Par exemple, l'homme de couleur (Brock Peters / Les 4 de l'Ave Maria, La Trahison se paie cash...) se permet lui aussi de glisser à sa fiancée des réflexions racistes sur des blancs alors malmenés, mais n'ayant pourtant rien fait pour mériter un tel traitement. Ce faisant, les auteurs semblent vouloir remettre en cause la crédibilité des mouvements black anti-raciaux de l'époque alors qu'ils n'avaient pas besoin d'alibi pour ce faire ; le racisme et la jouissance de voir d'autres communautés mises à mal (ici, les blancs) est une tare de tout temps, les tensions inter-raciales n'étant pas le monopole de la communauté Wasp. Quid dans ce cas de l'antisémitisme black qui sévissait à l'époque ? Du coup, le manque de discrétion du personnage et sa grossièreté de jugement paraissent un peu gros et ne convainquent pas.

 

 

Cela étant, l'ensemble fait néanmoins preuve d'une grande force dramatique et peut même être vu comme un tremplin vers un cinéma vigilante, ce qui en accroît, volontairement ou non, son intérêt. L'interprétation, même si comme dit avant, certains personnages sont vite et mal croqués, est de haut vol : Tony Musante (son premier grand rôle au cinéma également, avant El mercenario, L'oiseau au plumage de cristal, Pas d'orchidées pour miss Blandish ou "Les complices de la dernière chance") est tant loquace et outrancier qu'il finit par passer en force, dans un état quasi-second, tout comme Martin Sheen à un moindre degré. Gary Merill ("L'île mystérieuse", "La guerre des cerveaux"...) sue la nervosité alcoolique de façon palpable et on a droit encore à la première apparition de Donna Mills dans un long métrage, avant sa révélation dans le "Play Misty for Me" de Clint Eastwood ; en fait, chaque acteur joue sa partition de manière parfaite. Ce n'est pas la stupéfiante composition de Beau Bridges qui viendra contredire cela...

Reste que The Incident est ressorti en salles en septembre 2014 grâce aux bons soins de Swashbuckler Films, tout en restant, en tout cas, à ce jour, inédit en dvd, en France. Une erreur qui se devrait d'être réparée pour un film qui le mériterait amplement, d'autant qu'il annonce de façon singulière le "Orange mécanique" de Kubrick, lequel est sans conteste venu emprunter cette rame.

 

 

Mallox

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