Stephen the Great - Vaslui 1475
Titre original: Ștefan cel Mare - Vaslui 1475
Genre: Historique , Cape et épées
Année: 1975
Pays d'origine: Roumanie
Réalisateur: Mircea Drăgan
Casting:
Gheorghe Cozorici , Gheorghe Dinica, Violeta Andrei, Iurie Darie, Colea Rautu, Florin Piersic, Geo Barton, Ana Széles...
 

- "Ce nid de guêpes compte moins d'âmes qu'il n'y a de soldats dans les armées de notre glorieux sultan.
- Mais de ce nid de guêpes du Danube sont déjà sortis de redoutables adversaires, comme Mircea ou l'empaleur, qu'aucun d'entre nous n'a oubliés."

 

 

Ștefan cel Mare - Vaslui 1475 est une production de prestige (à l'échelle roumaine) sortie en janvier 1975 pour célébrer le 500e anniversaire de la bataille de Podu Înalt (ou Vaslui), bataille qui dans l'imaginaire national roumain peut se comparer à une sorte de condensé entre Austerlitz et la bataille de la Marne soit, en gros, à la fois un succès éclatant dû au génie tactique d'un homme et une victoire miraculeuse qui sauva toute une nation. Le but était de célébrer à la fois la grandeur et l'esprit de sacrifice du peuple roumain, et le génie de son "conducator" de l'époque, à savoir Étienne le Grand (Stefan cel mare). Génie dont a bien entendu hérité son successeur : le Danube de la pensée Nicolae Ceausescu. Et pour ceux à qui la filiation spirituelle aurait échappé, le film débute par une citation d'icelui, histoire de mettre les points sur les "i". L'autre but était de reproduire cinq ans après l'extraordinaire réussite (à tout point de vue) de La dernière croisade ("Mihai Viteazul"). Mais comme ce dernier film avait été jugé trop spectaculaire et trop "léché", la forme l'emportant sur le fond, ce n'est pas à Sergiu Nicolaescu que l'on confia le projet, mais à son rival Mircea Drăgan.

 

 

Bon, disons-le tout net, s'il y a rivalité entre Nicolaescu et Dragan, c'est uniquement au niveau des budgets alloués (les deux étant les spécialistes du film historique épique) et au nombre de spectateurs attirés dans les salles obscures. Pour le reste, c'est-à-dire le talent et la maitrise technique, c'est un peu comme si on comparait Jean-Pierre Melville à Jean Girault ou Gérard Oury, c'est tellement disproportionné que ça n'a aucun sens. Ce qui ne veut pas dire pour autant que Dragan est nul ; à l'image des deux derniers cités, Dragan a (à défaut de talent) un savoir-faire certain, suffisant en tout cas pour remplir les objectifs désignés par le producteur : attirer le spectateur dans les salles tout en faisant passer un message politique, certes sans excès de subtilité, mais sans trop de lourdeur (on a vu pire, y compris à Hollywood) et (pour les films historiques) sans trop d'anachronismes.
Hélas, si Ștefan cel Mare - Vaslui 1475 fait preuve d'une historicité louable et d'un (trop) grand didactisme (les tenants et aboutissants de cette guerre sont clairement exposés, de même que le génie stratégique et tactique d'Étienne le Grand), il est pour le coup excessivement bavard, donnant l'impression dans sa première partie de voir du théâtre filmé, avec en plus pléthore de personnages historiques, dispensables pour la plupart. Auxquels s'ajoutent des personnages romanesques (la fratrie des Jderi) qui ne servent quasiment à rien dans l'avancement de l'histoire, si ce n'est à faire du remplissage pour tenir les 2h15 réglementaires de tout film épique roumain qui se respecte (sorti en deux épisodes de 1h15, générique et résumé compris pour le second épisode).

