Terreur dans la nuit
Titre original: Night Watch
Genre: Epouvante , Thriller
Année: 1973
Pays d'origine: Grande-Bretagne / Etats-Unis
Réalisateur: Brian G. Hutton
Casting:
Elizabeth Taylor, Laurence Harvey, Billie Whitelaw, Robert Lang, Linda Hayden...
Aka: La nuit de la terreur (titre Canadien)
 

Ellen (Elizabeth Taylor), une riche veuve remariée avec John Wheeler (Laurence Harvey), un investisseur sérieux et ambitieux, est encore sous le choc de l'accident de son ex-mari : la nuit, régulièrement, elle revoit, lors de cauchemars récurrents, l'accident qui a causé sa mort alors qu'il était au volant avec sa maîtresse, la trompant ainsi. Elle se revoit également à la morgue en train d'identifier les deux cadavres.
Ses cauchemars ne vont pas sans un certain déséquilibre mental et John est tout à fait compréhensif à cet égard. Ils hébergent d'ailleurs sous leur toit Sarah Cooke (Billie Whitelaw), la meilleure amie de ce dernier, laquelle s'occupe d'Ellen, servant à la fois de servante et d'infirmière.
Cet équilibre précaire va bientôt être bouleversé par d'autres visions nocturnes d'Ellen, éveillées quant à elles : Ellen est persuadée d'apercevoir des cadavres et des meurtres dans la vieille bâtisse abandonnée, faisant vis-à-vis avec sa chambre. En revanche, convaincre son entourage et bientôt la police que ses visions sont réelles va s'avérer beaucoup plus ardu que prévu, d'autant qu'après une alerte auprès de la police et un premier déploiement des forces de l'ordre, rien n'est trouvé dans cette vieille demeure...

 

 

Brian G. Hutton est surtout connu pour deux films d'aventures guerrières réussis, "Quand les aigles attaquent" et le très anarcho-débridé "De l'or pour les braves". C'est oublier comme souvent que le réalisateur de neuf films, pas plus, fut surtout acteur et amorça sa carrière, crédité enfin aux génériques des films, en 1957 avec "Carnival Rock" de Roger Corman, entre Susan Cabot et Dick Miller, ainsi qu'un petit rôle juste au côté du non moins jeune Lee Van Cleef en bad boy dans "Règlement de comptes à O.K. Corral" (on le reverra encore chez Sturges dans "Le dernier train de Gun Hill" notamment). En tant que metteur en scène, outre les deux films cités qui ont encore leurs petites heures de gloire lors de diffusions télévisées, on lui doit une poignée d'autres bobines plus méconnues. Soit, son dernier film, en 1983, "Les aventuriers du bout du monde", était une exploitation assez mollassonne des "Aventuriers de l'arche perdue" et de "A la poursuite du diamant vert" (d'ailleurs, ce sera le terme de sa carrière avant que celui-ci ne se reconvertisse en agent immobilier), mais ceux qui ont eu la chance d'apercevoir sur TCM son premier film, "Wild Seed", un drame romantique de 1965, savent que Brian G. Hutton pouvait se mouvoir avec talent dans des registres variés. Ses "Corrupteurs" dans lequel on trouvait David McCallum et Telly Savalas, étai(en)t, si je puis dire, honnête(s), mais il faut bien avouer que son avant-dernier film, un thriller avec Franck Sinatra vieillissant, sur fond de tueur en série (un stranger in the night en quelque sorte), sévissant au piolet, annonçait un net déclin, le suspens y étant quelque peu anémique. Entre temps et avant d'avoir pris ses distances une première fois avec le cinéma durant près de sept ans, Brian G. Hutton tourne donc ce Night Watch, tenant plus du projet indépendant que de la commande de studio (le film est en partie produit par une petite firme américaine, la Brut Productions, laquelle confiera la réalisation de "Welcome to Arrow Beach" à l'acteur Laurence Harvey, juste avant son décès en cette même fin d'année 1973 d'un cancer de l'estomac)...

 

 

Le résultat à l'écran est en trompe-l’œil si ce n'est en trompe-la-mort. Il y a dans Terreur dans la nuit tous les ingrédients ultra-connus et même tous les codes, balisés à l'extrême, des thrillers paranoïaques à tendance machination ayant eu cours depuis le "Hantise" de Cukor et le "Soupçons" d'Hitchcock. De ceux qui ont ensuite contribué à bâtir des pans de cinéma d'exploitation pour le meilleur et pour le pire : ceux de la Hammer par exemple (Paranoïac, Hurler de peur principalement et outre la machination, pour les visions de l'héroïne, etc.), tout comme les gialli du père Lenzi (Paranoïa, Il coltello di ghiaccio, à noter que le pitch est par exemple très proche d'Une folle envie d'aimer avec cette femme qui vient de perdre son mari après un accident de voiture, avec psyché fragilisée et tout le bazar...). Bref, sur le papier, rien de neuf a priori.

Night Watch démarre donc sur un mode convenu avec, en point de mire, une Elizabeth Taylor légèrement vieillissante et pas mal empâtée par l'alcool, vampirisant l'écran d'une présence névrotico-schizophrène quasi de chaque instant... Autant dire que l'on a tôt fait de savoir où l'on a mis les pieds : le couple d'amis formé par le mari (Laurence Harvey) et Sarah (Billie Whitelaw/"Twisted Nerve", La Malédiction...) semble d'un côté trop prévenant pour être honnête, de l'autre, la folie qui habite Ellen peut paraître illustrée de manière excessive à l'écran. A ce titre, Elizabeth Taylor parait surjouer, livrant une prestation autant expressive qu'excessive...

 

Mais Brian G. Hutton (et son scénariste Tony Williamson - on peut rajouter Lucille Fletcher) est un petit malin et réussit ici à manipuler le spectateur. Sans en dire davantage à ce sujet, mettons qu'il parvient savamment à jouer avec les codes du thriller-machination pour au final se jouer d'eux et du spectateur avec.
Terreur dans la nuit quoiqu'imparfait, réussit son pari et pour cela le réalisateur n'hésite pas à surcharger sa pellicule d'effets en tous genres : la musique de John Cameron (Psychomania) varie du discret au tonitruant en passant par le déglingué, les orages et bourrasques nocturnes et tempétueux y servent autant de cliché que de leitmotiv (on soulignera en passant la très belle photographie de Billy Williams/"Un cerveau d'un milliard de dollars") et finissent par lui donner des relents de film gothique et de maison hantée. Le parti-pris d'épouser tour à tour le point de vue de son héroïne tourmentée pour les passages cauchemardesques très explicites et celui, plus posé, du mari, pour les segments du domaine de la raison, peuvent sembler discutables après-coup, toujours est-il qu'il fonctionne à plein régime et qu'il est quasiment impossible de ne pas rester jusqu'au final (malgré un énorme sentiment de déjà-vu, et pour cause !), véritable revers de manche remettant en question l'énorme trompe-l’œil auquel on vient d'assister, amenant alors Night Watch dans des sphères à la fois grand-guignolesques et, sans tout à fait être parodique, dans les confins d'un humour macabre extrêmement malicieux en plus d'être très fidèle à l'humour noir traditionnel britannique. En témoignent les incessantes allées et venues des flics de Scotland Yard dans la funeste demeure "d'en face" qui tourneront à la farce.

 

 

Terreur dans la nuit est un thriller qui parvient à faire de ses clichés et de ses excès apparents, un atout. Une réussite en vérité.

 

Mallox

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