 

 

Il faut dire que Stephen the Great - Vaslui 1475 n'est que la seconde partie d'un diptyque (une tétralogie même, dans la mesure où chacun des deux films est en deux épisodes) historique sur Étienne le Grand, tiré de l’œuvre de Mihail Sadoveanu, le Michelet roumain. La première partie "Frații Jderi", qui a pour toile de fond la campagne d'Étienne contre les Tatars, est centrée sur les figures romanesques des frères Jderi. Le tort de Dragan, alors que les deux films sont indépendants, est d'avoir conservé le même casting et donc des personnages totalement superfétatoires, reléguant ainsi l'acteur le plus célèbre du présent métrage (Florin Piersic) à de la quasi-figuration.
Les scènes de combats de la bataille de Vaslui, qui n'interviennent qu'au bout d'une heure et demie (dans la version "deux épisodes accolés" actuelle), ne rachète qu'en partie les défauts d'une première partie verbeuse et théâtrale. Si la figuration est, comme attendu, (très) imposante, et la reconstitution méticuleuse (la bataille a été tournée sur les lieux mêmes de "l'action"), le résultat à l'écran est assez confus et, pour tout dire, souvent maladroit avec quelques mouvements de caméra parfois malheureux, le brouillard (historique) qui enrobe la plupart des séquences de combats n'aidant pas à la compréhension de l'ensemble.

 

 

Cela étant, et malgré ses nombreux défauts, ce métrage, s'il n'est en rien comparable au film de Nicolaescu, est quand même beaucoup plus sympathique que, par exemple dans le même genre, La vraie vie de Dracula de Doru Nastase. Ce dernier film étant un enfilage de chromos plastiquement réussies, pris individuellement, mais artificiel et sans souffle, soit un film de chef op'. Alors que le film de Dragan est celui d'un réalisateur compétent pour diriger les acteurs, mais techniquement limité dès qu'il faut manier des foules. Dragan était pourtant expérimenté dans ce domaine, puisqu'il réalisa le premier film roumain à grand spectacle et en couleur, dix ans plus tôt avec "Neamul Șoimăreștilor", déjà une adaptation de Mihail Sadoveanu. Ce qui apporte de l'eau au moulin de ses détracteurs, soit tous les critiques roumains post-communistes, qui considèrent qu'il ne fit jamais le moindre progrès depuis ses modestes débuts à la fin des années 50 et qu'il doit sa carrière à ses réseaux politiques. Jugement peut-être un peu sévère car ces mêmes détracteurs lui reconnaissent une réussite incontestable avec S.O.S. Poséidon ("Explosia"), film catastrophe de bonne tenue.
Mais le principal point fort du film est la qualité de l'interprétation, avec en premier lieu Gheorghe Cozorici dans le rôle-titre, et Gheorghe Dinica dans celui du sultan Mehmet II ; et ceci malgré des tenues, couvre-chefs et moumoutes certes historiques mais d'une esthétique discutable. Ajoutons aussi Violeta Andrei qui joue l'épouse criméo-bizantine d'Étienne, et qui est l’élégance incarnée quelle que soit sa tenue.

 

 

Sigtuna




En rapport avec le film :

# La bataille de Vaslui, qui sert de point d'orgue au film, mit aux prises 40 000 à 50 000 Moldaves (dont une levée en masse de 30 000 paysans) et mercenaires hongrois et polonais à une armée d'invasion de plus de 100 000 à 150 000 Turcs ottomans et tatars. Si les effectifs et les pertes (entre 4 000 et 8 000 hommes côté roumain, du quintuple au décuple côté turc) sont sujets à contestation, le résultat communément admis est que l'armée ottomane fut presque totalement anéantie par la poursuite qui s'en suivit (trois jours durant). Selon les chroniqueurs turcs, Mehmet II, en apprenant l'ampleur de la défaite dans son palais d'Istanbul, resta cloitré pendant cinq jours en refusant de voir quiconque.
Vaslui est considéré comme la plus grande victoire remportée par une armée "roumaine", même si d'un strict point de vue militaire l'exploit est moins impressionnant que celui réalisé cent-vingt ans plus tard par Mihai Viteazul à Călugăreni.

Vote:
 
4.00/10 ( 1 Vote )
Clics: 4270
0

Autres films Au hasard...